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L’autonomie passe par un enrubannage de qualité

Chez Christophe Lalloué, 96 % de l’alimentation des brebis et agneaux est produit sur l’exploitation. 

En ovin, l’enrubannage a été une révolution » estime Christophe Lalloué, éleveur à Issé, en Loire-Atlantique. Installé en 1985, Christophe a d’abord élevé ses brebis et agneaux sur une base d’ensilage et de foin. Mais depuis vingt ans, il a misé sur l’enrubannage. L’éleveur, qui a longtemps été sélectionneur, élève aujourd’hui 300 brebis rouge de l’Ouest. Les agneaux sont produits dans le cadre de la démarche qualité Agneau du Pays Nantais, gérée par Terrena, pour une commercialisation dans des boucheries de la région. Parce qu’il travaille seul, manque de place en bâtiment pour l’agnelage et pour répondre à la demande en agneaux toute l’année, les agnelages sont répartis sur quatre périodes, en septembre, novembre, février et avril. L’exploitation dispose de 73 ha de terres drainées et au bon potentiel. 25 ha sont consacrés aux prairies, principalement des prairies de ray-grass hybride-trèfle violet gardées un ou deux ans. 48 ha sont répartis entre 20 ha de blé, 10 ha de triticale, 10 ha de maïs grain et 8 ha de colza. Des couverts de ray-grass hybride sont systématiquement semés avant maïs. La lactation et l’engraissement des agneaux se font en bâtiment.

De l’herbe récoltée chaque semaine

La ration de base est assurée par l’enrubannage d’herbe complété par le pâturage. « Il y a toujours 80-100 brebis dehors, qui rentrent la nuit, précise l’éleveur. Cela leur fait du bien de marcher. » Tout ce qui n’est pas pâturé est enrubanné, ce qui représente 400-450 bottes par an. « Je fauche, fane et andaine moi-même avec du matériel de la Cuma. Je n’ai aucun souci de disponibilité du matériel. Mais pour le pressage et l’enrubannage, je fais appel à entreprise. C’est très difficile dans ces conditions de faire du foin, car l’entreprise n’est pas toujours disponible quand il le faudrait. Avec l’enrubannage, il y a plus de souplesse. L’entreprise peut intervenir tard le soir ou tôt le matin. Je peux ainsi faucher au meilleur stade. Comme les prévisions météo ont beaucoup progressé, je fauche en général quelques hectares chaque semaine de mi-avril à début juillet. » L’objectif pour Christophe Lalloué est de faire deux fanages et l’andainage en moins de 48 heures « On atteint ainsi 50 % de matière sèche. » Tous les excédents sont récoltés et chaque parcelle peut être fauchée jusqu’à quatre fois par an. L’éleveur fait aussi intervenir une entreprise pour détruire les taupes et éviter de ramener de la terre dans les bottes. « Cela me coûte 300 € par an, mais cela évite les moisissures et les problèmes sanitaires et préserve la prairie. » C’est aussi l’éleveur qui choisit et achète le film d’enrubannage. « Je suis rigoureusement les préconisations. J’achète du film vert clair, surtout pas noir car le noir garde la chaleur, de la bonne épaisseur, et le fais appliquer sur huit couches pour limiter les risques de le percer. » Une grande attention est portée aussi au stockage. Les bottes sont ramenées au plus vite près des bâtiments, pour pouvoir surveiller qu’elles ne soient pas percées par les oiseaux et éventuellement boucher les trous. Elles sont recouvertes de filets pare-grêle récupérés pour empêcher les attaques d’oiseau. Et le stockage se fait sur une aire stabilisée pour éviter les attaques de rongeurs par le dessous. Pour connaître la qualité de la botte et pouvoir faire des mélanges lors de la distribution, les bottes sont marquées selon leur qualité.

Céréales produites sur l’exploitation

La ration de base est complétée par un mélange fermier de triticale entier et maïs grain humide broyé à 32-35 % MS, distribués à 50-50. « Le triticale et le maïs humide sont complémentaires. Leurs amidons ne se dégradent pas de la même façon dans la panse. » En lactation, les brebis doubles en reçoivent 800 g, avec 3-400 g de correcteur azoté à 30 % MAT, les brebis simples ne recevant que 800 g de céréales. L’éleveur fait aussi un flushing avec 500 g de mélange trois semaines avant la lutte et trois semaines après. Et les agneaux sont engraissés avec 75 % de ce mélange fermier associé à 25 % de correcteur azoté à 30 % MAT, avec de l’enrubannage et de la bonne paille, le tout à volonté. « Cela représente du travail de produire, récolter et stocker ses céréales, de faire son mélange, de le distribuer manuellement. Mais les performances sont là. Tous les mâles sont vendus entre 3 et 5 mois à 40-45 kg. Et au final, je n’achète que 10-12 tonnes d’aliment par an. » Et Christophe Lalloué a encore d’autres pistes pour améliorer son autonomie protéique : produire de la féverole ou un mélange céréales-protéagineux, augmenter la part de trèfle dans ses prairies, réduire la complémentation des brebis.

Projet Terunic

L’élevage de Christophe Lalloué a été suivi dans le cadre du projet Terunic mené sur quatre ans en Bretagne et Pays de la Loire pour étudier l’autonomie protéique des élevages. Les résultats pour l’élevage ovin des Pays de la Loire seront restitués le 15 octobre.

Avis d’expert

« Autonomie et bonne productivité »

« Ces dernières années, l’autonomie protéique de Christophe Lalloué a été de 91 à 94 %, l’autonomie globale étant en moyenne de 96 %. Les protéines sont fournies essentiellement par la qualité de l’herbe pâturée et le fourrage, récolté précocement, au stade début épiaison, et bien conservé. En moyenne, la consommation de concentré, y compris les céréales produites sur l’exploitation, n’est que de 6 kg/kg de carcasse produit, contre 9 kg en moyenne dans le groupe agneaux de bergerie du réseau d’élevage. Ce résultat est notamment permis par le bon potentiel des terres et par les pratiques de l’éleveur qui permettent d’obtenir un fourrage de qualité. Il s’explique aussi par la productivité élevée de l’élevage, permise par un bon niveau génétique, avec une sélection depuis longtemps sur les qualités maternelles et la viande, par les pratiques de l’éleveur et par l’absence de problème sanitaire. En 2017, la productivité s’est élevée à 1,80 agneau par brebis, contre 1,40 en moyenne dans le groupe du réseau d’élevage, ce qui explique en partie la faible consommation de concentré par kilo de carcasse produit. »

Laurent Fichet, conseiller ovin à la Chambre d’Agriculture des Pays de la Loire

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