La loi Egalim 2 s’applique à tous les éleveurs ovins
Déjà pratiquée volontairement par quelques acteurs dans le cadre d’Egalim 1, la contractualisation obligatoire en brebis se généralise petit à petit.
Crainte ou méprisée, la loi Egalim 2 qui s’applique (cf encadré) autant aux éleveurs ovins lait depuis le 1er octobre 2022 qu’aux éleveurs d’ovins viande depuis le 1er janvier 2023, vise pourtant à prendre en compte les coûts de production dans le prix payé à l’agriculteur.
Agissant sur l’évolution des prix, elle ne corrige en aucun cas le niveau faible des prix actuels, mais au moins, elle devrait garantir une évolution des prix corrélative aux charges des exploitants agricoles.
"On ne peut donc pas être complètement déconnectés des marchés mondiaux"
Comme dans tout contrat de vente, il faut définir la chose et son prix. La chose c’est le lait, l’agneau, plus précisément sa quantité totale, annuelle, trimestrielle, mensuelle et sa qualité.
Quant au prix, deux méthodes sont prévues.
Prix déterminé
Soit un prix déterminé, dont le contrat fixe les conditions de renégociation, dit « clause de revoyure », au cours des trois ans (durée minimale prévue par la loi). Par exemple : tous les trimestres, si le prix de la luzerne varie de plus ou moins 5 %. Cette première méthode garantit à l’éleveur que le prix n’est pas figé, que des négociations sont possibles. Toutefois, afin d’amoindrir le rapport de force, une variante consisterait, à prévoir une clause de révision automatique qui précise dans quelle mesure le prix évolue. Idéalement une indexation du prix déterminé pourrait se faire sur un critère comme l’Ipampa ovin - lait de brebis, « mais attention, si l’indice baisse le prix d’achat devrait alors baisser. Les prix actuels n’étant déjà pas assez rémunérateurs, ce serait un effet pervers » alerte Daniel Bordarrampé, président de l’interprofession lait de brebis des Pyrénées-Atlantiques (collège des producteurs). Autre adaptation, en viande bovine un tunnel de prix est obligatoire, c’est-à-dire que le prix varie entre un plancher, qu’on imagine être idéalement le coût de production et un plafond qu’on imagine être le prix maximum acceptable par le consommateur en bout de chaîne. En ovin, la loi ne l’impose pas, mais le mécanisme peut être utilisé.
Prix déterminable
Moins privilégiée, la seconde méthode est une formule de calcul à plusieurs inconnues susceptibles de varier en fonction d’indicateurs publics et transparents. Le code rural impose au moins trois d’entre eux. Premièrement, « un indicateur relatif aux coûts pertinents de production en agriculture » a priori en faveur de l’éleveur. Deuxièmement, « un indicateur relatif aux prix des produits agricoles et alimentaires constatés sur le ou les marchés sur lesquels opère l’acheteur », donc plutôt favorable à l’acheteur. « C’est d’autant plus pertinent en viande ovine, étant donné que la France importe 40 % de ses volumes. On ne peut donc pas être complètement déconnectés des marchés mondiaux » constate Patrick Soury, président de la section ovine d’Interbev. L’interprofession publie mensuellement les indicateurs des prix du marché de la filière ovine*, dont les cotations des agneaux lourds irlandais et espagnols…
Et enfin un indicateur relatif aux quantités, à la composition en lait notamment, à la qualité (conformation), à l’origine (IGP) et à la traçabilité des produits ou au respect d’un cahier des charges. Autrement dit : à qualité différente, prix différent.
Plus le poids de l’indicateur coûts de production est important dans la formule, plus le prix devrait être favorable à l’agriculteur.
Si pour l’agneau les cotations de Rungis sont publiées sur FranceAgriMer, dans certaines productions spécifiques (brebis de réforme, fromage à pâte persillée), il n’y a pas d’indicateur fiable et mis à jour. En outre, « la filière lait de brebis ne dispose pas non plus d’indicateur de prix de vente des produits au lait de brebis par les industriels » indique Sébastien Bouyssière, animateur de France Brebis Laitière.
On constate donc sur les premiers contrats signés ou en cours de rédaction que la formule du prix déterminé est privilégiée. Les indicateurs n’en restent pas moins utiles dans la cadre des renégociations.
Un volume défini
Ce qui inquiète le plus les éleveurs est de s’engager sur un volume déterminé. La clause volume est effectivement incontournable. Toutefois, bien rédigée, elle ne devrait pas être trop contraignante. Le volume peut être exprimé sous forme d’une plus ou moins large fourchette et revu chaque année en fonction du renouvellement du troupeau. De plus, si aucune sanction n’est prévue au cas où le volume n’est pas atteint pour cause climatique ou sanitaire, il n’y a pas lieu à s’inquiéter. Reste à définir si l’acheteur a l’exclusivité ou pas du producteur de l’exploitation, si les volumes excédentaires à la fourchette haute sont aussi bien payés, etc.
À l’initiative de l’éleveur
Révolution prévue par la loi Egalim : c’est à l’agriculteur (ou son organisation de producteurs) de faire une proposition de contrat à son premier acheteur. Son projet fait ensuite l’objet de négociations entre eux. Cette première offre doit être annexée à la version finale signée, afin de bien mettre en évidence la différence, lors d’un contrôle par l’administration. En effet, des amendes administratives sont prévues pour les producteurs et acheteurs qui ne contractualisent pas (absence de contrat écrit) ou ne se conforment pas à la loi (voir les autres mentions obligatoires dans le tableau). Ces sanctions ne peuvent excéder « 2 % du chiffre d’affaires hors taxes du dernier exercice clos ».
Quels acheteurs concernés
Les négociants, les maquignons, les laiteries, les abattoirs, les bouchers, les GMS, les organisations de producteurs. En revanche les MIN et magasins de producteurs sont exclus d’Egalim2.
Les coopératives ayant déjà contractualisé par nature avec leurs associés coopérateurs, il leur reste à adapter leurs règlements intérieurs et statuts, pour tenir compte des dispositions des modalités de prix. Avec leurs tiers non associés, la contractualisation est obligatoire.
Repères
La loi Egalim 2 s’applique à partir des seuils de déclenchement suivants :
L’acheteur de lait de brebis qui fait plus de 700 000 € de chiffre d’affaires annuel
L’éleveur de lait de brebis qui fait plus de 10 000 € de chiffre d’affaires annuel
L’acheteur d’agneau dès le premier euro
L’éleveur d’agneau qui fait plus de 5 000 € de chiffre d’affaires annuel