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Santé animale : comment maintenir des vétérinaires aux côtés des éleveurs

Face au délitement du maillage vétérinaire dans les zones d’élevage bovin, les professions vétérinaires et agricoles, les pouvoirs publics et les collectivités locales cherchent ensemble des solutions.

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En 2019, des actions ont été enclenchées pour augmenter significativement le nombre de vétérinaires diplômés en France. Mais les difficultés à maintenir un maillage vétérinaire ont de nombreuses causes, qui vont bien au-delà de la démographie vétérinaire.
© Claudia Serra

« La profession vétérinaire n’échappe pas au phénomène de désertification des zones rurales », a entamé Matthieu Mourou, vétérinaire dans les Pyrénées-Atlantiques et conseiller national de l’Ordre des vétérinaires lors d’une conférence au Sommet de l’élevage.

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Matthieu Mourou, conseiller national de l’Ordre des vétérinaires

L’impact est double puisque le maillage fortement dégradé engendre pour certains éleveurs un risque de non prise en charge des troupeaux, et pour d’autres une dégradation des conditions de travail de leurs vétérinaires, qui acceptent de prendre de nouveaux clients toujours plus éloignés de la clinique.

Les difficultés à maintenir un maillage vétérinaire ont de nombreuses causes, qui vont bien au-delà de la démographie. « Une première catégorie de facteurs tient à l’attractivité territoriale, comme l’accès à la culture et à la santé. D’autres sont propres au monde agricole en lui-même, avec la baisse de densité des élevages, l’évolution des filières et celle des relations avec le vétérinaire. Enfin, une troisième catégorie de facteurs est liée à la profession vétérinaire elle-même, et affecte la capacité des cliniques à recruter de jeunes diplômés et à les garder », évoque Matthieu Mourou.

Les premières alertes datent de 2016. Un atlas de la démographie vétérinaire a été publié par le conseil de l’Ordre. Le ministère de l’Agriculture et les organisations professionnelles ont alors travaillé sur une feuille de route pour le maintien des vétérinaires dans les territoires ruraux. En 2019, des actions ont été enclenchées pour augmenter significativement le nombre de vétérinaires diplômés en France. Et depuis 2020, la loi DDADUE (Diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne) permet aux collectivités territoriales de financer l’installation des vétérinaires et l’investissement dans l’équipement des cliniques.

En 2022, l’action a été structurée autour du lancement d’un appel à manifestation d’intérêt (AMI). Onze territoires y ont participé. L’AMI a abouti à la construction d’une méthode de diagnostic territorial et à une liste d’actions susceptibles de renforcer le maillage vétérinaire. Ces actions constituent une « boîte à outils » dans laquelle chaque territoire est invité à piocher.

Commencer à s’organiser avant les tensions

Le premier constat de l’AMI est qu’il existe une très grande diversité de situations d’une zone d’élevage à l’autre. Cela va de tensions peu perceptibles par les éleveurs, mais claires pour les vétérinaires, à des situations de crise ouverte. « Les solutions sont forcément à faire émerger au plus près du terrain et ne sont pas univoques, explique Matthieu Mourou. L’AMI a bien montré l’intérêt d’avoir une action prospective sur le maillage vétérinaire. Lorsque les tensions sont déjà ressenties par les éleveurs, c’est presque trop tard. »

En 2023, une cellule de surveillance et d’appui au maintien du maillage vétérinaire a été mise en place. « Nous allons disposer d’une cartographie bien plus fine du maillage vétérinaire. Une adresse e-mail est à la disposition de tous pour nous contacter (maillage.veterinaire@ordre.veterinaire.fr). Un rapport annuel fera l’état des lieux », détaille Matthieu Mourou. Cette cellule vise à déclencher des diagnostics de territoires, les accompagner, et suivre la mise en place des actions. Une dizaine de zones sont partantes aujourd’hui, alors qu’il y a deux ans, elles ne se sentaient pas forcément concernées. « Nous essayons d’innover et d’expérimenter. »

La forfaitisation et la télémédecine

Le bilan de l’AMI pointe le lien entre le maillage et d’autres problématiques de la profession vétérinaire : la télémédecine et la forfaitisation entre les éleveurs et leur praticien sont identifiées comme deux voies pouvant participer au renforcement des structures vétérinaires et donc du maillage.

