Leclerc et Alter Eco veulent optimiser le commerce équitable
Il y a quatre ans, Tristan Lecomte, président fondateur d’Alter Eco, interpellait Michel-Edouard Leclerc lors d’une conférence sur son manque d’engagement dans le commerce équitable. « Je nourrissais alors des doutes sur les finalités du commerce équitable. Je me disais un jour, on va se rendre compte qu’à travers le commerce équitable on alimente les Farc. La démarche d’Alter Eco a fini par me rassurer. Et de manière un peu puérile j’ai dit : “l'objectif de Leclerc est de devenir en France leader sur le marché” ». Michel-Edouard Leclerc aime à raconter cette petite histoire pour rappeler ses premiers pas hésitants dans le commerce équitable. Alors que toutes les enseignes de la grande distribution, via notamment leurs MDD, s’y sont mises depuis, le médiatique distributeur se met aujourd’hui en avant avec le lancement du laboratoire du commerce équitable en association avec Alter Eco (leader du commerce équitable en France avec 19,2 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2007).
En 2007, les ventes de produits issus du commerce équitable dans les magasins Leclerc représentaient 20 millions d’euros de chiffre d’affaires (soit 18,8 % en valeur de ce marché en France). Au total plus de 400 produits sont désormais proposés aux magasins de l’enseigne. « C’est encore quelque chose d’embryonnaire », souligne le distributeur. Mais aux vues du développement de ce commerce dans les pays nordiques, les possibilités de développement restent considérables en France, selon lui.
Influencer Max Havelaar
« On doit optimiser la démarche du commerce équitable en réconciliant la démarche économique et l’idéologie politique », estime-t-il. Pour faire avancer le concept, il a décidé de financer en partie la mise en place d’un laboratoire du commerce équitable (à raison de 100 000 euros par an), géré par la société Pur Projet, créée par Tristan Lecomte. Le laboratoire n’a pas pour objet de pointer du doigt, ni de juger ou sanctionner certaines pratiques, affirment les deux initiateurs. Néanmoins, « il ouvre la possibilité d’une analyse comparée du commerce équitable », reconnaît Michel-Edouard Leclerc. « On espère que la grille d’audit va influencer le cahier des charges de Max Havelaar », avoue pour sa part le fondateur d’Alter Eco, pointant notamment du doigt la sous-évaluation du prix dans la filière riz équitable ou encore les doutes concernant le développement socioéconomique dans les plantations à la différence des coopératives.
Le laboratoire s’est fixé comme objectif d’auditionner 25 filières en moyenne tous les deux ans, avec des outils expérimentés par Alter Eco, et de réaliser chaque année une étude transversale. Quatre audits complets ont déjà été effectués : deux en Thaïlande (filières E. Leclerc et Alter Eco sur le riz), un en Palestine (huile d’olive) et un au Pérou (cacao). En 2009, « le laboratoire donnera les résultats d’une enquête portant sur les conséquences de la flambée des matières premières », annonce Tirstan Lecomte. « Les premières analyses montrent déjà que les petits producteurs n’ont pas profité de la hausse des prix », ajoute-t-il.