Du fromage de brebis bio en Provence
Dans les Alpes-de-Haute-Provence, la ferme des Gipières produit des fromages et des yaourts issus du lait de 80 Lacaune. Un système simple et performant qui permet de faire vivre un couple et des salariés.
Dans les Alpes-de-Haute-Provence, la ferme des Gipières produit des fromages et des yaourts issus du lait de 80 Lacaune. Un système simple et performant qui permet de faire vivre un couple et des salariés.
Florentin Schaal et Céline Drouin ont le sourire. À la tête d’une petite troupe de 80 brebis Lacaune, ils produisent du fromage et des yaourts bio à Cruis dans les Alpes-de-Haute-Provence. Tous deux hors cadre familial, ils se sont d’abord formés au lycée de Carmejane puis Florentin a travaillé pendant deux ans au service de remplacement.
En 2009, ils ont l’opportunité de reprendre une ferme en location : une bergerie, un tunnel, 30 hectares de terres fauchables et 225 hectares de parcours. Le couple aménage le tunnel et y installe ses animaux. « Nous n’avons investi que 40 000 euros de DJA et 30 000 euros d’emprunts, apprécie le couple qui reconnaît aussi à son propriétaire sa volonté d’installer des jeunes. C’est un super proprio, il est passé au bio deux avant notre arrivée effective ».
Une remorque d’agnelles aveyronnaises par an
Aujourd’hui, sur un troupeau de 80 têtes, seules les 60 meilleures passent à la traite. « Cela fait une équipe de 20 remplaçantes qui peut compléter les réformes en cas de pépin dans les trois premiers mois ». Les éleveurs se sentent aussi parfois un peu à l’étroit avec le cahier des charges bio qui limite à 20 % le renouvellement maximum du troupeau à l’extérieur. Ces brebis remplaçantes engraissent paisiblement quelques agneaux qui seront plus tard abattus à Sisteron et transformés sur place.
Pour le renouvellement, la ferme des Gipières s’est simplifié la vie en achetant chaque année une quinzaine d’agnelles de six mois auprès du GIE Lacaune. « Je leur fais confiance et je n’ai jamais été déçu, apprécie Florentin Schaal. De toute façon, je ne vais jamais à faire une aussi bonne sélection qu’avec mes 80 brebis ». Il a d’ailleurs observé un progrès génétique puisque chaque brebis lui produit environ 300 litres par an contre 220 litres il y a une dizaine d’années. Chaque année, il part donc pour l’Aveyron et revient avec sa remorque pleine d’agnelles. Les femelles sont ensuite croisées avec des béliers Mérinos, Rouge ou Préalpes. « Ils ne sont là que pour mettre la graine, explique l’éleveur de 40 ans. Je compte aussi sur l’effet hétérosis pour avoir des agneaux plus dégourdis. »
Trois magasins de producteurs
Les agneaux restent sous la mère de leur naissance, autour du 15 février, jusqu’à leur abattage vers la mi-avril. Ils sont ensuite abattus à Sisteron, découpés dans l’atelier de la ferme puis vendus en colis sur réservation à 15 euros le kilo. Florentin transforme aussi quelques cochons engraissés avec le petit-lait et quelques sangliers, très envahissants ici aussi. Autre simplification, la traite n’a lieu qu’une fois par jour, à 17 heures. « La monotraite nous laisse le temps le matin d’amener nos deux enfants à l’école et d’assurer les livraisons et la fromagerie le matin ». Ils sont aussi aidés depuis 2012 par deux salariés qui travaillent chacun trois jours et un dimanche sur deux. En fromagerie, la simplification s’est organisée petit à petit avec, par exemple, l’investissement dans un lave-vaisselle professionnel qui leur évite une heure de nettoyage par jour.
Environ 20 % du lait sert à fabriquer des yaourts. Le reste permet de faire des fromages lactiques principalement ainsi que quelques caillés doux et pâtes pressées. « Les lactiques valorisent mieux le lait. Nous les vendons en moyenne 25 euros le kilo sous forme de crottin rond ou de brique. » Environ la moitié de ces fromages sont vendus dans trois magasins de producteurs. « Les magasins de producteurs ont commencé à peu près au moment de mon installation et je m’y suis tout de suite bien trouvé. Nous assurons aussi deux marchés le lundi et le mercredi matin, de la mi-mars à la mi-novembre environ. » Les épiceries, Amap et restaurants locaux sont aussi livrés régulièrement. « Ces revendeurs nous font du lien social et il faut encourager ceux qui jouent le jeu des producteurs locaux. Pour les Amap, j’aime bien le principe de toucher l’argent avant ».
Parcours et pâturage sous la montagne de Lure
Les trois premiers mois, les brebis reçoivent du foin de luzerne acheté localement puis de la luzerne ou du sainfoin produit par l’éleveur sur sept hectares. Elles ont aussi 750 g d’orge et de maïs bio acheté. Elles sortent aussi soit sur le parc de détente, soit sur les prairies temporaires soit, après le tarissement, sur les parcours. Deux patous restent en permanence avec le troupeau. Si la ferme des Gipières a eu la chance de ne pas connaître d’attaques de loup, ce n’est pas le cas des élevages voisins qui se font prélever régulièrement des animaux. « J’aime aller faire paître le troupeau l’hiver », avoue Florentin, fier de voir son troupeau le suivre dans ses ballades au pied de la montagne de Lure. Amoureux de la nature, Florentin et Céline prennent chaque année cinq semaines de vacances. En camping pour rester au grand air, avec le sourire.
Chiffres clés
La ferme des Gipières
Une fromagerie pour deux
De 2009 à 2017, Florentin Schaal a partagé sa fromagerie avec un ami, éleveur de vaches laitières installé juste à côté de lui. Pendant que Florentin fabrique des fromages de février à novembre, son voisin traite le lait d’octobre à mars. « On se croisait un peu en début et en fin de campagne, mais ce système a permis de bien optimiser l’outil. » Son voisin lui loue l’utilisation de la salle. Un système préféré à l’association car « il faut mieux un bon voisin qu’un mauvais associé ».
Avis d’expert : Josine Giraud, conseillère caprins et ovins lait à la chambre d’agriculture des Alpes-de-Haute-Provence
« Du lait bien valorisé et peu d’investissements initiaux »
« Florentin Schaal et Céline Drouin ont une très bonne valorisation du lait à 6,10 euros le litre. C’est mieux que la quinzaine d’éleveurs en suivi de la région qui le valorise en moyenne à 4,5 euros. Ils savent vendre leurs fromages bio à un prix rémunérateurs. Ils ont aussi eu la chance de ne pas avoir à trop investir lors de leur installation.
Avec l’association Brebis lait Provence, les 80 producteurs de Paca peuvent bénéficier de formations, de références locales et d’appui technico-économique. Nous avons réalisé une étude il y a quelques années en analysant le lait. Nous avons ainsi confirmé que le lait des Lacaune était aussi riche que celui des autres races.
Avec la prédation du loup et la peur de perdre des primes, de plus en plus d’éleveurs ovins allaitants s’intéressent à la transformation laitière. Il y a eu six ou sept projets l’an dernier mais certains sont revenus quand ils ont vu la somme de travail pour produire du lait et le transformer en fromage qu’il faut ensuite vendre. »