Obtentions végétales : des avancées en France
La loi du 8 décembre 2011 sur les obtentions végétales, s'inspire et s'appuie même très largement sur le règlement communautaire CE no 2100/94, instituant un régime de protection communautaire des obtentions végétales. Elle a d'abord précisé quelles sont les prérogatives de l'obtenteur pour proposer ensuite une dérogation concernant la semence de ferme. Il est prévu que les agriculteurs ont le droit d'utiliser sur leur propre exploitation, sans l'autorisation de l'obtenteur, à des fins de reproduction ou de multiplication, le produit de la récolte qu'ils ont obtenu par la mise en culture d'une variété protégée. C'est le « privilège de l'agriculteur ». À ce stade, le texte (C.P.I., art. L623-24-1), ne fait que poser le principe d'une dérogation au monopole de l'obtenteur. Il ne dit pas que le droit de reproduction ainsi consacré, doit être gratuit.
S'appuyant à nouveau sur les critères mis en œuvre par le règlement CE no 2100/94, la loi opère une distinction entre les « petits » agriculteurs au sens du règlement, et les autres. Seuls les « petits » agriculteurs sont dispensés de payer une indemnité à l'obtenteur de sorte que pour eux, l'utilisation de la semence de ferme est totalement gratuite.
Notion de petits agriculteursC'est donc au règlement communautaire qu'il faut se référer pour appréhender la notion de « petits » agriculteurs. Définie comme suit : « Dans le cas des espèces végétales visées au § 2 (plantes fourragères, céréales, pommes de terre, plantes oléagineuses et à fibres) […], les agriculteurs qui ne cultivent pas d'espèces végétales sur une surface supérieure à celle qui serait nécessaire pour produire 92 tonnes de céréales ; dans le cas d'autres espèces végétales […] les agriculteurs qui répondent à des critères appropriés comparables ; les autres agriculteurs sont tenus de payer au titulaire une rémunération équitable qui doit être sensiblement inférieure au montant perçu pour la production sous licence de matériel de multiplication de la même variété dans la même région… »
Sur cette base, la loi française de 2011 a prévu : soit la contractualisation entre l'obtenteur et un agriculteur ou entre un ou plusieurs obtenteurs et un groupe d'agriculteurs concerné ; soit la contractualisation par un accord interprofessionnel ; soit, à défaut, la possibilité de prendre un décret déterminant les conditions de fixation du montant de l'indemnité dû à l'obtenteur.
En juin puis en août 2014, sont apparus les deux premiers décrets d'application de cette loi de 2011. Le premier, consacré à l'instance nationale des obtentions végétales, ne retiendra pas notre attention, et le second, en application de l'article L623-24-1 du Code de la propriété intellectuelle, est relatif à la semence de ferme. Mais ce décret n'est qu'un début et non un aboutissement.
LPLG Avocats regroupe une dizaine d'avocats et juristes privilégiant la proximité avec leurs clients et la connaissance de leur métier. Outre son activité plaidante, il fournit des conseils juridiques favorisant la prévention par rapport au contentieux et intervient surtout en droit économique (concurrence, distribution, consommation, propriété intellectuelle, contrats…). Maître Didier Le Goff a développé une compétence générale en droit économique avec une prédilection pour l'agroalimentaire, et s'est aussi spécialisé en droit des marques qu'il enseigne en master II Droit de l'agroalimentaire de l'université de Nantes.
Comme le permet le règlement communautaire, ce décret élargit à un certain nombre d'autres espèces végétales organisées en cinq familles de plantes (fourragères, oléagineuses, à usage de culture intermédiaire piège à nitrate, protéagineuses, potagères) le bénéfice de la dérogation. Mais il précise également que, sauf pour ce qui concerne les « petits » agriculteurs… son entrée en vigueur est subordonnée à la conclusion des contrats ou accords mentionnés à l'article L623-24-3 ou à défaut à l'entrée en vigueur d'un décret d'application déterminant les modalités de fixation du montant de l'indemnité prévue à l'article L624-2. Or, trois ans après l'entrée en vigueur de la loi, le pouvoir réglementaire n'a toujours pas pris de décret pour permettre aux « gros » agriculteurs, qui ne seraient pas liés par un contrat ou accord interprofessionnel avec un obtenteur, de profiter des prérogatives que leur donne la loi.
C'est regrettable et dommageable économiquement. Chacun sait que le secteur agricole est soumis à une concurrence sévère, de telle manière qu'il serait légitime et économiquement justifié de leur donner les outils, notamment juridiques, qui leur permettent d'affronter la compétition commerciale.