Réforme sur les nouveaux aliments : un avenir pour les insectes ?
Attendue depuis longtemps, la proposition de la Commission européenne du 18 décembre 2013, d'un règlement relatif aux nouveaux aliments(1), marque une étape importante en faveur d'une alimentation innovante en Europe. Seize ans après le premier texte régissant la matière(2) et trois ans après l'échec retentissant de la proposition de réforme du fait d'un désaccord profond entre le Parlement européen et le Conseil sur la question du clonage, les insectes constitueront-ils cette fois la nouvelle pierre angulaire des débats ? Cette proposition refond le texte de 1997, en se donnant comme objectif d'améliorer l'accès au marché de l'UE pour les aliments innovants, tout en permettant, bien évidemment (credo de la Commission ) de maintenir un niveau élevé de protection du consommateur.
Autorisation et sécuritéLa procédure d'autorisation pour les nouveaux aliments est actuellement très longue, pouvant aller de 2 à 10 ans. La majorité des produits soumis à une demande d'autorisation est évaluée nationalement, puis au niveau européen. Une évaluation unique européenne, qui prévoirait des délais précis pour chaque étape de la procédure, serait évidemment, plus performante. Aussi, les principaux changements apportés par ce projet, concernent-ils cette procédure d'autorisation. L'objectif étant de la rendre plus simple, plus claire, et plus efficace, il convient de la centraliser à l'échelon européen, afin de permettre aux nouveaux aliments innovants d'être placés sur le marché européen plus rapidement.
Parallèlement, l'objectif de ce dispositif reste d'assurer la sécurité du consommateur au regard de la toxicité potentielle du produit, et des éventuels déséquilibres nutritionnels induits par l'introduction d'un nouvel aliment dans le régime alimentaire global. Mais surtout, ce projet doit permettre de protéger l'innovation. Il est ainsi prévu qu'une entreprise qui soumet une demande pour un nouvel aliment pourra obtenir l'autorisation exclusive de produire l'aliment en question pendant cinq ans.
Un statut pour l'insecteD'ici à vingt ans, la population mondiale atteindra vraisemblablement 9 milliards de personnes, et la production de nourriture devra alors doubler. Dès 2008, l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (Fao), initiait des travaux pour promouvoir la consommation d'insectes, perçue comme pouvant contribuer à la sécurité alimentaire future.
Des études sont menées sur les caractéristiques nutritives et physicochimiques des farines d'insectes et leur impact sur la croissance des animaux, ainsi que sur l'analyse sensorielle et l'appétence de ces farines pour les animaux, car les insectes peuvent être également une source d'alimentation indirecte pour les humains. Mais toutes ces perspectives se heurtent à des contraintes règlementaires, aucun statut de l'insecte, en tant qu'aliment, n'existant à ce jour.
Field Fisher Waterhouse (www.ffw.com) est un cabinet d'avocats européens qui offre des services dans de nombreux domaines du droit, et en particulier en droit de la concurrence, propriété intellectuelle et droit réglementaire européen.
Katia Merten-Lentz est associée dans le département concurrence et droit réglementaire européen : elle est en charge de toutes les questions agroalimentaires, européennes et nationales, toutes filières confondues. Elle intervient tant en conseil qu'en contentieux auprès des industries de l'agroalimentaire.
Certains États membres profitent du flou juridique pour « tolérer » le commerce d'insectes, sans prévoir de sanctions, ni d'interdiction de produire, dans leur législation nationale. La Belgique, quant à elle, en publiant une liste positive de 10 insectes(3) autorisés, devient le premier pays de l'UE à autoriser expressément la mise sur le marché d'insectes comme aliments, ainsi que de denrées alimentaires à base d'insectes.
C'est dire l'incertitude juridique qui domine pour les entreprises alimentaires qui se développent dans ce secteur. L'adoption du nouveau règlement proposé par la Commission, devrait donc permettre de lever les doutes subsistant sur le statut des insectes entiers et préparations à base d'insectes, en apportant une réponse uniforme. En effet, il est proposé de considérer tous les types et formes d'insectes comme des nouveaux aliments, à condition que leur consommation dans l'UE soit restée négligeable avant le 15 mai 1997.
Bonne nouvelle pour un secteur en pleine expansion, qui devra toutefois être patient, l'entrée en vigueur de ce règlement n'étant envisagée que pour 2016, au plus tôt.
(1) COM (2013) 894 final.
(2) Règlement (CE) no 258/97.
(3)www.afsca.be