Contractualisation : de nouvelles règles en perspective
Le projet de loi relatif à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, dit Sapin 2, a été adopté en première lecture le 14 juin 2016. À l'origine, seule l'interdiction de la cession des contrats laitiers faisait l'objet du projet gouvernemental : il s'agit, selon le ministre, d'éviter que de petits producteurs, produisant à perte, ne capitalisent sur ces contrats en les traitant comme des droits à produire qu'ils céderaient à de grosses structures, au détriment de l'installation des plus jeunes (reste que les titulaires du contrat se trouvent ainsi contraints de continuer à perdre sous peine de devoir payer des pénalités de résiliation anticipée…). Mais la commission des lois s'est emparée de ce projet pour introduire à l'article L.631-24 du Code rural et de la pêche maritime de nouvelles règles destinées, selon elle, à permettre plus de transparence dans le partage de la valeur et à renforcer le pouvoir de négociation des organisations de producteurs.
Indicateurs et indices publics
Une première disposition tendrait à exiger que les critères et modalités de détermination du prix – qui doivent figurer dans les contrats ou offres de contrats rendus obligatoires – fassent référence : à un ou plusieurs indicateurs publics de coûts de production en agriculture, reflétant la diversité des bassins et des modes de production au regard de la triple performance économique, sociale et environnementale des exploitations, ces indicateurs pouvant être définis par les organisations interprofessionnelles reconnues ; à un ou plusieurs indices publics des prix des produits agricoles ou alimentaires, notamment ceux publiés par l'Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires ; à un ou plusieurs indices publics du prix de vente des principaux produits fabriqués par l'acheteur (ce qui semble exclure les produits frais).
Le projet ne prévoit aucune indexation mais une simple référence, à seule fin de donner à la négociation plus de transparence. En cas d'intervention d'un contrat-cadre avec une organisation de producteurs (OP) ou une association d'organisations de producteurs (AOP), une communication mensuelle à celle-ci de l'évolution de l'indice des prix de vente de l'acheteur serait obligatoire.
Pouvoir de négociation des OP et des AOP
Un deuxième ensemble tend en effet à renforcer le pouvoir de négociation des organisations de producteurs ou de leurs associations. Deviendrait ainsi légalement obligatoire, préalablement à tout contrat avec les producteurs, lorsqu'une organisation de producteurs ou une association d'OP est autorisée à négocier pour le compte de ses membres, la négociation avec celle-ci d'un contratcadre. Ce contrat-cadre devrait porter sur l'ensemble des clauses obligatoires, mais préciserait en outre les volumes et qualités à li-vrer par l'ensemble des membres de l'OP ou AOP et leur répartition entre eux, les modalités de cession de ces contrats, en tout ou partie, entre les membres de l'OP ou AOP, et les modalités éventuelles de gestion des écarts de livraison : une certaine globalisation du contrat serait ainsi introduite, permettant plus de souplesse dans son exécution. Les règles relatives aux relations entre l'organisation de producteurs et l'acheteur devraient elles-mêmes faire l'objet d'un document écrit, précisant notamment les modalités de transmission des éléments de facturation lorsque l'acheteur aura reçu mandat de facturer pour le compte des producteurs.
Notons enfin que le législateur souhaite demander au gouverne-ment de lui remettre, dans le délai d'un an, un rapport traitant notamment de l'opportunité de favoriser fiscalement et réglementairement, en matière agroalimentaire, la mise en place de contrats tripartites et pluriannuels entre agriculteurs, transformateurs et distributeurs.
On peut néanmoins se demander si la première mesure d'incitation ne serait pas de – déjà – refondre l'article L.631-24 du Code rural et de la pêche maritime dont la seule lecture devient de plus en plus complexe !
Racine est un cabinet d'avocats indépendant spécialisé en droit des affaires. Avec un effectif total de deux cents personnes en France (Paris, Bordeaux, Lyon, Marseille, Nantes, Strasbourg et Saint-Denis de La Réunion), il réunit près de soixante-dix avocats et juristes à Paris. Il dispose également d'un bureau à Bruxelles et à Beyrouth.
Bruno Néouze, associé, y traite avec son équipe les questions relatives à l'agriculture et aux filières agroalimentaires. Il conseille et assiste de nombreuses entreprises agroalimentaires et organisations professionnelles et interprofessionnelles agricoles.
Racine - 40, rue de Courcelles - 75 008 Paris - www.racine.eu