Les coopératives doivent oser l’innovation en viande d'agneau
À Rodez,les coops ovines et bovines de France se sont retrouvées pour un temps d’échange et de convivialité. Pour relancer la consommation, elles se doivent d’innover davantage.
Les OP ovines assurent 60 % de la production d’agneaux en France. Réunies à Rodez (Aveyron) les 5 et 6 juillet derniers pour les journées filières bovine et ovine de Coop de France, les coopératives ovines ont cherché des pistes pour favoriser une dynamique des marchés. Car avec 2,6 kilos consommés par habitant, la viande ovine a retrouvé le niveau de consommation du début des années soixante-dix après être montée à plus de 4,5 kilos pendant les années quatre-vingt-dix. « La courbe de la consommation est en baisse et suit dangereusement la même tendance que la viande chevaline », alerte François Monge, éleveur dans la Drôme et président de la section ovine de Coop de France. La chute de consommation peut s’expliquer par le prix élevé de la viande d’agneau mais aussi par la faiblesse des innovations dans la gamme ovine. Par comparaison, depuis le début des années 2000, la volaille innove et regagne de la consommation.
Des opportunités avec les cubes ou le haché
Pour relancer une dynamique, la filière ovine ne peut pas compter que sur la nouvelle communication interprofessionnelle qui sera lancée en 2017 sur la thématique « osez l’agneau ». Les présidents et directeurs des coopératives ovines ont admis qu’elles doivent plutôt miser sur l’innovation pour rebooster les ventes. Or, excepté la souris d’agneau confite et à réchauffer au four à micro-ondes lancée en 2013 par Elivia, force est de constater que les outils d’aval des coopératives ovines ont pour le moment assez peu fait évoluer leur gamme. « Le constat qui avait mené la filière à lancer l’agneau presto reste valable », avertit Morgane Quémerais qui anime la section ovine de Coop de France. Les consommateurs demandent de plus en plus de produits faciles et rapides à cuisiner, en petites portions, avec une belle présentation et qui minimisent les déchets dans l’assiette.
Pourtant, les steaks, émincés, préparations en dés, hachés ou en mini-rôtis sont encore trop peu présents dans les rayons. Le haché d’agneau est ainsi très peu proposé en France alors qu’il représente plus de 10 % de la consommation en Angleterre et en Irlande. « Dans les autres filières, le haché progresse, observe François Monge. Il y a une vraie opportunité. N’attendons pas que les autres le fassent à notre place ».
Mettre du marketing dans la viande d’agneau
« La jeune génération ne veut pas acheter un gigot entier ou une épaule, assure une éleveuse. Et quand les planchas sont sorties, ils achètent en supermarché des cubes de porc ou de veau mariné sans savoir que leur boucher peut faire la même chose avec de l’agneau ». Mais vendre des produits plus marketés, plus chers au kilo, qui imposent de raisonner le prix à la portion plus qu’au kilo, exige un changement de mentalité. « Il faut mettre en avant une marque, un plat ou une portion plutôt qu’un morceau de viande », recommande Patrick Soury, éleveur en Charente et vice-président d’Ecoovi. « Nous devons innover et aller sur des préparations, poursuit Serge Fargeot, directeur d’Arcadie sud-ouest, le premier abatteur d’ovins français. Si on ne propose pas ces produits, les jeunes ne mangeront plus d’agneau ». Arcadie se prépare d’ailleurs à sortir une préparation cuite élaborée dans ses ateliers canards inutilisés pour cause de grippe aviaire. Même s’il est dur de créer une dynamique collective sur des aspects concurrentiels, les coopératives ovines ont pu s’échanger quelques recommandations comme celle de s’appuyer sur les pôles de compétitivité des régions pour créer de nouveaux produits.
Des changements dans les seuils d’OP
Le ministère de l’Agriculture mène actuellement une réflexion sur les seuils de reconnaissance des organisations de producteurs pour toutes les espèces. En ovin, le seuil est, depuis 2010, de 40 000 animaux commercialisés mais beaucoup d’OP ont demandé (et obtenu) des dérogations. Or, le règlement européen ne permet plus de dérogations et le ministère souhaite les supprimer en proposant toutefois de nouveaux seuils en fonction de la densité ovine. Pour les 19 départements à plus 10 brebis au km²(1), le seuil proposé resterait à 40 000 animaux vendus. Pour les autres départements, la nouvelle limite serait à 15 000 animaux. Avec ces nouveaux critères, cinq OP commerciales sur les 34 existantes perdraient leurs reconnaissances.
Les agneaux laitiers engraissés par Unicor
Avec 875 adhérents et 477 000 têtes collectés en 2015, Unicor est la première organisation de producteurs d’ovins en France. Lors des journées Coops de France, la coopérative a pu montrer l’engraissement des agneaux laitiers à travers l’exemple du Gaec Boubal et fils à Palmas-d’Aveyron. En plus de s’occuper de leurs 800 brebis laitières, Florien Boubal et ses parents engraissent des agneaux Lacaune pour le compte d’Unicor. La bergerie de 1 200 places accueille 2,5 à 3 bandes par an. Chaque année, selon la main-d’œuvre disponible, ce sont 3 200 à 5 600 agneaux qui sont engraissés. Cette activité, et la vente de volaille en direct, permet de pérenniser l’emploi de salariés sur la ferme. « Nous travaillons avec 80 éleveurs-engraisseurs, explique Jean-Claude Virenque, éleveur laitier en Aveyron et président d’Unicor. Nous défendons ce modèle d’engraissement familial réparti sur le territoire face aux schémas industriels où ce sont plusieurs dizaines de milliers d’agneaux qui sont élevés ensemble. »
Du concentré, de la paille et de l’eau pendant 84 jours
Classiquement, dans le rayon de Roquefort, les mères mettent bas en novembre-décembre et les agneaux restent 28 jours avec leur mère. Ils sont collectés vers 14 kilos et sont engraissés pour atteindre un poids de 38 à 40 kilos. « Les quinze premiers jours sont primordiaux », assure Florien Boubal. Les agneaux sont calibrés en centre de tri. Ils proviennent alors d’une quarantaine d’élevages, et donc de microbismes différents. Pendant les 84 jours d’engraissement, ils vont recevoir en moyenne 80 kilos d’aliment et 25 kilos de paille. L’éleveur fournit son travail, de l’eau, de la paille et l’électricité. La prestation est payée autour de 7,50 euros par agneau en fonction des résultats. Ici, l’indice de consommation à 3,6 et une mortalité limitée à 2,9 en 2016 montrent une très bonne maîtrise technique.