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Maladies respiratoires des bovins : « Les pratiques au sevrage et le temps de surveillance font la différence en atelier d’engraissement »

Le Gaec Bataillon et la ferme Terres de Crecoli, dans la Creuse, comptent le même nombre de places en engraissement, disposent du même vétérinaire et appliquent le même protocole sanitaire. Pourtant, l’un des sites est confronté à un taux de mortalité plus élevé lié aux troubles respiratoires. La part de veaux sevrés et le temps de surveillance semblent faire la différence sur les résultats.

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Clément Bourgninaud est l'un des deux salariés du site d'engraissement Terres de Crecoli, qui accueille 800 jeunes bovins.
© A.L. Galon

Le Gaec Bataillon enregistre 2 à 2,5 % de mortalité, et la ferme Terres de Crecoli, 3,5 %. Pourtant, ces deux élevages engraisseurs paraissent très similaires de premier abord. Situés dans la Creuse, chacun dispose de 800 places d’engraissement de taurillons pour le groupe T’Rhéa, ils sont suivis par le même vétérinaire et appliquent le même protocole sanitaire.

La proportion de veaux sevrés joue

Chaque semaine, une trentaine de nouveaux pensionnaires arrivent. Première différence entre ces deux sites, la proportion de veaux sevrés. Ceux-ci sont majoritaires au Gaec Bataillon, voire ont reçu chez le naisseur une « préparation alimentaire » qui amorce le passage vers la ration d’engraissement, très riche. « Ces veaux mangent dès leur arrivée en atelier d’engraissement, le stress est minime. À l’inverse, les veaux non sevrés mettent environ trois jours à s’habituer à la ration de transition », compare Sylvain Gaveau, responsable de l’élevage à Terres de Crecoli. Seul un tiers des veaux arrivent sevrés à Terres de Crecoli, qui distribue donc une ration d’adaptation pendant les trois semaines de quarantaine. Riche en fibre, elle contient notamment 10 % de foin, 10 % de paille, 5 % d’enrubannage de luzerne, mais aussi 25 % de pulpe de betterave, 17 % de maïs grain, du tourteau de colza et un concentré du commerce. Pour formuler les rations, Terres de Crecoli fait appel à un nutritionniste indépendant.

« Ces exploitations engraissent à la fois des taurillons limousins et charolais, ce qui complexifie la formulation de la ration », souligne le docteur Alfredo Zanini. En effet, l’ingestion des charolais est plus importante, ils ressentiront davantage l’effet acidogène d’une ration riche. « Les horaires de distribution jouent aussi un rôle, précise le vétérinaire. L’idéal est de réguler les apports pour que les veaux aient à manger en continu. »

La distribution de la ration fait partie des moments privilégiés pour observer les animaux et détecter les troubles respiratoires.

Le regard d’un éleveur expérimenté

« L’œil d’un éleveur expérimenté fait toute la différence », estime le Dr Zanini. Grâce à vingt ans d’expérience, Nicolas Bataillon adapte le protocole sanitaire aux différents veaux. « Il choisit plus facilement de garder les petits veaux à la ration de transition pendant une ou deux semaines supplémentaires, même si le protocole indique de passer à la ration complète, estime le vétérinaire. Il repère aussi plus facilement les animaux malades. »

En tant qu’éleveur, il est présent toute la journée sur l’exploitation, y compris les week-ends. À l’inverse, la main-d’œuvre de Terres de Crecoli est entièrement salariée. « Même si l’équipe commence à gagner en expérience, nous ne sommes présents qu’aux heures d’embauche : nous ne pouvons pas surveiller les bêtes aussi souvent qu’un éleveur sur son exploitation », reconnaît Clément Bourgninaud, salarié de Terres de Crecoli.

La surveillance doit être répartie entre la quarantaine et le bâtiment d’engraissement.  « 90 % des troubles apparaissent en quarantaine, mais la surveillance du bâtiment d’engraissement reste importante. Sinon, un veau malade peut facilement passer inaperçu dans ces grands bâtiments, souligne le vétérinaire. D’autant qu’avec la vaccination, les animaux expriment moins de signes évocateurs des troubles respiratoires. »

De plus, « Nicolas Bataillon prend lui-même les décisions pour son élevage. Qu’il s’agisse de changer un fournisseur ou de modifier un bâtiment, il est forcément plus réactif, car c’est lui le décisionnaire », alors que c’est le groupe T’Rhéa qui gère Terres de Crecoli.

