Un système ovin économique en argent et en temps de travail
Dans l’Ain, Guillaume Diquélou a mis sur pied un élevage ovin basé sur la valorisation de l’herbe et la réduction du temps de travail.
Dans l’Ain, Guillaume Diquélou a mis sur pied un élevage ovin basé sur la valorisation de l’herbe et la réduction du temps de travail.
« L’herbe est la ressource la plus répandue et la moins chère, assène Guillaume Diquélou. L’exploitation est donc tournée vers la meilleure utilisation de cette source alimentaire. » L’éleveur de 37 ans, originaire du Finistère, s’est installé à Armix, dans l’Ain, en 2011 avant d’être rejoint par sa compagne en 2014. Guillaume et Eliko élèvent 40 vaches allaitantes de race Aubrac, ce qui permet une sécurisation du revenu et un pâturage optimisé en complément des 200 brebis Hampshire en sélection. Celles-ci donnent d’ailleurs son nom au gaec Gwenn Ha Du, qui signifie « blanc et noir » en breton, en hommage à la robe de ces brebis. Le leitmotiv des deux éleveurs c’est « faire le mieux possible avec le moins possible ». Pour cela, ils misent sur la ressource en herbe de l’exploitation et un temps de travail optimisé pour pouvoir consacrer du temps à leur vie de famille.
Une stratégie herbagère globale
« Le choix de la race des brebis était directement lié à cette stratégie herbagère. Il fallait des animaux qui soient à l’aise dehors et qui valorisent au mieux l’herbe », reprend Guillaume Diquélou. Les Hampshire sont bien conformés pour les attentes de l’éleveur, qui vend une partie sa production de viande en direct via une Amap. « Les Hampshire sont assez trapus, ni trop hauts sur pattes, ni trop longs et avec de bons aplombs, indispensables pour un système très pâturant. Je ne pousse pas trop mes brebis, ainsi elles restent bien en état toute l’année. » Avec une prolificité à 1,5 et 9 à 12 % de pertes, les associés de Gwenn Ha Du misent avant tout sur des agneaux de qualité génétique. Les troupeaux ovin et bovin sont d’ailleurs au contrôle de performance. « Nous sommes en dessous de la moyenne, mais avec ma conduite intégrale en plein air, nous n’avons pas de charges de mécanisation ni d’emprunt à rembourser. »
Pas de charges de mécanisation
La stratégie de gestion des parcelles repose sur le principe du pâturage tournant dynamique. Les associés du Gaec Gwenn Ha Du se sont équipés d’un quad et du dispositif Spider Pac. « Changer les clôtures n’est plus une contrainte, c’est même plutôt agréable et ça se fait très vite », apprécie Guillaume Diquélou. Les meilleures parcelles sont destinées aux brebis gestantes et à partir de juillet se sont les agneaux à l’engraissement qui en profitent. Les parcelles n’étant pas faciles à faucher, l’éleveur a fait le choix de les dédier toutes au pâturage : « je préfère acheter du foin tout bien fait plutôt que de tournicoter dans les recoins de mes prés pour gagner trois brins d’herbe. » Cela lui évite de s’équiper en gros matériel et réduit de ce fait les charges d’exploitation. De ce fait, il n’est pas autonome en fourrage malgré les 180 ha de prairies naturelles. « Nous avons beaucoup de surface, mais les sols sont assez maigres et ne permettent pas de faire suffisamment de foin. »
La troupe est séparée en trois lots, ce qui facilite la gestion quotidienne des animaux. En revanche, « au moment de la lutte, nous mettons en place beaucoup de lots car tout se fait en monte naturelle avec une traçabilité de la filiation", nécessaire pour l’activité de sélectionneur et de vente de reproducteurs à Géode.
Optimiser les déplacements liés à la vente directe
Guillaume et Eliko ont choisi de ne faire qu’une seule période d’agnelage dans l’année, du 20 mars au 5 avril. Le sevrage a lieu à la mi-juillet et les ventes de reproducteurs et d’agneaux de boucherie sont ensuite étalées sur les mois qui suivent. Un lot d’agneaux est vendu en maigre à un engraisseur et une partie des ventes se fait pour l’Aïd-El-Kébir. La commercialisation en Amap et en direct à la ferme concerne 45 agnelles qui sont vendues en caissette. « Toute l’exploitation est certifiée bio. C’est un plus pour la commercialisation car même si ce n’est pas un prérequis dans nos Amap, on sent bien que c’est une préférence des consommateurs », souligne Guillaume Diquélou. L’avantage du travail en Amap, c’est que l’éleveur ne fait que cinq livraisons par an. « Il y a du travail sur la préparation des commandes et même si le nombre de livraisons est restreint, ça demande quand même de faire autant de trajets à l’abattoir, puis chez le boucher, chez qui je dois réserver un créneau quatre mois à l’avance, puis pour livrer », explique l’éleveur. « J’essaye donc de rentabiliser au maximum l’utilisation de la remorque. » La vente directe, celui lui, est une activité chronophage mais intéressante dans la diversification des revenus.
L’éleveur reconnaît avoir des problèmes de coccidiose sur ses agneaux, malgré une gestion sanitaire rigoureuse avec un paillage régulier, un curage, un passage au kärcher… « Le bio autorise tout de même d’avoir recours aux traitements antiparasitaires si nous avons une raison valable, que cela soit un retour de l’abattoir ou des résultats de coprologie. Néanmoins, l’utilisation d’un antibiotique en bio nécessite de doubler les délais d’attente », détaille l’éleveur. Malgré le risque du parasitisme, d’autant plus fort sur les jeunes animaux, les agneaux sont élevés à l’herbe. « C’est le système le plus cohérent et le plus logique avec mon exploitation. J’ai de l’herbe et de la surface, et des animaux qui valorisent bien cela », reprend Guillaume.
Le lynx et le loup menacent le troupeau
Au cœur du Bugey, le village d’Armix, la plus petite commune de l’Ain par le nombre d’habitants (27 au total) se trouve en zone de prédation historique du lynx et plus récemment, du loup. « Nous avons sept chiens de protection, notamment pour couvrir tous les lots pendant la lutte », explique Guillaume Diquélou, passionné par les canins. En effet, la prédation du lynx était un vrai problème lorsque les attaques avaient lieu pendant la reproduction. « Je ne savais plus où j’en étais dans mes accouplements, il y avait une vraie perte de traçabilité. » Les chiens de protection représentent une charge de travail supplémentaire impressionnante, le coût est également élevé et cela malgré les aides. « Il ne faut pas oublier les conflits avec les autres usagers. Ça n’a pas trop plu autour de nous, lorsque les chiens sont arrivés sur la ferme », se rappelle Guillaume Diquélou. L’éleveur est, jusqu’à fin 2022, accompagnateur de chiens de protection dans le réseau Institut de l’élevage.
Par ailleurs, les éleveurs travaillent avec des chiens de conduite, très utiles pour faire changer les brebis de parcelle rapidement et sans stress. « Nous avons quatre border collies, c’est toujours mieux d’en avoir un ou deux de plus en cas de problème. Avec les fortes chaleurs de cet été, c’est une bonne chose que les chiens puissent se relayer. »