L’Inra à la reconquête des consommateurs
Le 27 janvier dernier, Marion Guillou, directrice générale de l’Inra, a présenté en avant-première les thèmes qui seront développés par l’Institut lors du Salon International de l’Agriculture.
La qualité des aliments, puisque c’est de cela qu’il s’agit, n’est pas étrangère au domaine de compétence de l’Inra. Nouvelles méthodes de lutte biologique chez les fruits et légumes, amélioration des qualités nutritionnelles et organoleptiques sont quelques-unes des recherches menées par les groupes de travail de l’Institut. Avec des consommateurs en quête de produits fiables et de qualité, l’Inra a opéré un retournement de sa vision traditionnelle, en raisonnant dorénavant de la fourchette à la fourche et non plus l’inverse. « En étant présents au SIA 2004, nous souhaitons montrer que pour l’Inra, la qualité représente plusieurs décennies de travail. Nous avons par exemple accompagné les producteurs de Beaufort depuis les années 60, créé la guariguette, et aujourd’hui nous aidons les producteurs corses de Brocciu à obtenir l’AOC », a justifié Mme Guillou. Une volonté de qualité qui s’inscrit dans les valeurs actuelles, et contraste avec les anciennes lignes directrices de l’Institut, axées sur le rendement, qui laissent aujourd’hui leur place au goût et à la résistance aux insectes et virus.
Le rendement laisse la place au goût
Une évolution qui, symboliquement, croise le chemin du Marselan. Mis au point par l’Inra en 1961, ce cépage issu d’un croisement entre Cabernet Sauvignon et Grenache devait donner naissance à une nouvelle variété plus productive. Mais un résultat contraire aux attentes l’a éloigné du catalogue des espèces et variétés cultivées (les baies ne pesaient que 1,3 g). C’est dans les années 90 qu’il sort de l’oubli. « Face à l’appauvrissement des cépages (une vingtaine seulement élabore 80 % des vins), nous avons décidé de porter un coup de projecteur sur le Marselan », a expliqué l’ingénieur de recherche Jean-Louis Escudier. Très concentré en tanins et en polyphénols, ce cépage donne un vin souple. Issu d’une politique d’innovation variétale engagée dans les années 60, le Marselan trouve aujourd’hui des débouchés, puisque « beaucoup de caves commencent à l’adopter», selon M. Escudier. L’ingénieur a regretté dans le même temps la diminution du nombre de cépages, due selon lui aux distributeurs qui « mettent en avant un nom pour être vendus à l’étranger».
Un problème que ne rencontrent pas les fruits, qui sont eux confrontés à d’autres soucis, comme le goût ou un état de maturation pas assez avancé lors de la mise en vente. Roger Habib, directeur de recherche de l’unité plantes et systèmes de culture horticoles, a noté les avancées effectuées dans ce domaine. « Si vous choisissez un melon aujourd’hui, il n’y a quasiment plus de mauvaises surprises ». Un progrès dû à des micro prélèvements, invisibles à l’œil, qui permettent grâce à quelques melons d’évaluer statistiquement tout un lot sur son taux de sucre et sa maturité. « Les mauvais melons que vous achetiez il y a dix ans étaient ceux dont on ne pouvait pas mesurer la teneur en sucre. Mais avec les innovations faites depuis, la situation a évolué».
Autre avancée, qui devenait « urgente » pour l’Inra, la mise en place d’outils permettant d’évaluer l’impact environnemental sur la qualité des récoltes. Dans le courant de l’année, les producteurs de fruits et légumes pourront bénéficier de deux indicateurs (phyto et azote) disponibles sur le site du CTIFL (Centre Technique Interprofessionnel des Fruits et Légumes). Mais malgré l’adhésion de plus en plus massive des producteurs aux « bonnes pratiques agricoles » (entre 1997 et 2000, la production de pommes sous un tel référentiel est passée de quelques pour cent à 50 %), le problème de la rémunération se pose. Car la qualité devient une condition d’accès au marché, sans nécessairement s’accompagner de retour financier pour les exploitations.