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« Avec moins de brebis, on produit toujours autant d’agneaux »

Sabine Lopez et Julien Bonnet ne tarissent pas d’idées pour faire évoluer leur exploitation, située dans le Vaucluse. Prairies multi-espèces, surfaces de pâturage complémentaires, optimisation des rations, le couple joue sur tous les fronts pour améliorer ses pratiques d’élevage.

« Nous n’avons toujours pas atteint notre rythme de croisière car les projets s’enchaînent et nous avons sans cesse de nouvelles idées », sourit Julien Bonnet, en Gaec avec sa femme à Lagarde-d’Apt dans le Vaucluse. En effet, depuis son installation en 2002 sur la ferme familiale, l’éleveur, qui a 41 ans aujourd’hui, a modifié et modelé son exploitation selon les problématiques économiques et environnementales. Avec l’arrivée de Sabine Lopez et la fusion de son entreprise avec le Gaec de Julien en 2018, le cheptel passe à de 400 à 550 têtes, pour revenir finalement à 380 mères. « Nous avons préféré diminuer un peu le troupeau pour avoir plus de temps pour les soins, plus de disponibilités en herbe et fourrage. Finalement, avec l’amélioration des pratiques, nous avons moins de brebis et nous produisons toujours autant d’agneaux », apprécie Sabine Lopez, pleine d’entrain.

Deux sites distants de 13 kilomètres

Le Gaec la Sizampe a la particularité d’être à cheval sur deux sites distants d’une grosse dizaine de kilomètres. À Simiane se trouve l’ancien siège de l’exploitation de Sabine, avant qu’elle ne rejoigne Julien. « Ça demande une organisation et une communication importante, notamment au moment des agnelages, qui se font sur les deux sites en parallèle », explique l’éleveuse. Après avoir expérimenté un seul agnelage par an, avec un rattrapage à la mi-mars, le couple est revenu à un rythme de deux agnelages par an. « Cela convient mieux pour la vente directe, et un seul agnelage représente une trop grosse charge de travail pour nous deux et nous n’avions pas assez de places en bâtiment. Nous pouvions nous le permettre avant car nous embauchions un berger sur une grande partie de l’année », stipule Sabine, accent chantant aux lèvres.

"L’intérêt de chaque nouveau projet est estimé par le gain économique et le temps de travail."

Le premier agnelage concerne 200 mères et a lieu sur la fin d’année et le deuxième à lieu au printemps pour les 180 restantes. « Nous faisons des luttes courtes sur 15 jours avec une douzaine de béliers et nous mettons un vasectomisé pendant une quinzaine de jours avant. Nous ne faisons pas de réel flushing mais les brebis mangent des glands et des faines de hêtre sur le parcours ce qui les met en état pour la lutte », développe Julien Bonnet. Les résultats sont largement satisfaisants car la prolificité s’élève à 1,7 en moyenne et « plus de 50 % du troupeau est à une prolificité de 2 », ajoute Sabine. Pour arriver à ce résultat, les éleveurs ont instauré une politique de réforme relativement sévère, basée sur l’état des mamelles, l’âge des brebis mis en perspective de l’historique du poids des agneaux. « Au PAT30, nous avons une moyenne de 15-20 kg pour les agneaux », se félicite Julien.

Une surveillance stricte de l’ambiance en bergerie

Les éleveurs ont également travaillé sur la qualité de l’ambiance en bâtiment, avec un plan d’éradication des nuisibles (souris, pigeons) qui pouvaient causer des dégâts sur l’aliment et sont des vecteurs bien connus de maladies. « Nous avons aussi investi dans des cases d’agnelage pour gagner en rigueur sur ce chantier, nous sommes particulièrement vigilants sur le curage et le nettoyage des bâtiments. Nous avons pour cela acheté un Kärcher à eau chaude », poursuit sa compagne.

Le troupeau est constitué de brebis Préalpes du Sud, en sélection depuis une quinzaine d’années. « Les effets de la sélection commencent vraiment à être visibles, avec des efforts accentués sur la conformation des agneaux, la prolificité, la production laitière, etc. Les brebis ont donc une certaine valeur et nous craignons de perdre en qualité avec un berger qui ne connaît pas bien son affaire », s’inquiète Sabine Lopez. En effet, jusqu’à récemment, les brebis étaient gardées lors du pâturage sur parcours de mars à novembre. « Nous avions un berger que nous avions réussi à fidéliser et qui travaillait avec nous 10 mois par an. Il est parti à la retraite et nous avons eu ensuite pas mal de déboires avec les autres candidats. Sans compter que les revendications ne sont plus les mêmes aujourd’hui autant en termes de salaire que de confort de travail », tempête Julien, rappelant leur investissement de 35 000 euros dans une roulotte tout confort pour que le berger puisse rester au plus près des bêtes. Désormais, le couple, qui a arrêté de faire appel à de la main-d’œuvre extérieure, recoupe les quelque 460 hectares de parcours en posant des filets et s’est doté d’une dizaine de chiens de protection pour faire face à la prédation du loup, intense dans le secteur.

