Une gestion optimisée de l’herbe avec vaches et moutons
Les brebis trient, les vaches mangent à peu près tout et la valorisation des parcelles n’en est que meilleure. La complémentarité au pâturage des deux espèces est une évidence, reste à gérer les calendriers.
Les brebis trient, les vaches mangent à peu près tout et la valorisation des parcelles n’en est que meilleure. La complémentarité au pâturage des deux espèces est une évidence, reste à gérer les calendriers.
Les ovins et les bovins ne se nourrissent pas de la même manière au pâturage. Les brebis vont davantage trier et ne consommer que les plantes les plus appétentes tandis que les vaches ne font pas les fines bouches et ratissent toute la parcelle. « Logiquement, dans une gestion séparée des deux troupeaux, les ovins passeront donc en premier sur les parcelles et les bovins suivront », dessine Laurent Solas. Sur le site de Laqueuille, à l’Inrae, on se sert de l’attrait des ovins pour les espèces buissonnantes. « Nous avons mis les brebis sur des parcelles envahies de genêts. Elles ont ouvert le milieu, les genêts ont quasiment disparu, ce qui facilite désormais le pâturage des bovins », apprécie Karine Vazeille. On parle alors de régulation biologique rendue possible par les choix alimentaires des deux espèces. « Grâce à cela, on n’observe pas le développement d’une variété végétale au détriment d’une autre », ajoute la chercheuse.
Pour Pascal Meulé, éleveur de bovins et ovins dans la Nièvre, la complémentarité des deux espèces au pâturage est excellente. L’exploitation se situe à 350 mètres d’altitude, au cœur du parc naturel régional du Morvan. Elle compte 140 hectares, dont 120 de prairies permanentes et 20 ha de ray-grass italien, maïs ensilage et sorgho qui permettent de constituer des stocks pour l’atelier bovin allaitant. La troupe ovine est constituée de 125 mères croisées Suffolk, Mouton Charollais et Texel. Avec un parcellaire très morcelé, dispersé sur quatre communes, Pascal Meulé a décidé de recentrer les 110 vêlages sur l’automne (au lieu de décembre). Ce changement d’organisation sur l’année amène l’éleveur à augmenter sa troupe ovine. « J’avais trop de perte de fourrage sur mes prairies à l’automne avec mes vaches rentrées. En hiver, le pâturage est exclusivement ovin. Les brebis nettoient et retassent les prairies temporaires », explique Pascal Meulé.
Les brebis sont ensuite rentrées en bergerie en février pour un agnelage à partir de mars. Elles retournent au pré dès avril. « Il est nécessaire que les prairies soient rentables, souligne l’éleveur de 48 ans. L’herbe doit être valorisée au maximum. Il est d’ailleurs intéressant de calculer son prix de revient au nombre d’hectares. » Le passage des brebis sur les parcelles en hiver permet de gagner du temps à la repousse de printemps. « Je peux faire passer deux fois les brebis sur une prairie de ray-grass italien sans problème », apprécie l’éleveur qui maximise ainsi la valorisation d’un stock de fourrage sur pied déjà existant. Le chargement hivernal est d’environ deux brebis par hectare et l’éleveur n’apporte pas du tout de foin au pâturage. Les brebis se nourrissent bien puisque l’éleveur ne note pas de retard de croissance chez les agneaux.
Les portées simples sur les moins bonnes parcelles
Au pâturage, Pascal Meulé conduit une troupe ovine seule, pour les brebis n’ayant qu’un seul agneau : « comme elles ont moins de besoins, c’est à elles que reviennent les terres les moins bonnes ». Cet allotement au pâturage en fonction de la taille de portée permet de lisser les croissances des agneaux simples, doubles, etc. Il a mis en place également deux troupes mixtes, sur les meilleures prairies, suivant le modèle « 11 ha, entre 50 et 60 brebis, 100 agneaux et 10 vaches et leurs veaux. »
« Quand les deux espèces sont ensemble au pâturage, les refus des brebis sont consommés par les vaches. Et celles-ci vont plus facilement dans les zones humides que les brebis, ainsi les parcelles sont entièrement pâturées », précise l’éleveur nivernais. Au sevrage, les agneaux sont rentrés en bâtiment où ils seront engraissés. « Je n’apporte aucun concentré au pâturage, que ce soit pour les veaux ou pour les agneaux. Il y a trop de risques que les brebis aillent chez les veaux ou autre mélange de ce type », alerte Pascal Meulé.
Le pâturage hivernal des brebis
Conduire le troupeau ovin en plein air l’hiver, pendant la période de mise bas des bovins permet de gérer au mieux la ressource en herbe tout le long de l’année, en s’adaptant à chaque saison. Les ovins peuvent plus facilement paître sur des parcelles peu portantes, là où les bovins dégraderaient le sol. Le pâturage hivernal permet d’une part de diminuer les coûts de production avec une diminution de l’apport de fourrage sec, de concentré, de paille. Attention tout de même à maintenir les performances zootechniques. En condition hivernale, et même après une chute de neige, les herbivores parviennent toujours à dénicher de quoi subvenir à leurs besoins nutritionnels, sans nécessité d’aménagement particulier. Le pâturage hivernal permet d’utiliser un stock d’herbe déjà produit qui serait perdu sans cela. En mangeant la « vieille herbe », les brebis laissent ainsi la place aux repousses de printemps. « On remarque que les légumineuses redémarrent plus vite après du pâturage hivernal », souligne Laurent Solas, de la chambre d’agriculture de Saône-et-Loire. Si la date de repousse peut être un peu décalée, celle-ci est néanmoins meilleure. « Sur les prairies qui ont été pâturées pendant l’hiver, il y a moins de risque que se faire déborder par l’herbe au printemps », conclut le conseiller ovin.
Laure Chazelas, éleveuse de 130 brebis bio Charollaise X Charmoise en Haute-Vienne
« Les vaches pâturent les fonds de prairies »
« Sur mes 30 hectares de prairies, j’ai cinq hectares humides et riches en joncs. Ces fonds de prairies étaient mal valorisés et j’y ai placé quatre vaches allaitantes mixtes Charolaise x Normande et Charolaise x Simmental. Contrairement aux brebis, les vaches se nourrissent des joncs. Au lieu que je passe le broyeur, elles produisent des veaux. Chaque année, cela fait trois ou quatre veaux à 1 200 euros. Sur nos terres sablo-limoneuses portantes, les vaches sont tous le temps dehors. Je vais les voir une fois par jour et cela ne demande pas trop de travail, à part l’entretien des clôtures. Mais je préfère ça que dépenser du fioul à passer le girobroyeur ! Elles ne reçoivent aucune complémentation, juste parfois les foins de moins bonne qualité. Maintenant, ces prés de fond deviennent nos meilleures prairies avec de l’humidité et de l’herbe même en été. Je peux les faucher ou y mettre des brebis si besoin. »