Pas d’effet du sainfoin pâturé en cure chez les brebis laitières
Dans cet essai, conduit sur deux années consécutives, les propriétés anthelminthiques du sainfoin pâturé n’ont pas été mises en évidence mais les performances laitières des animaux se sont maintenues.
Dans cet essai, conduit sur deux années consécutives, les propriétés anthelminthiques du sainfoin pâturé n’ont pas été mises en évidence mais les performances laitières des animaux se sont maintenues.
En filière laitière, un essai a été conduit à la ferme de l’établissement public local d'enseignement et de formation professionnelle agricoles (EPLEFPA) de La Cazotte à Saint-Affrique (Aveyron) sur deux années consécutives. Une parcelle de sainfoin a été semée puis pâturée au printemps en deux cures de 15 à 20 jours chacune, avec un temps de repos d’un mois. Ce pâturage du sainfoin en cure a été comparé au pâturage d’autres prairies de l’exploitation par deux autres lots, l’un préalablement traité par un antiparasitaire et l’autre non.
Des résultats prometteurs non confirmés
Si en fin de première cure, le niveau d’excrétion avait doublé pour le lot non traité sur les parcelles classiques, et diminué de moitié dans le lot sainfoin, ces résultats ne se sont pourtant pas confirmés en fin de deuxième cure. Ils ont même été plutôt invalidés lors de la deuxième année d’essai. En effet, si les brebis ont toutes commencé avec des niveaux d’excrétion très bas, la tendance est restée constante entre les lots (voir tableau 4). Les deux années d’essai ne permettent donc pas de conclure à un effet du sainfoin sur l’excrétion parasitaire des animaux.
Des enseignements à retenir cependant
Si l’effet attendu n’a pas été obtenu, l’essai n’a pas été vain pour l’exploitation de La Cazotte. La stratégie de traitement mise en place, principalement sélective, s’avère efficace sur les brebis. Les niveaux d’infestation sont contrôlés. Rassurant également, le test d’efficacité mené à cette occasion a permis de conclure à l’absence de résistance à l’éprinomectine sur le troupeau.
De plus, le sainfoin s’est bien comporté. Il s’avère être une bonne fourragère et a été bien consommé par les brebis. Il représente une alternative intéressante à la luzerne, en pure ou en mélange. Il faut cependant être attentif pour ne pas se faire dépasser par le stade et perdre en ingestion.
La quantité moyenne de sainfoin ingéré par les brebis sur les deux cures s’élevait respectivement à 0,92 et 0,82 kg MS/brebis/jour de cure en 2019 et 2020. Le pâturage de sainfoin par les brebis n’a pas eu d’effet sur leur production laitière ni sur les taux comparativement aux brebis pâturant sur les autres parcelles de l’exploitation.
Le sainfoin, légumineuse convaincante
Convaincue par les intérêts du sainfoin, l’exploitation envisage de l’intégrer dans ses surfaces, avec l’objectif d’augmenter la surface proche de l’exploitation dédiée au pâturage du troupeau laitier. La simulation étudiée concerne une parcelle de 6,5 hectares située à proximité de la bergerie, sur des terres à bon potentiel en bordure de rivière. Cette surface est destinée jusqu’à présent à la culture de maïs fourrage en irrigué, suivi d’une culture de Ray-Grass (RG) en dérobée, destinés à être ensilés ; elle permettait de produire 90 tonnes de MS d’ensilage de maïs et 24 tonnes MS d’ensilage de RG, soit une production de 17,5 tonnes MS par hectare. La nouvelle rotation envisagée consisterait à garder le RG hybride (2 ans) pour un pâturage précoce avant mai, enchainer avec le sainfoin en pure (deux ans également) pour du pâturage plutôt courant mai et enfin implanter un mélange prairial (4 ans) pour du pâturage plus tard en saison mais avec récolte possible des excédents.
Cette évolution associée à d’autres légères modifications permettrait d’allonger la période de pâturage tout en diminuant les apports de fourrages conservés en bergerie. Cependant, malgré la réduction des besoins en stock, liée à l’augmentation de la part de pâturage en fin de période de traite, il est nécessaire de réduire la surface en céréales pour augmenter la surface de cultures fourragères et la production de fourrages. Cela se traduit à court terme par une réduction de la marge annuelle des surfaces en céréales. Ces changements sont donc à raisonner au cas par cas avec un raisonnement à moyen et long termes, mais sont une piste intéressante particulièrement dans le contexte actuel où les stocks sont déjà bien réduits et l’hiver est resté désespérément sec.
Le sainfoin, non adapté pour les Pyrénées-Atlantiques
Les suivis réalisés dans les Pyrénées-Atlantiques ne se sont pas tournés vers le sainfoin, faute de contexte pédoclimatique adapté. En revanche, la chicorée a trouvé sa place en mélange. Chez Jean-Louis Mougica, elle est intégrée dans un mélange avec du trèfle et du RG anglais et affourragée en vert. L’éleveur déconseille le dactyle dont il juge la fibre trop « molle » et la fétuque dont le temps de retour est trop différent de celui de la chicorée. L’association avec le RGA lui convient, et l’affouragement en vert réduit le gaspillage. Un combo dont il ne se lassera pas tout de suite.
Alain Hardy, directeur de l’exploitation agricole de la Cazotte (Aveyron)
Une parcelle de sainfoin après une dérobée pour le pâturage des brebis
« S’il ne permet pas de remplacer un traitement antiparasitaire, nous sommes assez convaincus que le pâturage du sainfoin à un stade optimal pour la concentration en métabolites secondaires bioactifs, associé à de bonnes pratiques de pâturage, peut s’avérer bénéfique sur le niveau parasitaire des brebis. C’est une espèce qui se sème au printemps donc il est préférable de l’implanter après une dérobée pâturable, qu’on valorise d’abord, avant de revenir pâturer le sainfoin plus tard dans la saison. Et les brebis le consomment très bien. »
Carole Versavaud, conseillère ovine à la Chambre d’agriculture des Pyrénées-Atlantiques
Chicorée et plantain, intéressants par leur résistance à la sécheresse
« Jusqu’à présent, les éleveurs des Pyrénées-Atlantiques envisageaient l’utilisation de plantes riches en MSB, telles que la chicorée et le plantain, pour leurs éventuels effets anthelminthiques. Dans cette logique, les surfaces sont limitées à une utilisation sous forme de cures. Le projet FASTOChe a permis de montrer l’intérêt de l’intégration de ces deux espèces dans un mélange (avec du trèfle, du ray grass, de la fétuque, du dactyle), qui présente une meilleure résistance à la sécheresse et qui pourrait donc être développée à l’avenir. A condition bien sûr d’avoir un parcellaire adapté : proximité de la bergerie pour le pâturage, possibilité de récolter du foin sur des surfaces en prairies naturelles. »