Calissons d’Aix : franchir la muraille de Chine
Mondialisation aidant, il est de plus en plus fréquent que l’acquisition de la protection de la propriété intellectuelle soit jalonnée d’avatars. Dernier exemple en date, le cas des calissons d’Aix avec les « Kalisong », déposés en mandarin.
À titre d’exemple, nous avions déjà évoqué dans ces colonnes la mésaventure de la maison Castel qui avait bien pensé à solliciter l’extension internationale de sa marque en Chine, sans que cette précaution ne fasse obstacle au dépôt de la même marque en sinogrammes par un tiers, dans ce pays. C’est d’un cas similaire que la presse s’est fait l’écho à la mi-novembre 2016, au détriment, cette fois-ci, des fabricants de calissons d’Aix, célèbre produit de confiserie provençale de forme oblongue. Un opérateur chinois a, en effet, pris le parti de déposer auprès de l’Office des marques en Chine les marques « Calissons d’Aix » et « Kalisong », sa transposition en mandarin. Passé la période de stupeur, les fabricants – qui sont regroupés au sein de l’Union des fabricants de calissons d’Aix (UFCA) pour demander une IGP Calissons d’Aix qu’ils espèrent voir aboutir en 2018 –, ont décidé de faire opposition à ces demandes d’enregistrement, car, pour eux, « calissons d’Aix n’est pas une marque, mais une appellation », ce qui, en soi, est rigoureusement exact.
C’est d’ailleurs vraisemblablement ce qui explique que la quasi-totalité des marques portant sur ce produit enregistrées à l’Inpi soient des marques semi-figuratives ou figuratives, incluant un graphisme, une étiquette ou un emballage, ou une combinaison de tout ou partie de ces éléments.
Procédure d’opposition
Si marque et appellation d’origine ont en commun de renvoyer à une origine, la marque renvoie à une origine industrielle ou commerciale, c’est-à-dire à une ou plusieurs entreprises, lorsque l’appellation d’origine ou l’IGP renvoie à une origine géographique et rattache la typicité d’un produit à son terroir de production. Mais de là à voir aboutir une opposition sur ce fondement, rien n’est moins sûr, et l’UFCA semble en avoir conscience.
Si la plupart des systèmes de droit contemporains admettent les oppositions en matière d’enregistrement de marques, c’est à la condition de pouvoir se prévaloir dans le territoire de l’opposition, d’un droit antérieur qui peut très bien être une IGP. Plusieurs IGP européennes sont d’ailleurs efficaces en Chine, qui est membre de l’OMC depuis 2001. Mais l’IGP Calissons d’Aix, qui n’est pas encore enregistrée, ne peut pas être regardée comme une telle antériorité, et c’est bien pourquoi la piste de l’opposition est étroite.
Il est donc vraisemblable que les marques chinoises seront enregistrées dans ce pays, avec le risque d’une extension internationale qui en résulte, avant qu’une voie ne s’ouvre à l’UFCA par l’intermédiaire des Accords ADPIC qui fixent les règles de base minimales que doivent proposer les droits des États membre de l’OMC en matière de propriété intellectuelle.
Procédure d’annulation après l’IGP
Ainsi, pour ce qui concerne les indications géographiques, les droits des États membres doivent empêcher la confusion sur l’origine géographique d’un produit, comme tout acte de concurrence déloyale qui est susceptible d’induire en erreur le public. Plus encore, le droit des États membres doit permettre de refuser ou d’invalider, « soit d’office si sa législation le permet, soit à la demande d’une partie intéressée, l’enregistrement d’une marque de fabrique ou de commerce qui contient une indication géographique ou est constituée par une telle indication, pour des produits qui ne sont pas originaires du territoire indiqué, si l’utilisation de cette indication dans la marque de fabrique ou de commerce pour de tels produits dans ce membre est de nature à induire le public en erreur quant au véritable lieu d’origine ». Autrement dit, si la procédure d’opposition n’aboutit pas au stade de l’enregistrement des marques chinoises, une procédure d’annulation de ces mêmes marques devrait s’ouvrir une fois l’IGP enregistrée, a fortiori si les marques chinoises devaient faire obstacle aux échanges.
Mais quelle longue marche pour l’UFCA !
MAÎTRE DIDIER LE GOFF
Fort d’une expérience de plus de vingt-cinq années dont vingt ans au sein du cabinet LPLG Avocats, dont il fut associé, Maître Didier Le Goff a créé en 2016 une structure dédiée à l’entreprise et à l’écoute de ses besoins, pour lui proposer des services adaptés, en conseil ou contentieux. Titulaire d’une mention de spécialisation en droit de la propriété intellectuelle, Maître Didier Le Goff a développé une compétence générale en droit économique qu’il enseigne en master II Droit du marché de l’université de Nantes, avec une prédilection pour l’agroalimentaire tant en droit national qu’européen ou international. Contact : dlegoff.avocat@gmail.com