Nouvelle PAC : besoin de cohérence entre les politiques européennes pour les ovins
La programmation 2023-2027 de la politique agricole commune a débuté le 1er janvier. Si le budget a été préservé et une relative stabilité globale est observée, les stratégies d’exploitation sont à anticiper sur les assolements.
La programmation 2023-2027 de la politique agricole commune a débuté le 1er janvier. Si le budget a été préservé et une relative stabilité globale est observée, les stratégies d’exploitation sont à anticiper sur les assolements.
Unicité de marché, préférence communautaire et solidarité financière : les principes fondateurs de la PAC résistent-ils au temps ? La question est d’autant plus prégnante pour cette nouvelle programmation qu’elle se décline en 27 plans stratégiques nationaux (PSN) comme l’ont rappelé les différents intervenants de la conférence sur la réforme de la PAC organisée fin novembre par Idele et la Confédération nationale de l’élevage. Six PSN y ont d’ailleurs été présentés, avec des points communs et des divergences fortes, notamment sur les paiements couplés. Ces derniers sont quasi inexistants en Allemagne par exemple, et très développés dans d’autres États membres. « L’expérience nous a appris que c’est très souvent le transformateur qui bénéficie de cet argent », a exposé sans détour Udo Hemmerling du DBV, le principal syndicat agricole allemand.
Au cours de la table ronde rassemblant les représentants des syndicats des filières ruminants (FNO, Fnec, FNPL et FNB), le député européen et ex-président de Jeunes Agriculteurs Jérémy Decerle a insisté sur la nécessité d’une analyse d’impact rapide afin de réajuster les effets qui seraient négatifs. Il a d’ailleurs également évoqué la possibilité que la PAC telle qu’elle vient d’être réformée « risque d’être assez rapidement revue, comme toutes les politiques qui découlent du Green Deal. La crise covid et la guerre en Ukraine nous obligent à repenser en profondeur notre agriculture de demain. On a tendance à penser que l’Europe avait oublié la souveraineté alimentaire. Mais les trois institutions, le parlement, le conseil et la commission, ont réaffirmé son importance », a-t-il ajouté.
« Lisibilité, cohérence et stabilité sont les maîtres mots pour la PAC. Les éleveurs en ont besoin pour définir leur stratégie d’exploitation » Michèle Boudoin, présidente de la FNO
Michèle Boudoin, présidente de la FNO a renchéri sur la nécessité pour les éleveurs de lisibilité, de cohérence et de stabilité. « Entre les réformes rapides, l’instabilité économique, la guerre en Ukraine… c’est compliqué de définir et tenir une stratégie d’exploitation ! Les politiques publiques peuvent donner des orientations, mais elles doivent être cohérentes les unes par rapport aux autres. Et les accords commerciaux, pour ne citer qu’eux, envoient des signaux contradictoires », a-t-elle de nouveau rappelé.