Peu de changements de pratiques avec le passage au bio

En 2018, le Gaec la Sizampe passe en agriculture biologique. « Nous livrions à l’Agneau Soleil avant de passer en bio, mais les prix ne nous convenaient pas et nous avions envie de passer à la vente directe. Nous ne pouvions pas garder le label rouge car cela représente un coût trop élevé pour nous seuls. Nous avons donc fait le choix du bio, bien valorisable en vente directe et proche de nos pratiques d’élevage », appuie Julien. La vente se fait en magasin bio, à des restaurateurs et à la ferme.

Prochain projet, et pas des moindres, la construction d’une nouvelle bergerie, qui permettrait de rapatrier l’ensemble du troupeau sur un seul site, avec la création d’un laboratoire de transformation de la viande. L’ancienne bergerie, elle, serait reconvertie pour accueillir un atelier de porcs charcutiers afin d’étoffer l’offre de viande en vente directe.

CHIFFRES CLÉ

2 UTH
380 brebis Préalpes du Sud
560 ha de parcours
15 ha de prairies naturelles
30 ha de prairies temporaires rotation longue
15 ha de prairies temporaires rotation courte
9 ha d’orge et 9 ha de triticale en autoconsommation
5 ha de petit épeautre vendu en direct pour meunerie
10-20 ha de fourrage et méteil

Lavande et panneaux solaires pour les brebis à l’entretien

 

 
Le pâturage des interrangs de lavande vise trois objectifs : des surfaces supplémentaires pour les brebis, le maintien des cultures de lavande et l'amélioration de la vie du sol.
Le pâturage des interrangs de lavande vise trois objectifs : des surfaces supplémentaires pour les brebis, le maintien des cultures de lavande et l'amélioration de la vie du sol. © Gaec La Sizampe

En plus de l’atelier ovin, le Gaec compte 47 ha de lavande, vendue en coopérative. « Nous avons trouvé une certaine complémentarité entre lavande et ovins, expose Sabine, passionnée. L’huile essentielle de lavande est intéressante pour le soin aux animaux, pour assainir les cases d’agnelage, nettoyer les plaies et les oreilles lors du bouclage et pour améliorer l’ambiance des bâtiments. Et les brebis peuvent pâturer dans les interrangs des champs de lavande. » Néanmoins cette pratique demande rigueur et vigilance car les ovins peuvent manger les jeunes pousses et bourgeons de la plante. Les éleveurs laissent les brebis jusqu’aux premiers boutons floraux printaniers. Elles reviendront après la récolte, qui a lieu entre fin juillet et août. « Il faut éviter de les laisser dans les lavandes les jours de pluie, car les brebis auront tendance à manger les tiges plus ligneuses », met en garde l’éleveuse. Il est préférable d’avoir un pré de repli à proximité pour diversifier leur alimentation et leur permettre de se reposer, car c’est assez sportif de marcher dans les lavandes (parcelles en longueur et très caillouteuses). « On vise tout de même le triple bénéfice : surface de pâturage, pérennité de la plantation de lavande et amélioration de la vie du sol », annonce fièrement Julien.

 

Plutôt de la prestation de service qu’un réel besoin

Les associés du Gaec La Sizampe ont également signé avec la société Néoen un contrat d’agriphotovoltaïsme sur trois sites de 3-4 ha chacun. « Nous mettons un chargement important pendant quelques jours et nous répétons l’opération plusieurs fois dans l’année, explique Sabine. L’intérêt est avant tout économique pour nous, car c’est beaucoup de travail (broyage des refus des brebis) et nous pourrions nous passer de ces surfaces supplémentaires. »

Claire Guyon, chambre d’agriculture du Vaucluse

Une rotation pour optimiser les surfaces mécanisables

« À la suite de la conversion bio de l’exploitation en 2018, 17 hectares sont cultivés en céréales (triticale et orge) chaque année pour nourrir le troupeau. La surface mécanisable étant limitée, il est important de mettre en place une rotation incluant cette surface minimale en céréale, sans avoir à détruire de belles prairies pour les implanter. Les prairies multi-espèces utilisées par Sabine et Julien permettent de s’adapter à cette problématique. »

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