« On ne se débarrassera pas des gels tardifs en vigne avec le changement climatique »
Les scientifiques européens de World Weather Attribution se sont penchés sur les liens entre l’épisode de gel d’avril dernier, particulièrement ressenti dans les vignes françaises, et le changement climatique. Les résultats présentés le 14 juin confirment que l’avancée du démarrage de la végétation des vignes augmente fortement la probabilité de dommages liés à des gels tardifs.
Les scientifiques européens de World Weather Attribution se sont penchés sur les liens entre l’épisode de gel d’avril dernier, particulièrement ressenti dans les vignes françaises, et le changement climatique. Les résultats présentés le 14 juin confirment que l’avancée du démarrage de la végétation des vignes augmente fortement la probabilité de dommages liés à des gels tardifs.
Les chercheurs réunis au sein du World weather attribution (programme d’étude sur les effets possibles du changement climatique) ont cherché à cerner la part du changement climatique dans l’épisode historique de gel d’avril 2021 à partir de simulations issues de modèles climatiques.
Le changement climatique rend les vagues de grand froid moins fréquentes
Si l'on fait abstraction des effets du changement climatique, selon les chercheurs, la chute des températures aurait pu être encore plus basse de 1,2°C en moyenne (entre 0,7°C et 1,6°C). Le changement climatique rend donc les épisodes de grand froid moins probables. Les chercheurs estiment que de tels épisodes se produisaient une fois tous les 10 ans avant le changement climatique mais qu'ils ont maintenant " une période de retour d’environ 160 années ».
Le décalage de la période végétative au coeur du problème
Ce qui pose problème c’est donc la conjonction de gel, même moins froid qu’avant, avec l’avancée avérée du début de la période végétative.
« L’effet lié au recul au démarrage de la saison domine par rapport à l’effet de la chute des températures en avril », souligne Robert Vautard, chercheur au CNRS, directeur de l'Institut Pierre-Simon Laplace. La vigne en pleine croissance se retrouve exposée à des températures parfois plus basses lors des épisodes de gel.
L’étude a évalué le phénomène avec l’indicateur du degré jour de croissance (DJC). Obtenu en additionnant les températures moyennes quotidiennes, il reflète la quantité de chaleur accumulée par les plantes tout au long de la saison de croissance. Dans les régions étudiées*, le DJC correspondant au début de la croissance de la vigne se situe entre 250°C et 350°C. L'étude observe que les températures minimales ont diminué en moyenne de 2°C quand le DJC franchit le seuil de 250°C. Ce même écart moyen de 2°C se constate sur la période entre 250°C et 350°C.
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« Plus il fait chaud, plus le risque de gel augmente »
« Plus il fait chaud, plus le risque de gel augmente », résume Nicolas Viovy chercheur au CEA et à l'Institut Pierre-Simon Laplace. Il rappelle que de nombreuses observations phénologiques montrent une avancée de 15 jours depuis les années 80 et souligne le contraste entre la rapidité du changement climatique et l’échelle de temps très longue avec laquelle les plantes s’adaptent par un processus de sélection.
« On ne se débarrassera pas des gels tardifs avec le changement climatique, résume Robert Vautard. Il va falloir s’en prémunir.» Il indique aussi que les zones qui s’ouvrent aujourd'hui à la viticulture grâce au changement climatique ne seront pas plus épargnées par le phénomène.
Selon les calculs des scientifiques, la probabilité d’incidence d'un gel dans une période de démarrage végétatif augmente de 40% avec une hausse des températures de 2°C (par rapport à une situation sans changement climatique).
* Cette étude qui analyse l'influence humaine sur la survenue d'épisode de gel comme celle d'avril 2021 s'est centrée sur une zone incluant sur la Champagne, la vallée de la Loire et la Bourgogne. Elle a été réalisée un groupe international de scientifiques de l'Institut Pierre-Simon Laplace (issus du CNRS et CEA), de l'Institut météorologique royal des Pays-Bas, de l'Université d'Oxford, de l'Institut Max Planck de biogéochimie d'Iéna et de Météo-France.
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