La forfaitisation est un engagement réciproque du vétérinaire et de l’éleveur pour la réalisation d’un ensemble d’actes, avec un règlement à échéances fixes d’une somme définie. Plusieurs types de forfaitisation sont possibles (voir reportages). Le conventionnement est une forme particulière de contractualisation. Dans ce cas, un contrat unique entre une association d’éleveurs loi 1 901 et une structure vétérinaire libérale est conclu : tous les élevages de l’association sont soumis au même contrat.

La télémédecine vétérinaire a été autorisée dans le cadre d’une expérimentation pendant une période de dix-huit mois, mais depuis 2022, elle fait l’objet d’un vide juridique. L’évolution du suivi sanitaire permanent qui est « dans les tuyaux » devrait lui donner prochainement un cadre réglementaire. En attendant, les scientifiques poursuivent la recherche (voir article) pour mieux cerner son potentiel et avancer sur les problèmes techniques. Entre deux vétérinaires, l’un en exploitation et l’autre à distance ou tous deux sur leurs lieux de travail (téléexpertise), elle est déjà tolérée. Elle permet dans cette configuration de renforcer les jeunes vétérinaires dans leur pratique, ou encore d’éclairer un vétérinaire avec l’avis d’un confrère spécialisé par exemple en radiologie, pour une autopsie… Si elle se développait entre un éleveur et son vétérinaire, la téléconsultation (consultation à distance en temps réel) pourrait éviter certains déplacements. Elle devra pourtant démontrer ce qu’elle apporte par rapport au « coup de fil pour avis au vétérinaire » qui fonctionne bien, avec des éleveurs bovins qui ne cessent de monter en compétences dans leur fonction d’infirmier du troupeau.

Des évolutions réglementaires avec le « vétérinaire traitant »

La refonte en cours du contenu du bilan sanitaire d’élevage a aussi un lien avec le maillage vétérinaire : elle prévoit de modifier les conditions de délivrance des médicaments, dont la vente assure une partie conséquente des revenus des cabinets vétérinaires – et donc de leur attractivité. Le décret présenté en avril 2024 aux représentants des professions agricoles et vétérinaires mentionne la création d’un statut de « vétérinaire traitant » pour chaque élevage. Le vétérinaire traitant désigné par l’éleveur, qui ne serait pas forcément le même que le vétérinaire sanitaire, serait par sa connaissance fine de l’élevage le seul vétérinaire habilité à faire des ordonnances hors examen clinique des animaux, dans la mesure où il connaît bien l’élevage pour s’y rendre de façon régulière.

Enfin, dans le projet de loi agricole figure la possibilité de déléguer certains actes à destination des animaux de compagnie aux auxiliaires spécialisés vétérinaires ayant une certification supplémentaire et aux élèves des écoles vétérinaires. Si cette mesure se concrétise, elle pourra aussi conforter les praticiens mixtes, en leur offrant une autre façon d’organiser leurs tâches.

Des solutions à inventer dans chaque territoire

En savoir plus

L’appel à manifestation d’intérêt (AMI) financé par le ministère de l’Agriculture a rassemblé le Conseil national de l’ordre vétérinaire, la SNGTV, le SNVEL, la Chambre d’agriculture France, la FNSEA et GDS France. Les onze territoires pilotes sont situés en Sarthe, en Île-de-France, en Moselle, dans l'Yonne et dans la Nièvre, au nord du Cher, au sud de la Vienne, en Dordogne, dans le Bassin d’Aurillac, à l'ouest de la Haute-Loire, au sud de l’Ardècheet en Aude. Il est disponible sur https://www.veterinaire.fr/la-profession-veterinaire/nos-grands-dossier…

La loi DDADUE (Diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne) couvre des domaines aussi divers que l’économie, le numérique, le droit ou les questions agricoles. Elle date de 2021 et une deuxième loi a été adoptée en 2024.

 

 

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