Maladies respiratoires des bovins : « J’utilise quatre fois moins d’antibiotiques grâce aux huiles essentielles et à la phytothérapie »
Le Gaec de la Sioule, dans l’Allier, a divisé par quatre son utilisation d’antibiotiques en atelier d’engraissement depuis que les éleveurs ont recours à la phytothérapie et l’aromathérapie en prévention des troubles respiratoires.
Le Gaec de la Sioule, dans l’Allier, a divisé par quatre son utilisation d’antibiotiques en atelier d’engraissement depuis que les éleveurs ont recours à la phytothérapie et l’aromathérapie en prévention des troubles respiratoires.
« On nous prend parfois pour des fous, mais les résultats sont là : nous avons divisé par quatre notre utilisation d’antibiotiques, alors que nous étions de grands consommateurs », affirme Xavier Ferrand, associé avec son frère sur le Gaec de la Sioule, à Saint-Pourçain-sur-Sioule dans l’Allier. Ces polyculteurs et engraisseurs saisonniers utilisent depuis plusieurs années la phytothérapie et l’aromathérapie pour se prémunir contre les maladies respiratoires. Résultat, sur les 260 taurillons engraissés chaque année en bande unique, ils ne déplorent généralement que deux ou trois morts, « souvent une patte cassée et une entéro-gastrite », mais très rarement des mortalités causées par les troubles respiratoires. « Bien sûr, quand une bête est malade, nous la soignons. Mais grâce à beaucoup de prévention, les soins curatifs sont moins souvent nécessaires », souligne l’éleveur, avant d’ajouter : « Nos achats d’antibiotiques sont passés de 7 650 euros par an à 2 000 euros. »
Des huiles essentielles deux fois par semaine
La prévention commence dès l’arrivée des broutards sur l’exploitation, avec une cure de cinq jours de phytothérapie. « Je distribue 50 grammes par jour et par bête d’additif enrichi en vitamines A, D3, E et C, et en sélénium, le tout sur un noyau d’eucalyptus. Il est fait à façon via l’entreprise Phytosynthèse », indique Xavier Ferrand. Pendant tout leur séjour, les taurillons reçoivent également 20 grammes par jour de Boostar Tonic, produit par la même entreprise. « Je ne me passerais pas de ce produit », partage l’éleveur, qui l’utilise depuis dix ans et lui attribue l’attitude sereine des taurillons.
Pour renforcer les défenses immunitaires des veaux, Xavier Ferrand diffuse dans le bâtiment d’engraissement un mélange d’huiles essentielles. « Je brumise le mélange au-dessus des bêtes depuis le couloir d’alimentation, deux à trois fois par semaine, et jusqu’à quatre passages à partir de la septième semaine, car c’est souvent à cette période que les troubles respiratoires commencent à se déclarer », indique l’éleveur. Ce dernier se sert d’un atomiseur à dos équipé d’un moteur thermique et d’une réserve de 14 litres. Le mélange d’huiles essentielles qu’il utilise depuis cinq ans après deux ans de tests, contient des essences d’eucalyptus citronné, citron, tea tree, ail, citronnelle, clou de girofle et pin, mélangé dans une huile neutre. « Lorsqu’il y a de l’ail, ça ne sent pas très bon, mais c’est efficace », sourit l’éleveur. L’ensemble est incorporé dans un support d’huile déclassée issue de l’huilerie voisine.
Les vétérinaires s’accordent à dire qu’il est nécessaire d’assurer les bases sanitaires, avant de pouvoir tirer profit de l’aromathérapie. Le Gaec de la Sioule met en effet toutes les chances de son côté pour limiter les divers stress liés à l’arrivée des broutards en atelier d’engraissement, et réduit d’autant les facteurs de risque liés aux maladies respiratoires.
100 % de broutards préparés
Depuis deux ans, ils organisent avec Feder l’achat de broutards préparés. « J’ai dû batailler pour l’obtenir, car beaucoup d’éleveurs naisseurs ne sont pas motivés ou pas équipés. » Aujourd’hui, tous les broutards qui rentrent sur l’exploitation ont reçu un vaccin et un rappel de RispoVal 2 ou 3 et Coglavax et ont été déparasités chez le naisseur. « Nous avons convenu d’une plus-value de 35 euros par broutard, dont nous prenons en charge 15 euros, et Feder, 20 euros. Il est important pour nous que cette plus-value ne compense pas uniquement le prix du produit, mais également le temps passé par les éleveurs », souligne Xavier Ferrand, qui considère ce surcoût comme un investissement, largement rentabilisé au vu des économies de frais vétérinaires. Cet investissement est facilité, car le prix des taurillons finis est négocié pour l’année avec l’abattoir Socopa à Villefranche-d’Allier, avant l’achat des broutards.
