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Association Agno´Interpro
Une opération commerciale pour doper l´agneau de Roquefort

Par le biais d´une association interprofessionnelle regroupant les opérateurs de la filière et d´une opération commerciale, l´agneau de Roquefort tente de rompre avec la spirale de la chute des cours.

© Pâtre


Tous les ans, à la saison où l´agneau de Roquefort apparaît sur le marché, on lui fait grief de tirer les cours vers le bas. Bien consciente que son produit est dévalorisé, car il se substitue à l´agneau d´import, et perturbe l´ensemble de la production ovine française, la filière a décidé de réagir pour tenter d´inverser la tendance.

L´agneau de Lacaune : tous les ans de gros volumes à mettre en marché et pas assez de débouchés. ©DR


Une stratégie pour éviter l´effondrement
Une opération de promotion collective, programmée sur plus de 30 000 agneaux dans 2000 points de vente, a été menée pendant quatre semaines cet hiver (semaines 7 à 10) pour booster le prix de l´agneau et ainsi engager la campagne sur de meilleures bases.
« Le problème est que le marché du Lacaune se casse la figure dès les premières semaines car nous avons de gros volumes d´agneaux à mettre en marché et pas les débouchés, explique Hubert Charlas de la société Bigard à Castres. Si on crée le débouché par des opérations commerciales, les magasins vont continuer à suivre pendant toute la saison. L´objectif est de déconnecter le prix du Lacaune du prix de marché, de partir avec des prix relativement élevés en début de campagne pour éviter l´effondrement. Pour remplacer l´agneau d´import par du Lacaune, les grandes surfaces sont prêtes à mettre 30 centimes d´euro de plus parce que c´est de l´agneau français, parce que c´est une viande claire, jeune. Mais, les arguments qualitatifs ne suffisent pas aujourd´hui. Il faut amener autre chose. »


Autre chose, c´est-à-dire une image qui donne envie d´acheter. Souvent encore étiqueté comme une production industrielle, la filière veut redonner ses lettres de noblesse à « l´agneau du patrimoine Lacaune » en le positionnant comme une production traditionnelle, un agneau de pays faisant partie intégrante du patrimoine régional. Pour cela, la filière va reverser un euro par agneau commercialisé à la Fondation du patrimoine qui utilisera cet argent pour restaurer des éléments emblématiques du patrimoine pastoral, comme des lavognes (point d´eau traditionnel sur le causse). Un engagement en faveur du patrimoine rural qu´elle utilisera comme un argument de vente par le biais de conférences de presse, d´un évènement au Salon de l´agriculture, de publicité sur les lieux de vente.

 


Faire tourner les outils avec un appro sécurisé
Ce premier pas pour casser le cercle vicieux de la chute des cours est l´aboutissement d´un long cheminement pour ressouder tous les maillons de la filière qui s´est concrétisé à l´automne 2006 par la création de l´Association interprofessionnelle de promotion des agneaux du bassin de Roquefort (Agno´InterPro). La filière n´en était pas à sa première tentative. Elle avait créé quelques années plus tôt un GIE de promotion ovine qui avait lancé le projet d´une CCP (Certification de conformité produit). Projet qui s´est soldé par un « constat d´échec », reconnaît Jérôme Redoulès, président de la nouvelle association interprofessionnelle. Faute d´y avoir associé les abatteurs qui ne se sont jamais approprié cet outil. Cette première tentative a néanmoins permis de faire avancer la réflexion et d´amener les abatteurs à la nouvelle table interprofessionnelle. L´association regroupe la quasi-totalité d´entre eux aux côtés des collèges naisseurs et engraisseurs.
« Les abatteurs ont pris conscience de la difficulté d´approvisionnement qu´ils vont avoir pour faire tourner leurs outils, que les agneaux soient issus du bassin allaitant ou laitier », explique Jérôme Redoulès. Ce que confirme Hubert Charlas : « Nous avons besoin de sécuriser notre approvisionnement ». Depuis la création de l´association, les rencontres se sont multipliées. « Dans un premier temps, nous avons monté une promotion pas trop coûteuse qui devrait donner une impulsion au prix de l´agneau », affirme Jérôme Redoulès. L´association dispose d´un budget de 70 000 euros : elle en a consacré la moitié à l´événement promotionnel de cet hiver 2007-2008, qui bénéficie d´un soutien financier d´Interbev ovins.
Organiser le marché par la concertation
« C´est l´exemple type du partenariat que nous souhaitons mettre en place entre l´amont et l´aval, affirme Hubert Charlas, très motivé sur cette démarche. Jusqu´à cette année, on n´avait aucune lisibilité de la production et des quantités à mettre en marché. On ne pouvait pas bâtir une politique commerciale sans être sûr d´avoir la marchandise. Le plus dur a été de faire comprendre aux engraisseurs que ce n´était pas le jour où les agneaux sortaient de l´atelier d´engraissement qu´il fallait se préoccuper de les vendre. » Cette année donc, les engraisseurs adhérents à Agno´InterPro se sont engagés sur les volumes d´agneaux qu´ils pouvaient tenir à disposition des abatteurs pendant les quatre semaines de l´opération commerciale, charge à ces derniers de les mettre en marché. « En faisant ainsi, on peut travailler », se réjouit Hubert Charlas.
A l´avenir, ce sera donc bien la capacité de la filière à s´organiser, à planifier la mise en marché, à tenir ses engagements, à mettre en avant cet agneau du pays plutôt que de jouer la concurrence avec les animaux d´import, à « le placer de façon intelligente et concertée », qui lui permettra d´assainir le marché. Bref, « être soudés » pour « reprendre la main sur la grande distribution » et qu´on cesse de « dénigrer » l´agneau de Roquefort pour mieux le casser, espère Jérôme Redoulès. Quand, en France, on ne produit que 35 % des agneaux consommés dans le pays, « peut-on se passer des 8 à 10 % que représentent les agneaux de Roquefort ?, interroge-t-il. Cette nouvelle façon d´organiser l´offre ne serait-elle pas une solution pour revaloriser nos produits, d´une manière plus générale ? » La nouvelle interprofession a donc bien l´intention de jour ce rôle « d´organisation du marché » en faisant en sorte que « les abatteurs discutent entre eux, s´engagent vis-à-vis de la filière et partagent le même but ». Si l´association n´a ni les moyens ni la volonté d´imposer quoi que ce soit, elle compte sur la prise de conscience de chacun qu´il y a une « obligation de réussite » car il y va de la survie de la production ovine française.

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