capêche explique son plan pêche durable 2025 »
> Sylvain Pruvost, président de la Scapêche, filiale d'Agromousquetaires.
Les Marchés Hebdo : Vous venez d'annoncer le désengagement progressif de la Scapêche du chalutage en eaux profondes d'ici à 2025. Quelles ont été vos motivations ?
Sylvain Pruvost : Nous avons travaillé de nombreux mois à l'élaboration de ce plan « pêche durable 2025 » en partant de la demande. Le consommateur cherche un poisson de qualité à un prix compétitif toute l'année, mais il est aussi de plus en plus sensible à une consommation responsable. Le débat ouvert par des ONG contre le chalutage en eaux profondes (au-delà de 800 m), qui a représenté jusqu'à 41 % de nos captures en 2005, a bien évidemment fait partie de notre réflexion. Nous avons depuis diversifié nos moyens de production pour abaisser le pourcentage de captures d'espèces de grands fonds à 16 % de notre production. Nous avons également décidé de limiter notre pêche à 800 m maximum, depuis le 1er janvier 2015. En tant que producteur-commerçant, nous devons être pêcheurs responsables.
LMH : Quels moyens allez-vous mettre en œuvre pour parvenir à votre objectif de sortie totale de la pêche en eaux profondes ?
S. P. : Agromousquetaires va engager 50 M€ dans son plan « pêche durable 2025 » dans le but de remplacer ou moderniser les deux tiers de la flotte de la Scapêche (23 navires). Il ne s'agira pas de produire plus (entre 16 000 t et 18 000 t par an pour la Scapêche qui emploie 250 salariés et réalise 40 à 45 M€ de chiffre d'affaires, ndlr), mais d'augmenter la production de certaines espèces pour compenser les captures en eaux profondes qui représentent actuellement autour de 3 000 t de sabre, lingue bleue, grenadiers. Nous allons accélérer le développement de la flotte des Mousquetaires dans la pêche côtière et artisanale pour diversifier les activités de la Scapêche. Au besoin, en obtenant de nouveaux droits de pêche sur des espèces comme le merlu, le lieu noir, l'églefin, le cabillaud, la lotte, selon les disponibilités dans les organisations de producteurs (qui gèrent les quotas de pêche au nom de l'État, ndlr).
LMH : Vous avez entrepris récemment un mouvement de diversification. Il s'agit d'un prélude à votre plan stratégique ?
S. P. : Tout à fait. Depuis 2008, la filière mer des Mousquetaires a fait l'acquisition de quatre bolincheurs dont le dernier en mars. Ce sont des unités d'une quinzaine de mètres spécialisées dans la pêche à la sardine, un produit ultrafrais pêché la nuit et commercialisé dès le lendemain. Nous avons développé des activités de pêche au crabe avec des caseyeurs, ou encore des palangriers travaillant à la ligne. Nous venons de lancer la construction de trois bateaux de pêche artisanale en partenariat avec des patrons de la région de Boulogne-sur-Mer, dans le cadre d'un armement spécialement constitué, Scopale. Enfin, nous sommes montés récemment au capital de l'Armement Bigouden (armement du Guilvinec qui exploite onze unités de pêche au large de 22 à 24 m, ndlr). Aucun investissement n'est programmé dans nos unités de transformation Capitaine Houat de Lorient et Boulogne-sur-Mer, sauf de l'outillage adapté à l'augmentation du travail sur certaines espèces. Ce plan doit nous apporter la visibilité nécessaire à la réalisation de nos investissements.
L'annonce du plan « pêche durable 2025 » d'Agromousquetaires inquiète Olivier Le Nézet, président du comité régional des pêches de Bretagne. Il craint que les pêcheurs ne fassent les frais de la politique d'un armement lié à la grande distribution qui a décidé de pêcher plus près des côtes. Le mareyage aussi en subira les conséquences, « leurs deux usines Capitaine Houat ne travaillant qu'à 30 % de leurs capacités », dit-il. Il appelle l'État à donner des compétences nouvelles aux comités des pêches et aux organisations de producteurs pour que la profession puisse préempter certains bateaux lors de transactions.