Reporterre du 5 mai 2016
La brebis brigasque sauvées par des éleveurs passionnés
Jean-Baptiste Martin et Amélie Griveau ont repris la ferme familiale il y a deux ans et produisent fromages et yaourts de brebis. Mais plutôt que de garder le troupeau originel, ils ont opté pour des brigasques. « Je suis attaché à ma région, et la race de brebis locale, c’est la brigasque », explique Jean-Baptiste Martin. Un grand nez busqué, de longues cornes retroussées vers l’arrière, une toison fournie, des mamelles « sculptées pour la traite » et une endurance de randonneur, l’animal a tout pour plaire. Pourtant, cette brebis originaire des montagnes sèches de la Provence et du Piémont italien a bien failli disparaître, comme de nombreuses races locales. Bien que très rustique, elle n’était pas assez productive. C’était compter sans l’arrivée de néoruraux tombés amoureux de la race. Aujourd’hui, des éleveurs s’intéressent à nouveau à la brigasque et de 200 têtes dans les années 1970, elles seraient aujourd’hui près de 1 300. Mais en raison du nombre limité de troupeaux, les agnelles coûtent cher et les risques de consanguinité restent élevés. Pour faire face à ces obstacles, les éleveurs se sont regroupés au sein de l’Association de défense de la brebis brigasque.
« Le conseil d’administration de la confédération générale de Roquefort a décidé de mettre un terme à plus d’un siècle de solidarité interprofessionnelle et territoriale » déclare Laurent Reversat, porte-parole de la Confédération Paysanne en Aveyron. Le syndicat regrette l’abandon des valeurs qui ont fait la force de cette organisation collective. « Si on avait besoin de quelque chose, que ce soit l’accès à l’électricité, la sélection des brebis ou la création d’une appellation, on l’organisait ensemble. » Désormais les éleveurs seront rémunérés différemment en fonction de l’industriel auquel ils livrent, ce qui pourra correspondre pour des structures de taille égale à une différence de 4 500 € de rémunération annuelle par personne. « Nous allons tout droit vers le lait de vache alors qu’on aurait pu aller vers un système comme celui du comté qui a utilisé cette réforme pour renforcer sa solidarité", regrette Nino Fillos, représentant de la confédération Paysanne. Sur le site internet du comté, on peut effectivement lire que « la réforme de la Pac permet depuis 2012 aux filières sous signe de qualité de gérer la quantité de fromage, ce qui peut sembler en décalage par rapport au vent de libéralisme qui souffle sur les marchés agricoles. »
« En 1996, nous pensions tous que la crise de la vache folle accélérerait la baisse de la consommation de viande, se souvient l’économiste Pierre Combris, directeur de recherche à l’Inra. Mais ce qu’on a finalement observé, c’est une consommation qui a chuté brutalement et qui retrouve rapidement sa tendance d’avant la crise. » Pour Jean-Pierre Corbeau, professeur de sociologie de la consommation et de l’alimentation, « certes une partie de la population se végétalise mais elle garde des habitudes de consommation de viande, notamment au restaurant, il faut voir comme les burgers gastronomiques cartonnent. » La succession des événements médiatiques joue certes en défaveur de la viande, d’autant plus que l’élevage et l’abattage ne sont plus présents en ville. Mais si nous mangeons moins de viande qu’à la libération, nous en mangeons toujours plus qu’aux 17e et 18e siècles. Les deux experts comparent l’évolution de la consommation de viande à celle du vin. « Depuis les années cinquante, la consommation de vin a baissé de moitié, tout le monde s’est reconverti et on fait de la qualité. Nous étions sur un scénario où plus un seul français ne boirait de vin en 2010… Et on en est loin ! "