Placer la quarantaine à l’écart

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La quarantaine se déroule dans un bâtiment en prolongement du bâtiment principal de Terres de Crecoli, dans la Creuse. © A.L. Galon

Sur le Gaec Bataillon, à Saint-Loup, un bâtiment distinct abrite les veaux durant la période de quarantaine. À Terres de Crecoli, à Saint-Martial-le-Vieux, celle-ci se trouve dans un bâtiment en prolongement du bâtiment principal. « Nous faisons au mieux avec le bâtiment existant, mais notre quarantaine n’est pas idéale : les broutards passent dans le bâtiment principal juste après le rappel de vaccination, l’immunité n’est pas encore complètement installée et ils peuvent alors ramener des pathogènes dans le bâtiment principal », reconnaît Sylvain Gaveau.

L’allotement des broutards, par cases de douze, regroupe d’abord les veaux venant du même élevage. Les veaux restants sont répartis en visant des groupes de poids le plus homogène. « Lorsque c’est possible, regrouper les veaux originaires du même élevage limite leur exposition à de nouveaux pathogènes à l’arrivée en atelier d’engraissement, moment où ils sont particulièrement vulnérables », affirme Stéphanie Bernheim, vétérinaire pour Zoetis. « Cela évite aussi le stress lié à l’établissement des hiérarchies sociales », complète son confrère Arnaud Bolon, de Boehringer Ingelheim.

Un atelier dédié à la préparation sanitaire

Réaliser la quarantaine dans un atelier dédié, c’est ce qu’envisage le groupe T’Rhéa, qui a repris le site de Saint-Martial-le-Vieux, dans la Creuse, pour y installer la ferme Terres de Crecoli en 2022. Après la quarantaine, les broutards seraient ensuite envoyés vers les ateliers d’engraissement à partir de ce site unique, réduisant ainsi les risques liés aux mélanges d’animaux venant de différents élevages.

« Les résultats sont prometteurs : après 45 à 60 jours sur cet atelier, aucun des dix-neuf animaux issus de ce site de préparation n’est tombé malade à leur arrivée en engraissement à Terres de Crecoli, même lorsqu’ils partagent leur case avec des veaux qui montrent des signes cliniques », évoque Sylvain Gaveau, conseiller d’élevage à T’Rhéa et responsable de l’élevage à Terres de Crecoli. L’objectif à terme serait de faire passer l’ensemble des broutards par ce site de préparation sanitaire. « Ainsi, tous les taurillons entreront sur l’atelier d’engraissement avec le même microbisme, et les nouveaux arrivés ne risqueront plus de contaminer les bovins déjà présents ».

Davantage de vaccinations à l’automne

Dès leur entrée, les broutards sont vaccinés par une injection de Rispoval 3, Hiprabovis somni et Protivity, et reçoivent un antiparasitaire, avant d’être placés en quarantaine pour trois semaines. « À partir de l’automne, nous utilisons Rispoval 3 en intranasal plutôt qu’en injection, car les veaux répondent plus vite », indique Sylvain Gaveau, conseiller d’élevage à T’Rhéa. Vingt et un jours plus tard, les veaux reçoivent les rappels de vaccination nécessaires, sont tondus, et passent dans le bâtiment principal. « L’été, les veaux ne reçoivent pas de rappel d’Hiprabovis somni. Ce n’est pas l’utilisation indiquée par le fabricant, et par conséquent la protection accordée est plus courte, mais cela réduit les frais vétérinaires sur la période où le risque est moins important », précise le docteur Alfredo Zanini, le vétérinaire qui suit les deux exploitations.

« Nous mettons en place un protocole de soin plus poussé »

Dr Alfredo Zanini, vétérinaire

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©A. Zanini
 

« Deux axes d’amélioration prioritaires apparaissent à Terres de Crecoli : la détection plus rapide des animaux malades par les salariés, et l’isolation plus efficace des veaux qui expriment des signes cliniques et récidivent des troubles respiratoires.

Dès l’an prochain, nous mettrons en place un protocole de soins plus poussé. Pour cela, des prélèvements profonds seront réalisés chaque mois par lavage bronchio-alvéolaire sur les animaux malades qui n’auront pas encore été traités par antibiotiques. Ces prélèvements nous permettront de suivre avec davantage de précision les bactéries impliquées, et d’identifier systématiquement les éventuelles antibiorésistances présentes ou en train de se développer. Ce suivi devrait apporter davantage de réactivité dans les traitements, et réduire la mortalité sur cet élevage.

Par ailleurs, nous prévoyons de réaliser des échographies pulmonaires sur les jeunes bovins pour détecter les lésions dès l’arrivée en atelier d’engraissement, comme nous l’avons déjà développé sur d’autres exploitations. »

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