Des solutions pour faciliter le travail
Le forum technique d’Evel’up a présenté des solutions pratiques pour gagner en confort de travail et en efficacité, avec l’œil d’observateur d’une ergonome.
Le forum technique d’Evel’up a présenté des solutions pratiques pour gagner en confort de travail et en efficacité, avec l’œil d’observateur d’une ergonome.
Le temps de travail d’un élevage naisseur engraisseur type est de 18 h 12 par truie et par an (1). Derrière cette moyenne se cachent de fortes disparités : 14 heures pour le premier tiers et 23 heures pour le dernier. C’est la preuve qu’il existe des leviers d’amélioration, d’autant plus que la question du travail est devenue très présente en élevage. « Elle relève à la fois d’un enjeu de recherche d’efficacité, dans un contexte de marché de l’emploi de salariés tendu, mais aussi d’un enjeu de santé en limitant les troubles musculo-squelettiques. Optimiser l’ergonomie est aussi un moyen de fidéliser les salariés et de leur permettre de mieux s’épanouir dans leur métier », a souligné Sarah Heugebaert, coordinatrice d’Evel’up, lors du forum technique d’Evel’up du 7 décembre. Il avait pour but d’aider les éleveurs à prendre du recul sur leurs pratiques et leurs équipements, en ciblant particulièrement les tâches les plus pénibles et les plus chronophages. Une bonne partie de la journée a été consacrée à la vaccination en post-sevrage et aux soins en maternité, avec des témoignages d’éleveurs qui ont mis en place des aménagements et des équipements ingénieux permettant de travailler à hauteur d’homme (2) : chariots, fosses de vaccination, toboggan…. Ils sont présentés dans un recueil de fiches pratiques édité par Evel’up et regroupant une soixantaine de solutions et d’astuces d’éleveurs. En parallèle, l’ergonome Lauriane Closier a apporté son regard extérieur sur ces deux situations de travail souvent jugées pénibles par les éleveurs. Après une visite de chantiers, elle a émis quelques recommandations et pistes d’amélioration pour éviter le développement de troubles musculo-squelettiques (TMS) et réduire la fatigue (voir ci-dessous).
Penser ergonomie en amont d’un projet
« L’apparition des TMS est multifactorielle, a-t-elle expliqué. Pour améliorer l’ergonomie, il ne suffit pas de modifier l’organisation matérielle. C’est une approche globale qui doit aussi tenir compte des trois autres champs d’action que sont l’environnement (lumière, espace…), les individus (sensibilisation aux gestes et postures) et l’organisation du chantier." C’est surtout lors d’un projet qu’il faut réfléchir à optimiser les conditions de travail, car c’est toujours moins coûteux que sur des bâtiments existants (par exemple, la marche en avant au sein de l’élevage permettant d’optimiser les déplacements des animaux). Il ne faut pas hésiter à faire appel à un ergonome lors de la rénovation ou la construction d’un bâtiment. L’idéal étant de le faire le plus en amont possible. "Même hors projet, de nombreux leviers d’action existent pour améliorer les situations de travail. Parfois, il suffit de bousculer les habitudes", conclut Lauriane Closier. Filmer une séance de travail peut aussi être très instructif. Cela permet de voir les postures inadaptées et les gestes trop répétitifs, pour les corriger.
Dix conseils pour réduire la fatigue
- Privilégier une prise groupée des porcelets pour limiter les postures baissées répétées
- Utiliser un châssis à roulettes pour supporter la caisse de transport des porcelets (prévoir des barres de seuil ou une mini-rampe en cas d’écarts de niveaux du sol).
- Prévoir des portes outils sur le chariot pour libérer les mains. Ils doivent être à hauteur du coude, pour ne pas avoir à lever le bras.
- Un toboggan pour la dépose des porcelets limitera les douleurs dorsales, tandis qu’un coupe-queue fixe ou une meuleuse avec potence et repose meuleuse limitera les troubles des membres supérieurs.
- Utiliser de petits contenants : mieux vaut avoir plusieurs flacons de désinfectant qu’un seul plus lourd.
-Utiliser des protections auditives. Préférer les bouchons moulés individuels (à changer tous les 4-5 ans) au casque
-Lors d’une vaccination au sol, utiliser des barrières mobiles avec pied ou fixation
Le saviez-vous ?
