Organisme génétiquement modifié : ouverture ou capitulation ?
La directive (UE) 2015/412 du Parlement et du Conseil européens du 11 mars 2015 modifiant la directive 2001/18/CE, en ce qui concerne la possibilité pour les États membres de restreindre ou d'interdire la culture d'organismes génétiquement modifiés (OGM) sur leur territoire, a été publiée au JOUE du 13 mars 2015. Cette directive vise à donner aux États membres plus de latitude dans la mise en œuvre des cultures d'OGM au sein de l'Union européenne (UE).
Il faut rappeler que l'arrière plan réglementaire qui découle de la directive 2001/18/CE et du règlement 1829/2003 du Parlement et du Conseil européens établissent, pour l'ensemble de l'UE, un cadre juridique complet permettant à la Commission européenne (CE) de délivrer au cas par cas des autorisations de mise sur le marché ou de mise en culture de semences transgéniques après évaluation des risques pour la santé publique et l'environnement réalisée par l'Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa).
La décision de la Commission européenne est ensuite soumise au vote des États membres qui peuvent la valider à la majorité qualifiée. Faute de majorité, la CE aurait le pouvoir d'autoriser seule une mise en culture. Mais depuis environ quinze ans, une majorité d'États membres a fait connaître son opposition aux mises en culture d'OGM, à travers le recours, souvent intempestif et à contretemps aux clauses de sauvegarde de la directive de 2001 et du règlement de 2003.
Il en est donc résulté un blocage dont il était important de sortir, d'où l'idée de permettre aux États membres, au stade de l'autorisation ou de son renouvellement, de demander à ce que le champ géographique de la mise en culture occulte leur territoire ou une partie de celui-ci.
Deux cas de figure
Mais deux cas de figure doivent être envisagés, d'après la directive. Tout d'abord, le cas dans lequel un État membre demandera, par voie de requête, à la Commission euro-péenne la modification de la portée géographique de l'autorisation écrite, de manière que tout ou partie du territoire de cet État soit exclue de la culture. Le texte de la directive du 11 mars 2015 précise que cette requête est soumise par la CE au notifiant demandeur, qui sera donc l'industriel commercialisant l'OGM. Il dispose d'un délai pour modifier ou confirmer la portée géographique de sa notification ou de sa demande initiale. S'il accepte, il en est pris acte dans l'autorisation écrite de mise en culture, ce qui peut aboutir à la mise en culture sur une partie plus ou moins grande du territoire communautaire d'un OGM.
Si l'industriel refuse de modifier le champ géographique de sa demande d'autorisation, nous entrons dans le second cas. La directive prévoit que l'État membre peut adopter des mesures restreignant ou interdisant sur tout ou partie de son territoire la culture d'un OGM ou d'un groupe d'OGM, à condition que ces mesures soient conformes au droit de l'UE, qu'elles soient motivées, proportionnées et non discriminatoires, et qu'en outre, elles soient fondées sur des motifs sérieux, dont sept cas sont listés, dont l'ordre public.
Refus fondé sur l'ordre public
Nous voyons ici que la directive va très loin, puisque les États membres peuvent ne pas passer par la phase 1 de transmission d'une requête pour empêcher chez eux la mise en culture d'un OGM en se fondant sur l'un des motifs évoqués. La possibilité pour un État membre de fonder ce refus sur l'ordre public signifie clairement que chaque État membre pourra s'opposer à la mise en culture d'un OGM. Un tel motif, purement politique, évitera le recours intempestif aux clauses de sauvegarde de la directive de 2001 ou du règlement de 2003.
En termes d'harmonisation communautaire, on a le sentiment d'une construction européenne à la carte. En termes de développement de marché, la possibilité d'adopter des autorisations, même sur un territoire restreint, vaut mieux que l'impossibilité d'autoriser alors que le rapport d'évaluation était favorable.
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Maître Didier Le Goff a développé une compétence générale en droit économique avec une prédilection pour l'agroalimentaire, et s'est aussi spécialisé en droit des marques qu'il enseigne en master II Droit de l'agroalimentaire de l'université de Nantes.