« L’immunocastration des porcs valorise les pièces de découpe »
Pour Laurent Guglielmi, éleveur et charcutier, le taux élevé de maigre des porcs mâles immunocastrés permet une meilleure valorisation des carcasses par rapport aux mâles castrés. Il souligne aussi le risque quasi nul de carcasses odorantes.
Pour Laurent Guglielmi, éleveur et charcutier, le taux élevé de maigre des porcs mâles immunocastrés permet une meilleure valorisation des carcasses par rapport aux mâles castrés. Il souligne aussi le risque quasi nul de carcasses odorantes.
Dans quel contexte êtes-vous passé à l’immunocastration ?
Laurent Guglielmi - Avant 2016, nous pratiquions la castration. Nous avons essayé les mâles entiers. Mais sur litière, cela complique les choses, avec notamment un risque de taux de scatol élevé à l’abattoir.
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Il y avait trop de carcasses odorantes. Déjà en 2016, des millions de cochons dans le monde étaient vaccinés, notamment en Amérique du Sud, en Amérique du Nord, en Belgique ou encore en Italie dont les porcs lourds nécessitent trois vaccins. La France n’était pas forcément utilisatrice, mais des éleveurs indépendants vaccinaient déjà. Un autre élément m’a convaincu : c’est une opération réversible. Nous l’avons validé en gardant des cochons qui sont redevenus des pifs après. C’est un vaccin et non une castration chimique. Je craignais, à l’époque, l’image que pouvait avoir la castration chimique auprès des consommateurs ou des clients.
Quels avantages vous ont apporté cette technique ?
L. G. - Notre premier objectif de l’immunocastration était de valoriser les pifs. Nous manquions de cochons et cherchions des solutions pour en récupérer. La vaccination des pifs a été très concluante. C’est aussi une solution pour mieux valoriser des pièces de découpe. Elle allège les coûts, améliore le bien-être animal et humain, c’est un atout important pour le recrutement de salariés. Le coût de la vaccination chez nous s’élève à 5 euros par porc. Techniquement, nous gagnons sur deux critères : l’indice de consommation et le classement TMP. L’écart de TMP entre les mâles castrés et les femelles était de 1,8 point. Aujourd’hui, l’écart entre les mâles vaccinés et les femelles est de 0,2 point seulement. De plus, en passant à l’immunocastration, il y a eu une amélioration du taux de pièces aptes à la transformation. Par exemple, je peux utiliser plus de poitrines brutes issues des mâles immunocastrés que celles de mâles castrés pour faire des poitrines fumées ou cuites car elles sont plus maigres. Dans notre cas, la recherche de gras n’a pas été un motif supplémentaire à l’immunocastration. Nous faisons du cuit, pas du sec. Côté recrutement, les derniers embauchés en maternité sont notamment venus pour des pratiques en lien avec le bien-être animal et la vaccination en fait partie. Nous avons attiré des jeunes grâce à la vaccination, l’absence de coupe de dents, de queues, des conditions d’élevage avec beaucoup de surface, qui font partie des choses qui les intéressent.
Quelles sont vos pratiques de vaccination ?
L. G. - Nous injectons deux doses sur tous les porcs mâles et une troisième sur 15 % d’entre eux. Les vaccinations ne réussissent jamais à 100 % sur un groupe. Cette troisième dose réduit fortement le risque de carcasse odorante. Elle est systématiquement réalisée au moindre doute (comportement anormal, testicules rouges, gonflées ou irriguées). Nous faisons abattre dans des abattoirs qui réalisent une détection des carcasses malodorantes. Sur les trois dernières années, un seul mâle a été détecté avec une odeur sexuelle.
Avez-vous eu des retours de vos clients ?
L. G. - Nos clients bouchers, charcutiers, traiteurs, restaurateurs, épiceries fines et distribution ont quasiment tous plébiscité la vaccination : 95 % y étaient favorables. Ce qui les intéresse avec l’immunocastration, c’est l’absence de risques d’images ou de vidéos de castration de porcelets.
Selon vous, quel avenir l’immunocastration pourrait avoir en France ?
L. G. - Évidemment, je suis pour que la vaccination se généralise. Mais attention, en mettant vraiment les moyens pour la maîtrise des odeurs. Sinon, on peut décrédibiliser la vaccination par les mauvaises pratiques.
Propos recueillis par Nicolas Rouault, nicolas.rouault@ifip.asso.fr
Nos clients bouchers, charcutiers, traiteurs, restaurateurs, épiceries fines, distribution, ont tous plébiscité la vaccination
Curriculum
Laurent Guglielmi est éleveur de porc et dirige les Cochonnailles du Haut-Bois à Bazoche-Gouet (Eure-et-Loir). Avec ses 130 salariés, il élève, découpe et transforme 600 porcs par semaine. Deux cahiers des charges : le « Porc sur paille CHB » et le « Magnus » avec courettes extérieures.