Lorsqu’on soulève une charge avec le dos courbé, la pression exercée au niveau des lombaires sera 5 fois plus élevée qu’avec le dos droit. En soulevant un porcelet de 6 kg, le poids ressenti sur les lombaires passe de 18 kg, le dos droit, à… 90 kg le dos courbé ! Lors d’un sevrage de 100 porcelets, la charge ressentie au niveau de la colonne vertébrale atteint 18 tonnes, sachant qu’en plus l’opération est réalisée de façon intense pour optimiser le temps de travail.
Focus sur trois pratiques
Des enquêtes en élevages sur des solutions permettant de gagner du temps ont été présentées par les techniciens Evel’up, en particulier sur l’arrêt de l’épointage des dents, le robot de lavage et le tatouage pneumatique.
Un lavage moins pénible grâce au robot
Un bilan réalisé chez 6 éleveurs équipés de robots de lavage confirme l’intérêt de l’automate sur l’amélioration des conditions et l’organisation du travail. Les utilisateurs conseillent de continuer à faire un trempage automatisé, pour optimiser son fonctionnement et d’avoir une personne responsable du robot qui forme le reste de l’équipe. Dans le cas de couloirs larges (verraterie), une astuce consiste à poser un guide sur le caillebotis. Toutefois, l’investissement reste important. « La rentabilité est possible à partir de 250 truies », estime Alexandre Le Dret, technicien Evel’up. « Elle dépend aussi du parc de bâtiments, l’objectif étant de pouvoir l’utiliser dans un maximum de salles, qui soient simples à préparer et avec des couloirs de transfert adaptés. » Il s’appuie sur deux cas d’élevages NE, équipés du robot Procleaner. Celui de 200 truies (5 bandes) a réduit le temps de lavage manuel par bande de 16 heures à 2 h 30, sachant que le robot n’est pas utilisable en verraterie ni en gestante. Avec une utilisation annuelle de 176 heures, l’économie de main-d’œuvre ne couvre pas en totalité l’annuité du robot (1), soit une charge supplémentaire de 1 330 euros par an pendant sept ans. Dans le cas d’un élevage de 260 truies en 7 bandes l’utilisant à tous les stades, le coût du robot est amorti (226 heures d’utilisation).
Un arrêt progressif du meulage des dents
Une enquête a été réalisée chez 25 éleveurs qui ont arrêté ou tenté d’arrêter de meuler les dents des porcelets. « Il en ressort que plus d’un tiers d’entre eux n’ont rencontré aucun problème suite à l’arrêt. Les autres élevages ont fait part de blessures sur les joues des porcelets, de problèmes d’arthrites et dans quelques cas, de truies refusant l’accès à la mamelle et d’une hausse du taux de perte en maternité », a expliqué Mélanie Ropars, technicienne Evel’up. Sept éleveurs ont depuis repris le meulage. 11 éleveurs sur 25 ont recours à un épointage occasionnel, en ciblant certaines portées plus à risques. Pour réussir l’arrêt de l’épointage des dents, la technicienne conseille de débuter progressivement en commençant par les cochettes. « La surveillance des truies et des porcelets doit être renforcée pour pouvoir intervenir rapidement en cas de problème. Enfin, les essais doivent être démarrés dans des conditions optimales (confort thermique des porcelets, bonne montée en lait de la truie…). »
Le tatouage pneumatique, plus ergonomique
L’utilisation d’un tatoueur pneumatique (modèle RV Biotech) a permis d’améliorer l’ergonomie lors du tatouage et de limiter les risques d’accident. C’est ce qui ressort d’une enquête chez neuf éleveurs utilisateurs. En contrepartie, il nécessite de consacrer du temps à son entretien (c’est un facteur clé de réussite) et il oblige à porter les porcelets. « Chez les éleveurs enquêtés, le tatouage pneumatique est souvent réalisé entre 5 et 7 jours d’âge en même temps qu’un autre soin. Le rythme moyen est de 250 à 300 porcelets tatoués par heure à deux personnes (tatouage seul) », a détaillé Samuel Mignot, technicien Evel’up.