Situer son élevage dans la lutte contre le piétin
Pour définir le plan d’action le plus cohérent avec son élevage, il faut déjà avoir en tête ce qui est faisable, ce qui ne l’est pas, ce qui a marché ou non.
L’étape suivante proposée par Pactise dans la stratégie de lutte contre le piétin est de définir en quelque sorte le profil SWOT (Strength, Weakness, Opportunities, Threat, soit forces, faiblesses, opportunités et menaces) de la ferme. Cette analyse des facteurs de risques, des pratiques mises en place pour prévenir et/ou guérir du piétin et leur efficacité permet à l’éleveur et à son conseiller de mettre les choses en perspective. A-t-il l’habitude de recourir à un pédiluve mais celui-ci n’est pas assez souvent renouvelé ? Le parage est fait trop sévèrement et les brebis saignent parfois des pieds ? La litière semble souvent humide ? Voilà pour les faiblesses. Pour autant, l’éleveur doit garder en tête qu’il a d’ores et déjà des pratiques qui sont bonnes et qu’il faut les pérenniser. Utilise-t-il des pinces à onglons différentes pour soigner les brebis saines et les brebis contaminées ? Fait-il attention à l’état des pieds des animaux qu’il achète ?
« Les vétérinaires ont déjà des listes de préconisations à donner aux éleveurs dont les animaux sont atteints par le piétin, explique le docteur Laurent Saboureau, praticien en Haute-Vienne. Pour autant, elles ne sont pas toujours raccord avec les réalités d’un élevage donné. L’objectif de Pactise est donc de mettre en adéquation ces préconisations et la faisabilité en exploitation. » Ainsi Pactise ne révolutionne pas le protocole de lutte contre le piétin, mais vise plutôt son adaptation au cas par cas, avec des outils facilitant sa compréhension et sa mise en place par l’éleveur et ses conseillers techniques.
« Par exemple, la problématique du pédiluve revient fréquemment, reprend le vétérinaire. Si l’on veut que ça ait un effet positif, il y a un temps de contact à respecter de 10 minutes. Selon les types d’exploitation, certains vont alors préférer le pédiluve liquide, d’autres le solide, d’autres vont tout simplement abandonner cette pratique, qui, si elle est mal faite, peut faire plus de tort que de bien. »
Pactise a réalisé une enquête auprès des 30 éleveurs investis dans le projet. Chacun s’est positionné sur les cinq moyens de lutte les plus répandus (réforme, parage, pédiluve, antibiotique et vaccin). Concernant le pédiluve, ils sont 22 à s’en servir et 86 % à l’utiliser dans sa forme liquide. Par contre, ils sont moins de 20 % à pratiquer un passage ralenti ou répété pour maximiser le temps de contact entre pieds et principe actif.
La réforme des brebis contaminée pose aussi de nombreuses questions aux éleveurs. Le coût d’une réforme précoce et du remplacement par une agnelle n’est pas négligeable puisqu’il est estimé à 170 euros par brebis. « En théorie, il est préférable de réformer les brebis dès que le piétin apparaît dès la première atteinte ou la première récidive. Dans les faits, cela dépend de la prévalence de la maladie, souligne Laurent Saboureau. Pour un troupeau touché à plus de 30 %, il est légitime et compréhensible que l’éleveur ne mette pas en place une réforme aussi stricte. » Cette réforme précoce est pourtant la plus efficace. La durée de trois ans pour éradiquer le piétin de son troupeau est d’ailleurs basée sur ce respect de la réforme précoce. Au niveau de l’enquête réalisée par Pactise, la moitié des 30 éleveurs interrogés pratique la réforme. Parmi cette moitié, 20 % réforment les brebis dès la première atteinte, 20 % dès la première récidive et 60 % à la deuxième récidive.
Enfin le parage est largement pratiqué avec 28 éleveurs sur les 30 questionnés qui le jugent crucial dans la lutte contre le piétin. Cependant le ressenti des éleveurs sur le chantier de parage est très mauvais, ils sont plus de 70 % à trouver sa mise en œuvre difficile et la plupart le voient comme une contrainte. « Là encore, on peut préconiser à l’éleveur d’utiliser des pinces différentes entre les animaux sains et les animaux contaminés et surtout, de ne pas laisser les déchets de parage au sol, mais les ramasser et s’en débarrasser », appuie le vétérinaire. En effet, la bactérie peut persister jusqu’à 42 jours dans les débris de corne.
Au final, parmi les éleveurs enquêtés, la grande majorité, soit 80 %, voit les moyens de lutte comme des solutions séparées. Seuls huit éleveurs sur les 30 enquêtés réfléchissent plutôt selon une stratégie globale.
Michel Viguié, éleveur de 500 brebis dans le Lot, fait partie des éleveurs qui ont établi un plan de lutte contre le piétin associant plusieurs pratiques. Il témoigne : « on ne crie pas victoire car le piétin peut revenir très vite mais la situation est devenue stable. On a suivi un protocole strict et aujourd’hui, on n’en a pratiquement plus. Le passage en pédiluve est efficace s’il est propre, bien dosé et précoce. Dès que ça boite, on y passe les brebis. Et on profite pour le faire également chaque fois qu’elles passent au parc pour une intervention. Le parage est nécessaire pour enlever les parties nécrosées. Les antibiotiques sont réservés aux brebis très atteintes. La réforme est un des piliers de la lutte contre le piétin. Ce n’est pas facile d’envoyer des bonnes brebis ou des jeunes à l’abattoir mais c’est très efficace. »