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Trouver une solution contre les cirphis

Dans les Pyrénées-Atlantiques, les attaques de cirphis, chenilles qui ravagent les prairies, prennent de plus en plus d’importance. La mobilisation est générale.

Les attaques de cirphis sont connues depuis 50 ans dans les Pyrénées-Atlantiques. La chenille, qui se nourrit de graminées, peut causer des dégâts importants sur maïs et surtout prairies, notamment celles à base de dactyle, très appétent pour le cirphis. En quelques jours, la prairie peut être ravagée. « Plusieurs facteurs sont favorables au cirphis sur le département, un climat chaud et humide l’été, de l’herbe et du maïs qui permettent les pontes et l’alimentation des chenilles, explique Marie-Claude Mareaux, de la chambre d’agriculture. Des flux migratoires en provenance d’Espagne sont aussi possibles. » Les dégâts sont donc assez récurrents. « Et depuis quelques années, la fréquence des très fortes infestations augmente. En 2017 et 2018, il y a eu de fortes attaques. En 2018, malgré la sécheresse, 25 000 ha de prairies ont été touchés, avec un coût de compensation des pertes de fourrages évalué à 12,5 millions d’euros. » En 2019, des attaques importantes ont à nouveau été constatées. Les plus impactés sont les éleveurs de brebis laitières, que les pullulations de cirphis à l’automne privent d’une herbe dont ils ont besoin au retour des brebis d’estive et avant l’entrée en bergerie pour les agnelages. Depuis 2002, un réseau de surveillance mis en place par la chambre d’agriculture permet d’évaluer le risque à l’échelle des petites régions. Des avertissements, accompagnés de recommandations techniques, sont diffusés via le site de la chambre d’agriculture, la presse agricole, les coopératives, les radios locales, le BSV et un groupe Facebook (Prairies.64) créé en 2018.

Tester des solutions alternatives

Ces années de suivi ont mis en évidence que la prévention passe par la diversité floristique, la rotation avec des cultures autres que graminées (luzerne…) et par la fauche ou le pâturage, les chenilles n’aimant pas les parcelles rases où elles n’ont plus d’abri contre le soleil et les prédateurs. Le passage du troupeau avec un fort chargement instantané permet de ralentir très fortement la progression des chenilles. Le chaulage montre aussi une certaine efficacité. Le compactage (par rouleau plein de préférence) semble par contre insuffisant, à moins de croiser les passages ou de le combiner à une autre méthode de lutte. Aucun insecticide n’étant autorisé sur prairie, les seuls traitements possibles sont le Bacillus thuringiensis (Bt), bactérie qui produit une toxine mortelle pour les chenilles mais inoffensive pour les autres animaux, et l’alphaméthrine, un pyréthrinoïde de synthèse. « Mais le Bt met trois à quatre jours à agir, ce qui complique son utilisation, et est efficace surtout sur chenilles jeunes, indique Marie-Claude Mareaux. Et les pyréthrinoïdes ne sont pas sélectifs et leur utilisation sur prairie contre le cirphis est soumise à autorisation d’usage et donc en sursis. » En avril 2019, une table ronde a été organisée avec les équipes techniques de la région et des chercheurs (chambre d’cgriculture, Inra, DDTM, Agence de l’eau, université de Pau, coopérative agricole Lur Berri…) pour explorer de nouvelles voies de lutte contre le cirphis. Plusieurs pistes sont envisagées : intensifier le piégeage pour mieux connaître les flux migratoires, mobiliser les données météo pour faire le lien avec les pics de pullulation, étudier d’autres moyens de lutte biologique (oiseaux, autres micro-organismes, plantes attractives, répulsives…), utiliser des pièges connectés, améliorer l’utilisation du Bt...

Avis d’éleveur : Bruno Irigaray à Roquiague

« Mes prairies sont touchées chaque année »

« J’élève 320 brebis et 40 vaches, sur 45 ha d’herbe et 2 ha de maïs. Les prairies de dactyle, fétuque et ray-grass servent à faire du foin et sont pâturées. Les brebis sont en estive l’été et pâturent au retour. Chaque année, les prairies sont attaquées par les cirphis. J’ai essayé le chaulage, la herse, le Bt, mais les attaques sont si fortes que ces moyens sont insuffisants. La seule technique qui fonctionne est le traitement à l’alphaméthrine. Mais les traitements ne sont pas une solution, notamment par rapport à la biodiversité. Et je ne peux plus mettre les animaux sur la prairie pendant 20 à 25 jours. Chaque année, je dois refaire des prairies. En 2019, j’en ai resemé deux hectares. En quelques jours, la nouvelle prairie a été attaquée et j’ai dû à nouveau resemer 1,60 ha. Au dernier comptage sur les deux pièges qui sont sur l’exploitation, il y avait 40 chenilles/m². Il y a pourtant beaucoup d’oiseaux, mais ils ne mangent pas les cirphis. On en a par contre trouvé mortes sur l’herbe et des analyses sont en cours. Il faudrait absolument trouver une solution biologique. »

Des pièges connectés pour une surveillance accrue des cirphis

Depuis 2002, la chambre d’agriculture des Pyrénées-Atlantiques coordonne un réseau d’une vingtaine de pièges qui attirent les cirphis adultes grâce à une phéromone. Les pièges sont relevés chaque semaine, associés à l’observation des prairies. « Mais dans des exploitations agrandies, avec des parcelles de plus en plus distantes du siège d’exploitation, il devient difficile de prendre le temps de suivre les pièges, explique Jean-Marc Arranz, de la chambre d’agriculture. Des pièges connectés peuvent donc être intéressants en réduisant le temps passé à relever les pièges. » En 2019, la chambre d’agriculture a testé 15 pièges connectés. Chaque piège est équipé d’un capteur et d’un boîtier électronique. Le capteur compte les insectes qui tombent dans le piège et envoie l’information à un serveur de la société Captrap. En se connectant à ce serveur, l’agriculteur ou le technicien peut savoir combien de pièges ont capturé des insectes et à quelle heure. Il peut ensuite aller relever le piège pour vérifier la nature des insectes piégés. « On peut donc alléger le nombre de relevés, avec un seul passage par mois pour changer les capsules de phéromone s’il n’y a pas de capture. Et comme le serveur indique sur une même carte les piégeages des dernières 24 heures des 15 pièges, il devient possible de suivre en temps réel le piégeage. » Six pièges sont équipés d’une station météo qui permet le suivi en continu des températures et de l’hygrométrie, données qui peuvent être utiles pour analyser les relations entre conditions météo et pullulations.

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