Lait bio : l’image ne fait pas tout
Depuis quelque temps, les producteurs de lait bio font grise mine. Incapables de répondre à la demande des consommateurs à la fin des années 90, ils ont fortement accru leur production, qui a triplé entre 1998 et 2001, pour atteindre 204 M l en 2002. Une croissance trop rapide pour la filière, qui d’un seul coup s’est retrouvée en manque de débouchés.
L’équilibre a été d’autant plus rapidement atteint puis dépassé, que le lait bio est un véritable produit de niche, représentant 1% seulement du lait collecté en France. « Il y a eu une période d’euphorie» reconnaît Anne Richard, chargé de mission Bio au CNIEL (Centre National Interprofessionnel de l’Economie Laitière), « et nous allons mettre plusieurs années à nous redresser».
La situation que rencontre actuellement le lait bio (collecté dans des fermes où les animaux sont élevés selon les règles strictes de l’agriculture bio) est à mettre en parallèle avec l’évolution actuelle de la filière, en pleine période de transition. Les derniers chiffres de l’Agence Bio traduisent bien ce ralentissement: le nombre d’exploitations en agriculture biologique est timidement passé de 11 288 fin 2002 à 11 377 fin 2003, quand dans le même temps les unités de transformation ont enregistré une diminution de 7% du nombre de préparateurs certifiés en 2003.
Pour le lait, le nombre de producteurs (1624 pour 2003) et la collecte se stabilisent. Des chiffres moins flatteurs que ceux observés ces dernières années, auxquels s’opposent pourtant une bonne perception des produits bio par les consommateurs.
30% de la collecte déclassée
Mais la plupart du temps, ce sentiment se heurte à une image de produit cher. « C’est vrai et faux» souligne Anne Richard. « Le prix d’un litre de lait standard est de 0,74 Eur, et il faut compter 30% de plus pour le bio, ce qui se rapproche plutôt des laits de marque». Mais d’autres obstacles contrarient la consommation de lait et produits laitiers bio. « Les consommateurs sont intéressés mais ils ne connaissent pas toute l’offre, car il y a de petits référencements sur ces produits. Ils ne les trouvent pas facilement, et s’en désintéressent. C’est un cercle vicieux» constate Mme Richard. Il existe toutefois des raisons d’espérer, puisque les ventes de lait bio ont progressé de +5,7% l’année dernière, dans un marché classique en baisse. Et l’enjeu financier est conséquent : le secteur des produits laitiers bio représenterait à lui tout seul 200 M Eur. Le seul problème vient de l’ajustement de la collecte sur le territoire, marquée par la surproduction. Ainsi, en 2003, 30% du lait bio a été déclassé et vendu au prix du lait normal, entraînant la grogne des producteurs. Pour redresser cette situation et augmenter la demande, unique moyen de résorber les surplus, la filière lait bio désire agir en coopération. « En 2005, nous voulons mener une action concertée avec les filières bio viande et fruits et légumes» explique Anne Richard. « L’idée est de faire un tronc commun multifilières, puis de compléter plus spécifiquement sur chaque aspect du bio.»