Autre exemple d’incohérence entre les textes européens cités par Jérémy Decerle, le projet de loi sur les émissions industrielles. « Et concernant les clauses miroir, nous n’allons pas assez vite, a convenu le député européen, mais peu d’États les défendent. Nous devons arrêter d’échanger des produits alimentaires contre des voitures et des avions ! »
Protéger notre agriculture
Enfin, si on parle beaucoup du pacte vert et de la stratégie Farm to Fork, ils ne doivent pas se résumer à la baisse d’utilisation des phytos ni à plus de bio. « Revenus, renouvellement des générations, circuits de commercialisation… y sont également abordés. Nous devons mettre ces sujets au même niveau. Le pacte vert doit donner à la PAC les moyens de répondre aux enjeux qui sont devant nous. »
Pour la prochaine PAC, il souhaite un travail en profondeur sur la définition de l’agriculteur actif et la gestion des risques. « On ne peut pas vouloir la plus belle agriculture du monde et la laisser se débrouiller avec les marchés et face aux aléas économiques ! »
Assumer la place centrale des agriculteurs
En conclusion de la journée, Dacian Cioloș, ancien commissaire européen à l’Agriculture et aujourd’hui député, a souligné la nécessité de corriger la rupture entre les agriculteurs et ceux qu’ils nourrissent. « Notre agriculture 2030-2040 n’est pas encore définie, elle va l’être dans les années à venir par nos choix collectifs. Et elle ne se limite pas à l’alimentation, c’est un modèle de vie. On doit aborder tous les sujets : politique commerciale, environnement, chaîne industrielle, santé, coopération avec le reste du monde… J’espère voir le monde agricole assumer sa place dans la société ! »
Côté web
Retrouvez l’ensemble des présentations de la journée La PAC dans tous ses États sur idele.fr
Évolution des aides PAC entre 2022 et 2027
Selon les simulations de Chambres d’agriculture France, les impacts de cette programmation 2023-2027 sur les élevages ovins sont plutôt négatifs pour les allaitants et quasiment à l’équilibre pour les laitiers. Les paiements couplés représentant toujours 15 % du budget total, la baisse des aides animales est liée à la baisse globale du budget de la PAC et au renforcement des aides couplées aux protéines végétales. L’enveloppe ovine est de 106 millions d’euros en 2023. Le montant unitaire minimum inscrit dans le plan stratégique national est de 22 euros par brebis en 2023 et 20 euros par brebis en 2027. Une aide complémentaire ovine aux nouveaux producteurs de 6 euros par brebis pendant les trois premières années d’installation est également inscrite dans le PSN.
PAC 2023-2027 : cap sur la protéine
Plusieurs changements interviennent sur les équilibres entre les différentes aides de la PAC 2023-2027. Surtout, les agriculteurs vont devoir apprivoiser les éco-régimes qui représentent 25 % du premier pilier.
« La nouvelle PAC doit concilier plusieurs objectifs : accompagner le renouvellement des générations et soutenir le revenu des agriculteurs tout en s’accordant avec la stratégie Farm to Fork et le Green Deal, explique Olivier Dupire du service études, références et prospectives de Chambres agriculture France. Il y a une réelle volonté de renforcer les ambitions au niveau environnemental. » Élément important pour comprendre les orientations prises par les différentes aides, la protéine est un des fils conducteurs de la programmation 2023-2027 de la PAC : aides couplées, éco-régimes et Maec, tous vont dans la même direction. Parmi les changements qui s’appliquent à tous, il y a en premier lieu la baisse globale du budget de 2 % qui impacte l’ensemble des aides, baisse déjà amorcée. À noter également une augmentation de la part du premier pilier destinée aux paiements découplés et une poursuite partielle de la convergence. Le paiement redistributif est, lui, maintenu à l’identique. De son côté, l’enveloppe dédiée aux jeunes agriculteurs est en augmentation et l’aide devient forfaitaire, alors qu’elle était à l’hectare.
Aller chercher les écorégimes
Autre grand changement : l’intégration du paiement vert dans la conditionnalité et la création d’un nouvel outil : les éco-régimes. Ces derniers représenteront 25 % premier pilier (voir schéma ci-contre). Pour y prétendre, trois voies sont possibles (une au choix) : les infrastructures agroécologiques (IAE), la certification ou les pratiques agricoles. Celle des IAE (avec des exigences plus hautes que celles de la conditionnalité) concernera principalement les zones à forte densité d’éléments naturels (bois, haies…). La voie de la certification s’impose pour les exploitations bios ou HVE (niveau 3 de la certification environnementale), qui ont droit à l’éco-régime supérieur.
Sur le second pilier, on retrouve les aides surfaciques et non surfaciques. Les premières sont gérées par l’état : ICHN, certaines Maec, le soutien à l’agriculture biologique. Les secondes sont gérées par les régions : les aides à l’investissement, telles que les PCAE, les aides aux jeunes agriculteurs, les Maec non surfaciques, dont l’aide au maintien des races menacées, et les nouvelles Maec forfaitaires. Concernant l’AB, un renforcement de l’aide à la conversion et l’arrêt de l’aide au maintien sont prévus.