Pesticides : le comité de déontologie de l’Anses craint « l’influence » du « conseil d’orientation » de la proposition de loi Duplomb
Le comité de déontologie de l’Anses craint « l’influence » sur l’indépendance de l’agence du « conseil d’orientation » de la proposition de loi du sénateur Laurent Duplomb. Dans un avis du 10 avril, l’instance de l’Anses propose des conditions strictes à l’existence d’un tel conseil.
Le comité de déontologie de l’Anses craint « l’influence » sur l’indépendance de l’agence du « conseil d’orientation » de la proposition de loi du sénateur Laurent Duplomb. Dans un avis du 10 avril, l’instance de l’Anses propose des conditions strictes à l’existence d’un tel conseil.

Avant son examen fin mai à l’Assemblée nationale, la proposition de loi (PPL) du sénateur Laurent Duplomb visant à « Lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur », continue de créer la controverse. Dans un avis publié le 10 avril, le comité de déontologie de l’Agence de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) critique l’idée du « conseil d'orientation pour la protection des cultures » issu de la PPL. Ce conseil serait notamment composé de représentants des filières agricoles, de syndicats ou de l’industrie phytopharmaceutique, et pourrait définir des « usages prioritaires » de pesticides pour le processus d’autorisation de mise sur le marché de l’agence.
« Des risques de perte d’indépendance de l’expertise de l'Anses »
Dans son avis, le comité de déontologie de l’Anses dit craindre « l’influence » et la « pression » sur l’agence qu’aurait ce conseil d’orientation. Mais l’instance de l’Anses cite aussi le « comité des solutions » relancé en novembre 2024 par la ministre de l’Agriculture Annie Genevard, et dont l’objectif est de trouver des alternatives aux substances interdites. « S’il peut paraître pertinent de mettre tous les intervenants autour d'une table pour discuter et trouver des solutions acceptables aux impasses techniques, il convient d’être attentif aux risques de perte d’indépendance de l’expertise de l'Anses et des décisions qu’elle prend », soutient le comité. « De tels comités pourraient remettre en cause le fonctionnement actuel et les garanties de transparence sur les avis et d’indépendance des décisions de l’Anses. »
Le 24 mars, la Conférence nationale de santé avait aussi soutenu que le « conseil d’orientation » de la PPL « menace l’indépendance de l’évaluation scientifique » de l’Anses.
Quelles conditions pour l’existence d’un « conseil d’orientation pour la protection des cultures » ?
Pour limiter ce risque « d’influence », le comité de déontologie de l’Anses propose des conditions à respecter pour tout comité « qui réunirait les parties prenantes » :
- Affirmation du caractère consultatif de ce comité,
- Présence de l’ensemble des ministères de tutelle,
- Pour chaque participant : fonction, affiliation et déclaration des liens d'intérêts,
- Publication des verbatims complets des séances permettant donc la traçabilité des discussions,
- Absence d'influence ou de pression à l'égard de l'Anses. Toute tentative d’influence ou de pression doit être consignée au registre des porteurs d’intérêts dont l’Anses est dotée. Celui-ci précise que « les communications (rencontres, courriers, messages électroniques...) entre le personnel de l’Anses et les porteurs d’intérêts font l’objet d’un enregistrement ».
Et un tel comité ne pourrait intervenir qu’« entre le moment de signature d’un avis [de l’Anses, NDLR] et sa publication », précise le comité de déontologie. Si l’idée de donner des priorités à l’agence sanitaire est donc rejetée, le comité reconnaît que ce moment représente une « période de fragilité » pour l’Anses. Car entre la fin d’un avis ou d’une expertise et sa publication, des « pressions peuvent être exercées sur l’agence, en particulier lorsque des dépassements importants de délais sont avérés », précise le comité de déontologie. Celui-ci appelle donc l’agence à respecter l’objectif de publication dans les deux mois après signature, et propose de pouvoir réduire d’un commun accord le délai minimal de 15 jours pour « les situations d’urgence ».
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Référence faite aux scandales du chlordécone
Le comité de déontologie de l’Anses soutient son avis en rappelant les scandales de l’amiante et de l’usage du pesticide chlordécone dans les Antilles, où la priorité était donnée à « la rentabilité économique » plutôt qu’aux « risques sanitaires et environnementaux ». Sur ce point, l’instance de l’Anses s’aligne donc avec la position de son directeur général Benoit Vallet. Ce dernier avait affirmé, lors d’une audition en commission économique à l’Assemblée nationale le 25 mars, que le conseil d’orientation risquait de « favoriser l'expression d'intérêts économiques » devant « le principe de décision de sécurité sanitaire ». Mais le directeur général avait cependant fait une distinction entre ce « conseil d’orientation » et le « comité des solutions ». Le comité des solutions « a un objectif de pédagogie » et de « partage d’informations », soutenait Benoit Vallet.
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