Comment sevrer un maximum de porcelets par les truies
Une étude terrain réalisée par la firme génétique Danbred décrypte le savoir-faire des éleveurs qui font très peu appel au sevrage précoce ou aux truies adoptives, malgré une productivité élevée.
Une étude terrain réalisée par la firme génétique Danbred décrypte le savoir-faire des éleveurs qui font très peu appel au sevrage précoce ou aux truies adoptives, malgré une productivité élevée.
« Bien plus que le nombre total de porcelets que la truie peut produire, la capacité à les allaiter jusqu’au sevrage est un critère essentiel pour évaluer l’intérêt économique du reproducteur, affirme Loïc Havez, responsable technique Danbred France. Améliorer le pourcentage de porcelets sevrés par la truie permet de maximiser le poids de la portée au sevrage, et donc au final le nombre de kilos de carcasse vendus par truie et par an. » À partir d’une enquête réalisée auprès de 28 éleveurs utilisateurs de cette génétique, il constate que 90 % des porcelets sont sevrés par la truie en moyenne. Mais il met en évidence que les éleveurs qui obtiennent les portées les plus lourdes au sevrage sont aussi ceux qui font le moins appel aux portées adoptives ou au sevrage précoce. Cette enquête met en lumière les points clés de la conduite d’élevage et de la gestion des reproducteurs pour atteindre ces objectifs.
Un effet conduite en bande marqué
Les éleveurs conduisant leur troupeau en 10, 20 ou 21 bandes ont un taux de porcelets sevrés par la truie nettement inférieur aux conduites en 4, 5 ou 7 bandes (87 %, contre 91 % pour une conduite en 7 bandes, et 95 % pour les conduites en 4 et 5 bandes). « Le type de conduite en bande n’est pas à remettre en cause en lui-même, analyse-t-il. En revanche, des sevrages rapprochés facilitent les adoptions et les doubles lactations. Ce sont des travers que les éleveurs danois, qui travaillent beaucoup en conduite à la semaine, ont adoptés par facilité. Cela explique des taux d’adoption très élevés dans ce pays. »
Une pyramide d’âge équilibrée
Une série de pesées de porcelets à la mise bas dans cinq élevages révèle que le poids de portée est le plus faible sous les primipares (21,8 kg). Il atteint un maximum à la quatrième lactation (28,7 kg), pour ensuite régresser. « Attention aux renouvellements du cheptel trop important, notamment dans le cadre de l’autorenouvellement, conseille Loïc Havez. Réformer les truies trop précocement peut affecter le poids moyen des porcelets à la naissance, et donc au sevrage. » Pour surveiller ce critère essentiel à ses yeux, il préconise des pesées de portée une à deux fois par an.
Un aliment de lactation non limitant
« Très clairement, les éleveurs qui sèvrent le plus de porcelets sous leurs truies utilisent des aliments de lactation plus concentrés que les autres : 10,2 mégajoules d’énergie nette, 0,98 % de lysine digestible, et 3,2 % de matière grasse correspondent à un aliment capable de subvenir aux besoins d’une portée de taille importante. » Pour favoriser une forte ingestion d’aliment au cours de la lactation, une recette simple : fractionner la distribution quotidienne en trois repas, dès le septième jour après la mise bas. Les quantités d’eau bues jouent aussi un rôle essentiel. « Les truies doivent boire au moins 40 litres d’eau par jour pour assurer une production laitière abondante. »
Un plan d’alimentation adapté en gestation
Les pesées individuelles de porcelets ont révélé une hétérogénéité importante intraportée, intrabande et intra-élevage. Une cause à cela selon lui : « un plan d’alimentation en gestation non adapté au potentiel des truies, à cause notamment de courbes en U souvent trop prononcées ». Le technicien conseille de prolonger le niveau d’alimentation du début de lactation de huit jours après l’échographie et la libération des truies pour favoriser la remise en état corporelle. Ensuite, l’alimentation du milieu de gestation doit tenir compte du poids de la truie. « Les besoins d’entretien correspondent à 75 % des besoins journaliers. La ration sera donc calculée en fonction du gabarit de la truie, plutôt que de son ELD. » En fin de gestation, les apports alimentaires doivent être à nouveau d’un niveau élevé pour couvrir les besoins de croissance d’une portée nombreuse dans l’utérus de la truie, et de bien préparer la mise bas grâce à l’apport de fibres.
