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Les troupeaux ovins, premiers pompiers de la forêt méditerranéenne

En pâturant les coupe-feu, les brebis facilitent le travail des pompiers. Mais les troupeaux doivent aussi avoir accès à l’eau, à des bergeries et à des ressources alimentaires de qualité.

Après les gros incendies des années 1980, il a fallu trouver des solutions pour réduire les risques de départ de feux dans les forêts méditerranéennes. La prévention et les moyens d’interventions mis en place ont globalement permis de réduire les surfaces brûlées. Cependant, l’inquiétude demeure car le volume de combustible a augmenté et les risques de sécheresse et de fortes chaleurs augmentent avec le réchauffement climatique.

L’élevage pastoral apporte des solutions en réduisant les combustibles. Les politiques publiques ont favorisé et accompagnées le développement d’élevages extensifs qui ont permis de rendre les surfaces de landes ou de bois moins vulnérables au risque d’incendies. Ce redéploiement pastoral a été accompagné par une volonté de mettre à disposition des éleveurs les larges coupures de combustibles taillées dans la forêt pour stopper la propagation du feu en cas d’incendie. Ces pratiques ont été encouragées dans le cadre de mesures agro-environnementales.

L’efficacité du sylvopastoralisme pour réduire les risques d’incendie a été rappelée lors du webinaire Méga-feux, les troupeaux à la rescousse de la forêt organisé en ligne le 22 avril par le Cerpam - Centre d’études et de réalisations pastorales Alpes-Méditérannée - et l’association Forêt méditerranéennes. Les troupeaux ovins sont utilisés pour pâturer les zones de coupures. « Ces zones sont délimitées pour que les feux soient stoppés et ne se propagent pas à toute la forêt, expliquent les membres du Cerpam. Avant l’été, le pâturage des ovins, caprins ou bovins réduit la végétation et augmente donc l’efficacité des coupe-feu. Le passage des animaux permet aussi d’espacer l’entretien mécanique. Au lieu de broyer mécaniquement la végétation tous les trois ans, on ne passe que tous les cinq ou six ans ou même davantage ». « Pour faciliter l’accès et la présence de troupeau, les zones à forts enjeux comme les coupe-feu ou les pistes menant aux citernes de stockage d’eau sont complétées par des zones de renfort pastoral », témoigne Jonathan Baudel du PNR des Alpilles. Au total, pour la région Paca, cela représente 32 500 ha de zone prioritaires contractualisées auprès de 300 éleveurs.

Les zones de renfort pastoral sont souvent moins sèches et permettent aux animaux de diversifier leur alimentation et d’avoir accès à des ressources plus appétantes et de meilleure qualité. « Pour un hectare de zone de coupures à pâturer, il faut compter entre trois et cinq hectares de zone de renfort, explique Sabine Debit, ingénieure pastoraliste au Cerpam. Cette zone de renfort permet à l’éleveur de maintenir ces objectifs de production et aux brebis de ne pas perdre en état. Vis-à-vis de la gestion du risque incendie, cela permet aussi d’augmenter une zone sur laquelle il y aura moins de végétation pour limiter la propagation des feux. »

De l’eau pour les troupeaux et contre les incendies

La problématique de l’eau pour abreuver les troupeaux présents dans les forêts méditerranéennes est importante. Les citernes ne sont pas toutes disponibles et accessibles pour les éleveurs. Des conflits d’usages ont déjà eu lieu dans certains départements alors que, dans d’autres, les éleveurs sont autorisés à prélever de l’eau pour la consommation des animaux. Les communes ou les pompiers s’entendent alors pour bien remplir les citernes avant les périodes de risques d’incendies.

Pour encourager la présence de bergers dans ces territoires particuliers, la question du bâti et du foncier est importante. La plupart des anciennes bergeries ont été abandonnées ou transformées en résidence secondaire. De plus, la création d’un bâtiment sur ces zones à forts risques incendie est souvent contrainte par un plan de prévention des risques incendies alors que, paradoxalement, les moutons sont présents pour limiter ce risque.

Une cohabitation sereine à retrouver en forêt

La forêt méditerranéenne se trouve être l’arrière-pays d’un littoral très urbanisé. L’implantation d’une troupe de moutons pour prévenir des incendies est souvent bien vue par les habitants mais il arrive que ces derniers se plaignent des désagréments (odeurs, bruits, mouche, présence des chiens) sans en voir les avantages. La cohabitation doit se faire avec les autres utilisateurs de la forêt. Ca peut être compliqué avec les quads ou les motos qui viennent rouler en forêt ou avec les chasseurs qui peuvent être réticents à l'arrivée d'un troupeau. La présence d’animaux ou les clôtures des parcs ne facilitent pas les chasses. Pourtant, une cohabitation sereine est possible et les éleveurs peuvent se réapproprier la forêt.

Sabine Debit, ingénieure pastoraliste au Cerpam des Bouches-du-Rhône

« Il ne faut pas négliger les besoins d’un troupeau »

« J’insiste souvent auprès des collectivités et des forestiers sur le fait qu’il ne faut pas négliger les besoins d’un troupeau. Le mouton n’est pas une simple tondeuse. L’éleveur doit pouvoir valoriser sa viande suite au pâturage d’espace boisé ou de coupures. Bien que menés en systèmes extensifs, la ration journalière pour un bon développement des brebis est plus complexe que le fait de mettre à disposition de l’herbe pour que les animaux se servent. Il faut gérer la ressource et l’organiser pour permettre à l’animal de disposer d’un repas équilibré riche en énergie, en fibre et en azote. Il faut aussi prévoir les différents temps qui vont rythmer la journée de l’animal : temps d’alimentation, temps de rumination et temps de repos ainsi que les zones adéquates pour que le berger puisse les y conduire facilement. »

Michel Pélestor, éleveur investi au sein de l’Association des communes pastorales

« Des conventions pour travailler ensemble intelligemment »

« Je suis éleveur de 1 500 brebis à Puimoisson, dans les Alpes-de-Haute-Provence. Nous avons bien conscience des enjeux de la bonne gestion des zones boisées pour diminuer leur enherbement et réduire le risque d’incendies. En tant qu’éleveurs, nous sommes les premiers impactés par le feu, nous travaillons sur le même territoire que les collectivités et les forestiers et nous voulons, nous aussi, faire rayonner nos territoires. Au sein de l’association des communes pastorales, nous souhaitons maintenir, améliorer et promouvoir les activités pastorales. Il nous semble important de préserver et valoriser le bâti et les traditions des communes marquées par le pastoralisme. L’idée d’une charte pour associer collectivités, forestiers et éleveurs pour prévenir durablement les incendies permettrait à chacun de s’engager. »

Dico

DFCI

Les mesures pour lutter contre les feux de forêt sont regroupées au sein de la DFCI : Défense de la Forêt contre les Incendies. Ces mesures regroupent l’équipement, l’aménagement et l’entretien de l’espace forestier.

Pas de race plus adaptée qu’une autre

Toutes les races peuvent pâturer les ressources alimentaires présentes en sous-bois ou sur les zones de DFCI. Bien sûr, il est plus judicieux de valoriser des races locales et rustiques tel que la Mérinos ou la brebis Mourerous. Néanmoins, c’est une habitude à faire prendre aux moutons dès leur plus jeune âge que de valoriser ces pâtures où la végétation à consommer est diversifiée.

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