Stratégie
Comment numériser la filière porcine
Bien que difficile, la numérisation de la filière porcine apporte de nombreux avantages : un meilleur rendement de la production et une réponse aux consommateurs grâce à une meilleure traçabilité des produits. Témoignages.
« Nous devons nous adapter aux consommateurs qui nous poussent à l’innovation », a affirmé Sandrine Cayeux, directrice d’unité stratégique à Kantar Worldpanel, lors de la journée d’échanges sur les possibilités numériques dans la filière porcine le 4 décembre. Son message est clair : la filière porcine doit se digitaliser. Les pistes ne manquent pas : des outils existent pour améliorer l’efficacité des procédés et répondre à la demande des consommateurs en matière de traçabilité.
« Nous travaillons sur l’installation de la blockchain sur des références de jambon et de steak haché. Mais puisqu’une tranche ne provient pas du même animal, il va falloir franchir le cap d’en informer le consommateur, tout en affinant bien notre communication. Les informations fournies par la blockchain confirmeront que ce que nous disons est vrai », a témoigné Séverine Fontaine, directrice qualité de Carrefour.
Mais cette remontée d’informations connaît quelques freins, à commencer par une mise en place difficile. « Il faut choisir les données qui intéressent le consommateur, établir des normes et des méthodes de calcul communes pour tout le monde. L’empreinte carbone est elle-même difficile à définir », souligne Mathieu Pecqueur, directeur de Culture Viande. Second frein : le consommateur n’est pas prêt à payer plus cher pour autant.
Un logiciel de production intelligent
Afin d’améliorer le rendement des transformateurs de viande de porc et de faciliter la collecte de données, l’équipementier Marel a développé un logiciel, Innova, exclusivement destiné aux transformateurs de viandes, volailles et produits de la mer. Il peut piloter des machines, contrôler toute une ligne de production et gérer les stocks. « C’est un tableau de bord personnalisé », précise Lydia Lecouey, manager de l’innovation à Marel France. Le logiciel compare les poids en entrée et sortie de chaque pièce et évalue si le calibrage est adapté ou non. « On peut ainsi évaluer les performances des lignes de découpe et ajuster les calibrages si le rendement ne nous satisfait pas », ajoute Lydia Lecouey.
Selon elle, Innova est un puissant outil pour la traçabilité, enregistrant les données de chaque produit depuis l’élevage jusqu’au consommateur.
Un scanner 3D pour définir la qualité
L’Institut de recherche en viande danois (DMRI) a pour sa part mis au point un scanner en ligne basé sur des rayons X qui recrée les pièces de viande de porc en trois dimensions, permettant d’en connaître la qualité en matière de composition. « On peut connaître le taux de graisse de la carcasse sans avoir à la détruire. Cet outil est aussi précis qu’un scanner d’hôpital », précise Lars Leopold Hinrichsen, directeur du DMRI.
C’est aussi puissant qu’un scanner d’hôpital
Le scanner propose ensuite des choix de découpe pour valoriser chaque pièce au mieux et prédire le futur étiquetage nutritionnel. « Ces innovations améliorent non seulement la productivité, mais aussi la qualité de vie au travail des salariés de la filière », remarque Mathieu Pecqueur. Le président de la FNP et d’Uniporc, Paul Auffray, a toutefois conclu la journée en rappelant que « le digital n’est pas une fin en soi. Il ne faut pas oublier que ce qu’il doit y avoir dans l’assiette du consommateur doit être bon ».
La filière avicole prise en exemple
Face à la demande croissante des consommateurs pour que les fabricants fournissent leurs données, la filière souhaite déployer la traçabilité sur la viande de porc. Pour cela, les acteurs veulent s’inspirer de « la filière laboratoire » avicole, « qui est en avance sur le sujet », selon Paul Auffray, président de FNP et Uniporc. « Pour notre filière avicole, nous avons déployé une plateforme collaborative de traçabilité », a témoigné Guillaume Ardillon, directeur digital du groupe Terrena. Elle comprend entre autres des fiches éleveurs qu’ils ont remplies eux-mêmes et des zooms sur tous les lieux de production. « Nous ne voulons plus subir la traçabilité, mais en faire un élément vertueux créateur de plus-value sur les produits », ajoute Guillaume Ardillon.