Les livreurs de lait de chèvre bio du Grand Ouest imaginent des pistes pour sortir de la crise
L’état des lieux préoccupant des laiteries et livreurs de lait de chèvre bio du Grand-Ouest incite les acteurs à se retrousser les manches. Ils appellent à une meilleure organisation collective et un accompagnement public.
L’état des lieux préoccupant des laiteries et livreurs de lait de chèvre bio du Grand-Ouest incite les acteurs à se retrousser les manches. Ils appellent à une meilleure organisation collective et un accompagnement public.



Les acteurs de la bio du Grand Ouest (Nouvelle-Aquitaine et Pays de la Loire) se sont retrouvés le 29 janvier dernier au lycée agricole de Melle (Deux-Sèvres) pour imaginer des pistes de sortie de crise de la filière lait de chèvre. Car le contexte est difficile pour les producteurs de lait de chèvre bio. « Nous connaissons depuis trois ans une crise de la filière bio due à la baisse de la consommation, constate Stéphanie Kaminski, éleveuse de chèvres en Dordogne et référente bio du Rexcap. Après plusieurs années de croissance, nous avons subi une crise de surproduction par manque d’organisation et de références laitières. »
Son collègue Gérard Giesen de l’Agrobio Périgord observe aussi des prix du lait bio qui stagnent, des pertes de revenus chez les éleveurs comme chez les laiteries et des déconversions. « Les conversions ont coûté cher et c’est vraiment dommage de voir repartir des éleveurs capables de produire du bio et qu’on ne collecte pas, faute de débouchés », regrette-t-il.
Un ratio bio/conventionnel à la baisse
Le constat est partagé par les collecteurs, confrontés à une réorganisation forcée des zones de collecte, augmentant les coûts logistiques. Ainsi, au niveau national, « 46 % du lait bio collecté a été stocké ou déclassé en 2022, explique Nicole Bossis de l’Institut de l’élevage. C’est la moitié du lait en 2023 ! » De 172 points de collecte en mars 2023, la filière caprine bio n’est plus qu’à 141 en novembre 2024.
Le ratio de prix entre bio et conventionnel était de 1,17 en 2023 et vraisemblablement moindre en 2024. « Avec ce faible niveau d’écart, il y a aura encore des déconversions, prédit Pascal Bigot de Lait chèvres bio de l’Ouest. D’autant plus que les changements climatiques compliquent et renchérissent la production bio. »
Efficacité technique
Mais, difficile d’augmenter les prix comme le témoigne Ruben Rommens de la laiterie de La Lémance : « Nous sommes sur un marché compliqué et nous ne pouvons pas passer des hausses alors que nous avons déjà des prix élevés. Le risque serait de perdre des volumes de vente alors que le bio est déjà boudé depuis trois ans. » La laiterie qui s’est engagée à prendre la totalité des volumes subit par ailleurs les stocks qu’elle s’est créés et a dû vendre « pas mal de lait en déclassé pour assainir nos stocks ».
Pour faire face à ces difficultés, les éleveurs peuvent bénéficier d’accompagnements techniques avec une large prise en charge des coûts dans les zones de captage d’eau (zone à enjeu eau). Car l’efficacité technique reste un enjeu : « Le lait par chèvre est plus faible en bio, avec des structures plus petites, donc plus fragiles, observe Nicole Bossis. Or il faut une productivité du travail d’au moins 110 000 litres par UMO car, en dessous, on n’arrivera pas à dégager un revenu. » L’optimisation de l’alimentation des chèvres et la recherche d’une plus grande autonomie fourragère sont aussi identifiées comme des leviers.
Deux interpros à imbriquer
Mais les producteurs bios appellent surtout à une organisation collective renforcée. « Nous avons la chance d’avoir deux interprofessions, l’Anicap et Interbio, qui ne s’opposent pas mais se complètent », apprécie Stéphanie Kaminski. « Une organisation collective qui nous rassemble tous nous permettrait d’avoir du dialogue constructif et une vision pour produire le lait que les laiteries peuvent vendre et réciproquement. » L’aide des pouvoirs publics serait aussi la bienvenue pour aider à faire face à cette crise.