Mar et Terra exporte du pirarucu d'aquaculture

> Dans son environnement naturel, le pirarucu (Arapaima gigas) peut mesurer 3 mètres et peser 200 kilogrammes.
Les dirigeants de la société Mar e Terra confirment qu'ils exportent du pirarucu en Europe et aux États-Unis, mais souhaitent rester discrets sur leur activité. Le gérant export, Ricardo Vasconcelos, consent à dire qu'ils ont obtenu de la part des autorités fédérales et de celles de l'État du Rondônia, voisin de la Bolivie, une autorisation exceptionnelle pour exporter du pirarucu élevé en captivité et à condition de mettre en place un système de traçabilité au moyen de puces électroniques placées sur chacun des poissons. « Nos clients-fournisseurs sont de petits éleveurs qui vivent sur l'exploitation avec leur famille », précise-t-il spontanément.
Mar e Terra est une joint-venture formée par le Brésilien Axial et l'Américain Reagal Springs, présenté comme le géant du tilapia aux États-Unis. Depuis son siège à São Paulo, Mar e Terra mène ce projet, sans doute le plus avancé du Brésil, en fournissant des alevins à quarante-cinq éleveurs indépendants de Rondônia, et en les leur rachetant l'année suivante à un poids qui va de 10 à 20 kilogrammes. Plus les poissons sont petits, plus leur prix monte, de 7 à 14 euros le kilogramme, selon nos sources. Les restaurateurs préfèrent les petits gabarits à la différence des grossistes.
« Un marché de niche »Le copropriétaire de Mar e Terra a dû bien ficeler le dossier administratif pour importer sa mar-chandise exotique sur le marché américain. Néanmoins, les difficultés techniques d'élever du pirarucu en milieu artificiel représentent un réel défi pour augmenter la production. « La filière doit d'abord s'organiser depuis l'étape de la reproduction jusqu'à l'abattage et la distribution, raconte l'homme d'affaires Martiño Colpani, la condition de base pour être présent sur un marché, localement et à plus forte raison à l'étranger, est de garantir une livraison constante et de qualité homogène. »
Il sait de quoi il parle : ses alevins de pirarucu sont morts cet hiver, lui qui a été le premier à en élever dans l'État de São Paulo. Pour lui, le pirarucu ne représente pas un concurrent potentiel au saumon du Chili, par exemple. « C'est un marché de niche. La chair de pirarucu a un goût très particulier, elle est épaisse, se mange crue ou en steak grillé », dit-il.
L'Institut de géographie et de statistiques du Brésil estime à 392 500 tonnes la production de poissons en captivité en 2013, dont 41 % de tilapia. Les exportations de poissons du Brésil restent faibles à 234 millions de dollars, en 2015, à côté de celles de poulets (8,08 milliards de dollars) et de bœufs (7,2 milliards de dollars), selon le ministère de l'Agriculture du Brésil.
Outre cette filière de pirarucu créée dans l'État du Rondônia, Mar e Terra a lancé en ce début d'année un autre projet, évalué à 51 millions de dollars, qui consiste à élever du tilapia dans les eaux du fleuve Paraná, dans l'État du Mato Grosso.
Dès l'époque coloniale, la région amazonienne a fourni au marché européen des quantités industrielles de ce que les négociants appelaient alors la « morue du Brésil », le pirarucu. Cette espèce de poisson d'eau douce à écailles, le plus grand carnivore de l'Amazone dans sa catégorie, a été déclarée en voie d'extinction en 1996. Dès lors, sa pêche a été interdite hors de zones circonscrites. Son élevage en bassin est cependant auto-risé. Il s'est développé au sud de la région amazonienne, au Mato Grosso et à Rondônia, richissimes en ressources aquifères et dont la récente mise en culture des sols a fait la fortune d'agroentrepreneurs désireux d'intensifier et de diversifier leurs activités. Ils rêvent de vendre du poisson aux Chinois comme ils leur vendent aujourd'hui du soja. Le pirarucu se présente à eux comme une alternative alléchante au tilapia.