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Valeur, négociation collective et concurrence : un équilibre délicat

Bruno Néouze, avocat au cabinet Racine.
© DR

Le partage de la valeur dans la chaîne agroalimentaire est à l’ordre du jour, que ce soit dans le cadre des états généraux de l’alimentation réunis par le gouvernement ou dans celui de la consultation pour une chaîne d’approvisionnement équitable lancée par le commissaire Phil Hogan (voir LMH n° 373 p. 14). Celui-ci, reprenant les travaux du groupe de travail sur les marchés agricoles, prône le renforcement du rôle des groupements de producteurs et se réfère aux mécanismes de partage de valeurs prévus dans le secteur du sucre, visant, selon une note de la DG Agri, à « mieux relier les prix à la production aux prix en aval et pouvant couvrir à la fois les bénéfices et les pertes potentiels ». De quoi s’agit-il ?

Dans le cadre des règles spécifiques au secteur du sucre, l’annexe XI au règlement OCM 1308/2013 relative aux conditions d’achat des betteraves jusqu’à la fin de la période des quotas (campagne 2016-2017) prévoyait en son point XI que les accords interprofessionnels, lorsqu’ils existaient, comportaient notamment « des règles concernant la répartition entre l’entreprise sucrière et les vendeurs de betteraves de la différence éventuelle entre le seuil de référence et le prix effectif de vente du sucre ». Il s’agissait bien d’un dispositif de partage de l’évolution de la valeur du produit transformé sous égide interprofessionnelle.

Clauses de répartition de la valeur

Pour la période postérieure à la disparition des quotas, et donc des seuils de référence, l’annexe X du règlement ne prévoyait, en cas d’accord interprofessionnel incluant un modèle type de contrat, que des « règles relatives à l’adaptation des prix en cas de contrats pluriannuels », ce qui constitue un mécanisme d’indexation des prix, et non de partage de l’évolution de la valeur ajoutée.

Sous la pression des organisations professionnelles de producteurs et usant de l’habilitation qui lui est donnée par l’article 125 de l’OCM d’adopter des actes délégués pour mettre à jour les conditions d’achat des betteraves pour la période post-quotas, la Commission européenne a édicté un règlement délégué no 2016/116 du 17 mai 2016 modifiant l’annexe X du règlement OCM en ajoutant à son point XI un paragraphe 5 aux termes duquel : « une entreprise sucrière et les vendeurs de betteraves concernés peuvent convenir de clauses de répartition de la valeur, portant notamment sur les gains et les pertes enregistrés sur le marché, afin de déterminer comment doit être répartie entre eux toute évolution des prix pertinents du marché du sucre ou d’autres marchés de matières premières ».

Niveau de négociation

Le règlement est fondé sur des considérations qui peuvent être transposées à d’autres filières : grand nombre de producteurs pour un nombre limité d’acheteurs en aval, nécessité de planifier la production longtemps avant sa livraison, transmission des « signaux de prix du marché » aux producteurs.

L’existence ou l’insertion de telles clauses dans les contrats individuels de fourniture ne pose, à vrai dire, pas de difficulté majeure. Ce sont les modalités de leur négociation qui doivent faire l’objet de réflexion et d’un encadrement par les textes si l’on veut les généraliser. Le vrai problème est en effet celui des règles de concurrence et donc de l’instauration d’un niveau collectif de négociation. Ce niveau pourrait être entre des producteurs réunis livrant à un même acheteur ou établissement de l’acheteur, sans transfert de propriété, ou plus collectif, notamment dans un cadre interprofessionnel au sens des articles L.632-1 et suivants du Code rural et de la pêche maritime. C’est ainsi que pourraient être collectivement négociées les conditions dans lesquelles les évolutions des marchés seraient prises en compte dans la rémunération finale versée au producteur.

Est-ce l’essentiel ? En suivant le modèle du sucre, seule l’évolution du marché après fixation du prix de base est prise en compte. Un vrai partage de valeur tel qu’envisagé par les producteurs devrait porter également sur les éléments du prix de base lui-même : la réflexion n’est pas terminée !

LE CABINET RACINE

Racine est un cabinet d’avocats indépendant spécialisé en droit des affaires. Avec un effectif total de deux cents personnes en France (Paris, Bordeaux, Lyon, Marseille, Nantes, Strasbourg et Saint-Denis de La Réunion), il réunit près de soixante-dix avocats et juristes à Paris. Il dispose également d’un bureau à Bruxelles et à Beyrouth. Bruno Néouze, associé, y traite avec son équipe les questions relatives à l’agriculture et aux filières agroalimentaires. Il conseille et assiste de nombreuses entreprises agroalimentaires et organisations professionnelles et interprofessionnelles agricoles.

Racine - 40, rue de Courcelles - 75008 Paris - www.racine.eu

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