Les broutards présélectionnés par Feder sont regroupés au centre d’allotement le matin, où l’éleveur finalise son choix. Ils arrivent en début d’après-midi à l’exploitation. « Les broutards passent le moins de temps possible en centre de tri, et le temps de transport dépasse rarement une heure », se félicite l’éleveur. « À l’arrivée, étant dispensés de piqûre et de contention, ils passent directement au baquet. »
Avec un cornadis par bête et des points d’abreuvement en nombre suffisant, les taurillons entrent peu en compétition, et le calme règne même avec vingt taurillons par case, ponctué par la radio qui diffuse Radio Classique en continu dans le bâtiment. « La station importe peu : ce qui compte, c’est que les bovins s’habituent à une voix humaine. Le son doit être réglé suffisamment bas pour ne pas les déranger la nuit », précise l’éleveur.
Une ration de transition leur est distribuée, riche en paille et en foin. Xavier Ferrand introduit la ration d’engraissement progressivement sur quinze jours. Elle se compose de foin, paille, sorgho grain ensilé en plante entière, luzerne ensilée, maïs épis et de blé aplati produits sur l’exploitation, ainsi qu’un complément azoté et un peu de mélasse.
La surveillance des animaux est rythmée par la distribution et la repousse de l’aliment. « Il faut être présent sept jours sur sept pendant les dix premières semaines, et faire preuve d’une attention particulière les huitième et neuvième semaines après l’arrivée des broutards afin de repérer et de traiter les troubles respiratoires émergents », appuie l’éleveur.
Se former pour connaître les règles de l’aromathérapie
Bien que ce soit une « médecine douce », utilisable en dehors de la prescription vétérinaire, l’aromathérapie nécessite néanmoins « de respecter certaines règles, comme ne jamais dépasser 10 % d’huiles essentielles dans le mélange », insiste Xavier Ferrand, engraisseur saisonnier au Gaec de la Sioule, à Saint-Pourçain-sur-Sioule dans l’Allier, qui utilise l’aromathérapie en prévention des maladies respiratoires. Avant de se lancer, il a donc choisi de se former. « J’ai fait appel, avec un autre éleveur intéressé, au vétérinaire Alexandre Fauriat, dans la Loire. Il nous a proposé une formation d’une demi-journée, pour nous deux, qui fut très riche en échanges », relate l’éleveur. Ce dernier a ensuite suivi des formations en aromathérapie proposées par la chambre d’agriculture. Posologie, doses, effets des différentes essences… en plus des formations, il se réfère à un ouvrage pour ajuster ses mélanges. « Les charlatans sont nombreux sur ce créneau, il faut faire preuve de vigilance. Heureusement, certains vétérinaires sont formés à l’aromathérapie », souligne l’éleveur.
« Un réseau d’éleveurs engagés pour la préparation des broutards »
Raphaël Colas, responsable pour l’Auvergne à l’union de coopératives Feder
Depuis quatre années, nous mettons en place une filière de broutards préparés avec un réseau d’éleveurs naisseurs et engraisseurs. La préparation des broutards est contractualisée, et comprend des engagements des deux côtés sur les protocoles de vaccination, mais aussi sur les périodes de livraison des broutards. En pratique, nous essayons au maximum que les lots entiers d’un naisseur partent chez le même engraisseur. Ainsi, les veaux passent moins de trois heures en centre d’allotement. Les bénéfices à l’engraissement ne peuvent être niés. Cependant, cette démarche reste très difficile à mettre en place. Il faut beaucoup de communication entre l’ensemble des parties. Cette nouvelle manière de travailler pose de nombreux challenges, notamment pour motiver les naisseurs. Ce n’est pas seulement une question de prix, mais aussi de moyens, car la majorité des naisseurs élèvent les broutards sous la mère, au pâturage. Ils ne disposent pas forcément de matériel de contention à proximité des prairies, ni du temps et de la main-d’œuvre nécessaire pour regrouper les veaux, les amener à la contention et les vacciner, pour la première injection et ensuite pour le rappel.
Chiffres clés
- 400 ha de SAU dont 60 ha de SFP
- 480 places dont 260 taurillons et le reste en repousse de broutards
- Engraissement de septembre à mai
- moins de 1 % de mortalité
- 1,8 kg/j de GMQ moyen