Réduction des gaz à effet de serre : pourquoi l’agriculture obtient une mauvaise note
Dans son rapport annuel 2021 remis le 30 juin au Premier ministre, le Haut conseil pour le climat estime que les réductions de gaz à effet de serre dans le secteur agricole sont trop faibles par rapport aux enjeux à venir.
Dans son rapport annuel 2021 remis le 30 juin au Premier ministre, le Haut conseil pour le climat estime que les réductions de gaz à effet de serre dans le secteur agricole sont trop faibles par rapport aux enjeux à venir.
Efforts insuffisants, progrès à faire : c’est en gros l’appréciation donnée au secteur agricole par le Haut conseil pour le climat (HCC) dans son rapport annuel 2021 « renforcer l’atténuation, engager l’adaptation » qui fait le point sur le rythme de baisse des émissions de gaz à effet de serre par rapport à la trajectoire prévue par la stratégie nationale bas-carbone (SNBC).
« Dans le secteur agricole, les réductions d’émissions sont faibles par rapport aux autres secteurs émetteurs : 9% depuis 1990 […]. Le rythme de réduction reste insuffisant à l’aune des objectifs de la SNBC », peut-on lire dans le rapport qui détaille les raisons de cette appréciation. Certes le secteur de l’agriculture respecte globalement les budgets carbone sectoriels assignés par la SNBC, reconnaît-il mais juge l’ambition de décarbonation portée par le secteur « insuffisant au vu des enjeux à venir ».
Les émissions du secteur baissent mais moins vite que les autres
Si les émissions du secteur agricole ont reculé de 9,8% depuis 1990, leur poids dans l’ensemble des émissions totales de la France a crû de 2 points de pourcentage, « reflétant ainsi sa difficile décarbonation ».
La baisse concerne surtout le méthane, du fait de la baisse du cheptel
A la différence des autres secteurs, les émissions de l’agriculture sont principalement composées de méthane (45%) et de protoxyde d’azote (42%), le CO2 y étant minoritaire (13%). Les émissions du secteur de l’agriculture ont amorcé leur décrue à partir des années 2000 en France et se poursuivent en 2019 avec respectivement – 1 Mt équivalent CO2 et -1,2 Mt éqCO2. En 2019, cette diminution est principalement portée par les réductions des émissions de méthane (-1,6%) du fait de la poursuite de la réduction de la taille du cheptel de 2,3% entre 2018 et 2019, « dans un contexte d’intensification des rendements laitiers et de baisse de la consommation nationale de viande de boucherie (-2,1% entre 2018 et 2019) », note le rapport du Haut conseil pour le climat.
Lire aussi : Bas carbone : décryptage du plan de Julien Denormandie pour l’agriculture
Des puits de carbone mis en difficulté
L’agriculture joue un rôle dans la captation du carbone et le Haut conseil pour le climat s’inquiète que « pour l’année 2019, les puits nets de carbone observés dans le secteur Utilisation des terres, changement d’affectation des terres et foresterie (UTCATF) sont significativement plus faibles que ceux qui avaient été retenus par le scénario de référence de la SNBC2 ». La diminution de la capacité de stockage de la forêt en est la première cause (avec une hausse de la récolte de bois depuis 2015) mais les prairies ont aussi vu leur potentiel de stockage baisser. Les prairies en herbe, haies, prairies arbustives et bosquets ont vu leur capacité nette de stockage passer de 13 Mt éqCO2 en 1990 à 7,5 Mt éqCO2 en 2019 « suite à des conversions importantes en terres cultivées », regrette le HCC.
La menace de l’artificialisation des sols
L’artificialisation des sols est une source croissance d’émission du secteur UTCATF s’inquiète le HCC pointant 11,7 Mt éqCO2 ainsi libérées en 2019 contre 9,9 Mt éqCO2 en 1990. « La poursuite des tendances actuelles en matière d’artificialisation à l’horizon 2050 pourrait conduire à un déstockage cumulé équivalent à 75% des émissions annuelles de 2015 », peut-on lire dans le rapport.
Trop de déforestation importée
Le Haut conseil pour le climat pointe du doigt les importations massives de soja à destination de l’alimentation animale (plus de 3 millions de tonnes par an, 1 tonne de soja importé en France correspondant à 0,52 éq CO2 selon l’association Canopee) et d’huile de palme pour le diesel.
Lire aussi : Réduction des gaz à effet de serre : l’Etat doit accélérer d’ici mars 2022
Les lacunes du plan de relance
Evaluant les politiques publiques touchant le secteur agricole, le Haut Conseil pour le climat regrette que les mesures dédiées au secteur agricole et favorables ne représentent au plus que 1,5% du plan de relance. Et de déplorer notamment que le plan protéines végétales concerne également l’offre alimentaire, ce qui pourrait limiter l’effet de substitution avec des protéines végétales importées liées à la déforestation ou encore que le plan contribue à la sensibilisation aux labels HVE et bio alors que « les cahiers des charges de ces labels ne comprennent pas d’engagements en faveur de mesures réduisant les émissions de gaz à effet de serre ou stockant du carbone », écrit le rapport.