Aller au contenu principal

Analyse
« Le gazole non routier (GNR) reste la principale dépense énergétique des exploitations agricoles »

Avec la hausse des coûts d’énergie, le regard se tourne naturellement vers les dépenses et à la façon de les réduire. Une étude de 2019 de l’Agence de la transition écologique (Ademe) recense les dépenses les plus importantes et le poids des énergies fossiles dans le mix énergétique des exploitations. Audrey Trévisiol, coordinatrice agriculture & changement climatique au service agriculture forêts et alimentation de l’Ademe, revient sur les grandes tendances des pratiques dans les fermes et l’origine de leurs disparités. 

Photo de Audrey Trévisiol
Audrey Trévisiol est coordinatrice agriculture & changement climatique au service agriculture forêts et alimentation de l’Ademe.
© Ademe

Quelles sont les grandes tendances récentes de la consommation énergétique à la ferme ?

Audrey Trévisiol : Avec un niveau s’élevant à 43,5 térawattheures (TWh), la consommation énergétique des exploitations agricoles est en hausse de plus de 8% en 2020, comparativement à 2019, après une baisse du même ordre de grandeur depuis 2015. Ainsi, depuis une dizaine d’années, elle fluctue entre 40 et 44 TWh, se montrant notamment assez peu sensible aux variations de la production agricole. Si on compare à 2012, année de référence des objectifs nationaux de réduction de la consommation d’énergie, la consommation énergétique des exploitations agricoles est à peu près stable, soit + 0,6 % d’évolution en moyenne annuelle. 

Comment expliquer la forte disparité entre les différentes productions agricoles, par exemple entre d’une part, les grandes cultures (1,4 Mtep) et, d’autre part, les ovins et caprins (0,2 Mtep) en termes de dépendance énergétique ? 

A. T. : Au niveau de l’énergie directe, le fort niveau de consommation énergétique des grandes cultures est dû au carburant des tracteurs pour les travaux dans les champs. À cela s’ajoute l’énergie indirecte consommée pour la fabrication des intrants agricoles, les engrais azotés notamment. Concernant les élevages, les consommations énergétiques sont différentes entre les productions et les types de systèmes. Globalement, les postes consommateurs sont les bâtiments - chauffage, électricité pour le bloc traite par exemple - et la fabrication des aliments pour animaux. 

 

Consommation énergétique des exploitations agricoles

  2012 2015 2019 2020
Total

3 537

3 714 3 407 3 737
Combustibles 81,7 81,7 83,0 83,4
   dont carburants 67,9 68,3 69,3 66,1
   gaz 11,2 9,6 10,6 14,5
   fioul domestique 1,3 1,2 1,2 0,9
Électricité 18,3 18,3 17,0 16,6

NB:  Les volumes de chacune des sources d'énergie ont été convertis en tonnes-équivalent-pétrole (tep). Champ : France métropolitaine jusqu'en 2019 ; France à partir de 2020. Source : Agreste - Rica

L’analyse de l’Ademe distingue l’énergie directe, consommée dans l’exploitation, et l’énergie indirecte, consommée notamment pour la fabrication des intrants. Pour l’énergie directe, la dépendance est forte vis-à-vis du carburant. Quelle est l’évolution de ce poste ?  

A. T. : Le gazole non routier (GNR) reste la principale dépense énergétique des exploitations, 53% en moyenne. Cela évolue légèrement à la baisse ces dernières années, au profit d’une augmentation de la consommation électrique. Le mix énergétique est fonction de l’orientation des exploitations, le gazole représente près de 70% de la facture énergétique d’une exploitation céréalière (travaux dans les champs). 

 

Est-ce que la place des énergies renouvelables dans le mix énergétique des fermes a évolué ? Si oui, dans quel sens ?  

A. T. : Il existe peu de données agrégées sur la production d’énergies renouvelables (EnR) au sein des exploitations agricoles. Cependant, on estime que l’agriculture contribue à hauteur de 20% de la production d’EnR. En 2021, la production primaire d’énergies renouvelables est de 345 TWh et a augmenté de plus de 5% comparativement à 2020 ; le secteur agricole est un contributeur important de cette production que ce soit en éolien, photovoltaïque ou méthanisation. 

 

Comment faire évoluer la dépendance énergétique des fermes ?  

A. T. : Le premier levier à actionner, comme dans les autres secteurs d’activité, est de réduire les consommations d’énergie par la mise en œuvre de solutions plus économes en énergie : réglage des moteurs, ventilation économe, systèmes d’irrigation plus performants, isolation des bâtiments, récupérateur de chaleur et une politique de sobriété énergétique en faisant évoluer les productions agricoles. La production d’énergies renouvelables sur site - méthanisation, bois énergie, solaire photovoltaïque ou thermique - est un levier complémentaire. Les pratiques et systèmes agricoles peuvent aussi impacter la consommation énergétique. Les techniques culturales simplifiées notamment permettent de réduire de 20 à 40% les consommations de carburant. Par ailleurs, des adaptations dans la distribution des cultures sur le parcellaire permettent de limiter les déplacements des tracteurs et donc de réduire la consommation de carburant. 

Les solutions ne sont-elles qu’individuelles et territoriales ou peut-il y avoir une stratégie à l’échelle nationale pour réduire cette dépendance ?  

A. T. : La question de la réduction de la dépendance énergétique est aussi traitée au niveau national dans le cadre de la Stratégie française pour l‘énergie et le climat. C’est en effet une question clé face aux enjeux environnementaux et aux instabilités des marchés dues aux contextes géopolitiques. C’est aussi un enjeu de souveraineté énergétique nationale. La question de la dépendance énergétique est aussi liée à celle, plus large de la neutralité carbone à 2050. 

Les plus lus

Homme et sa jeune fille dans un champ
Près d’un agriculteur sur cinq envisage de cesser son activité dans les douze mois à venir

La FNSEA vient de publier son baromètre d’opinion trimestriel réalisé avec le concours de l’Ifop auprès des agriculteurs…

  Loup avançant dans l’herbe
Combien y’a-t-il de loups en France ? L’estimation de l’OFB contestée par les éleveurs

La dernière estimation du nombre de loups en France calculée par l’Office français de la biodiversité est jugée comme une…

Machine entretenant une haie en bordure de parcelle agricole
Haies : vers un crédit d’impôt de 4500 euros par exploitation agricole

Les sénateurs viennent d’adopter dans le cadre de la PLF 2025 un nouvel article instaurant un crédit d’impôt pour inciter les…

      Jean-Marc Jancovici fondateur du Think tank le Shift project intervenant lors des Controverses de l’agriculture organisées par le groupe Réussir en février 2024.
Jean-Marc Jancovici : quel scénario pour l’agriculture à 2050 préconise le Shift project ?

Le Think tank fondé par Jean-Marc Jancovici présente un premier rapport sur l’agriculture avec des scénarios pour décarboner…

Signature de la fin des négociations entre l'UE et le Mercosur le 6 décembre à Montevideo en Uruguay par Ursula von der Leyen et les représentats du Mercosur.
Accord Mercosur : les réponses aux questions des agriculteurs après l’annonce d’Ursula von der Leyen ?

Après l’annonce de la finalisation de l’accord Mercosur, de nombreuses questions se posent pour le secteur agricole. L’accord…

portrait de Nicolas Chabanne
Pourquoi Nicolas Chabanne, le fondateur de la marque C’est qui le patron ?!, cède-t-il ses actions à une fondation ?

Afin de mieux protéger les producteurs, Nicolas Chabanne a décidé de léguer toutes les actions de C’est qui le patron ?!…

Publicité