Un autorenouvellement bien maîtrisé
Loïc Havez souligne que le croisement alternatif dans le cadre de l’autorenouvellement des reproducteurs peut aboutir à une hétérogénéité du troupeau et des portées. « L’effet d’hétérosis est maximum pour des truies croisées 50 % Large White et 50 % Landrace. Les truies constituées à 75 % d’une de ces génétiques et à 25 % de l’autre n’ont pas les mêmes besoins alimentaires. Il est donc essentiel de faire une évaluation précise des performances de chaque truie, par le biais notamment des pesées de portées à la mise bas. Une alimentation individuelle en gestation est recommandée pour attribuer à chacune d’entre elles un plan d’alimentation adapté. »
Les détails qui font la différence
Loïc Havez insiste sur le fait que le poids de portée sevrée par la truie résulte du potentiel de la truie, mais aussi du verrat père et de la viabilité des porcelets à la mise bas. Il souligne aussi qu’un jour de lactation de plus, c’est 200 à 250 grammes supplémentaires au sevrage. « Il est donc essentiel d’adapter la synchronisation des chaleurs sur les cochettes. » Par ailleurs, il rappelle que les truies hyperprolifiques ont une durée de gestation plus longue, et qu’il convient d’assurer un minimum de 116 jours à la mise bas. Surveiller le nombre de tétines fonctionnelles, faire consommer de l’aliment solide aux porcelets en maternité, s’assurer d’une bonne ventilation, utiliser des cases de maternité suffisamment grandes pour accueillir des portées nombreuses sont autant de points basiques d’une conduite d’élevage qui se révèlent essentiels pour gérer des portées nombreuses.
Chiffres clés
La conduite en maternité
94 % de sevrés par la mère chez les meilleurs éleveurs
Les quatre meilleurs éleveurs enquêtés qui sèvrent à 25 jours obtiennent un poids de portée de 107,1 kg au sevrage, contre 103,6 kg pour la moyenne des 14 éleveurs. Cet écart est lié exclusivement à un poids individuel de porcelet supérieur au sevrage (7,3 kg contre 7,0 kg). La productivité des deux groupes est similaire (17,4 porcelets nés vivants et 14,6 sevrés de la truie pour les deux groupes). L’étude met en évidence un critère différenciant essentiel : les meilleurs éleveurs sèvrent 94 % des porcelets sous leurs mères (13,7 porcelets par la truie), contre 88 % pour la moyenne (13 porcelets par la truie). Le poids des porcelets sevrés par les truies est supérieur de 10 kg pour le groupe des meilleurs éleveurs (100,6 kg contre 91,0 kg).
Pour évaluer facilement la capacité d’une truie à sevrer beaucoup de porcelets, Danbred a créé l’indice maternité, dont le calcul prend en compte trois critères de sevrage en comparaison avec la moyenne du groupe de référence : le pourcentage de sevrés par la truie, le poids de portée sevrée par la truie et la productivité de la truie. Ce dernier critère est affecté d’un coefficient 5 pour que les trois critères aient le même poids dans le calcul de l’indice. Ainsi, une truie pourra obtenir un excellent indice maternité grâce à sa capacité de sevrer tous ses porcelets et à les allaiter correctement pour qu’ils soient lourds au sevrage, même si sa productivité est moins bonne que la moyenne.
Avis d’expert - Loïc Havez, responsable technique Danbred France
« Identifier les pistes de progrès »
« L’objectif de cette étude est de mettre à disposition des éleveurs une boîte à outils pour identifier les pistes de progrès sur la productivité des truies. Nous voulons aussi partager et mettre en place une démarche globale d’élevage avec les différents intervenants de l’élevage : techniciens aliment, bâtiment, vétérinaires, salariés… L’objectif est de sevrer des porcelets de qualité, bien préparés pour la phase du sevrage afin d’optimiser le tonnage produit par truie et par an. »