Interview réseaux sociaux
Jérôme Raingeard, jeune éleveur de volailles bio : « Instagram fait partie de mon métier »
Eleveur de volaille bio en Loire-Atlantique, Jérôme Raingeard aime photographier et filmer son métier au quotidien. Pour partager. Pour expliquer. C’est sur Instagram qu’il a décidé d’être présent. Pour jerome.agriculteur.bio.logique, c’est une activité utile et qui fait aujourd’hui partie intégrante de sa vie professionnelle.
Eleveur de volaille bio en Loire-Atlantique, Jérôme Raingeard aime photographier et filmer son métier au quotidien. Pour partager. Pour expliquer. C’est sur Instagram qu’il a décidé d’être présent. Pour jerome.agriculteur.bio.logique, c’est une activité utile et qui fait aujourd’hui partie intégrante de sa vie professionnelle.
A 27 ans, il est à la tête de son exploitation agricole depuis déjà 6 ans. Jérôme Raingeard s’est installé en 2017 à Saint-Lumine-de-Coutais en Loire-Atlantique. Ses parents sont agriculteurs à moins de 3 km mais la ferme familiale n’était pas suffisamment grande pour lui assurer un revenu supplémentaire. Alors il a décidé de « sauter le pas ». En 2017, à 21 ans et un BTS ACSE (Analyse, conduite et stratégie de l’entreprise agricole) en poche, il a racheté 11 ha de terre et 2 bâtiments, construit 2 autres bâtiments, et démarré son activité d’éleveur de volailles en agriculture biologique. Poulets, dindes, pintades, canards : la production varie au gré de la demande. Jérôme fait partie d’un groupement d’aviculteurs connu des consommateurs au travers de la marque Le Picoreur.
Depuis 2 ans, le jeune éleveur a planté 8 ha de parcours en agroforesterie. Un arbre tous les 6 m et des lignes parallèles espacées de 15 m mélangeant une vingtaine d’essences de feuillus vont permettre d’optimiser l’exploration du terrain par ses volailles de plein air. Il expérimente également l’agriculture de conservation des sols. « J’essaie cette transition », explique-t-il, mais sur une faible surface. Les sols de ses 10 ha cultivés sont hydromorphes et il ne peut implanter que des cultures de printemps : tournesol, maïs, sarrasin. En 2022, il a aussi tenté la pomme de terre mais n’a rien récolté. L’agriculteur ne s’est pas avoué vaincu et a renouvelé l’expérience cette année.
« Il faut comprendre ses erreurs », estime-t-il et « ne pas rester sur un échec ». Les pommes de terre sont destinées à la vente directe à la ferme. Les autres cultures sont livrées à la coopérative. Avec quelques années de recul, l’agriculteur se dit « content » d’avoir pu saisir l’opportunité de s’installer même si, à l’époque, « il a fallu se battre », se souvient-il. Il n’avait pas d’apport financier et estime que l’opération serait encore plus difficile aujourd’hui. Le métier d’agriculteur est fait de « hauts et de bas », témoigne celui qui a connu les durs épisodes de la grippe aviaire. Malgré cela, il reste passionné et veut partager la réalité de son quotidien avec un large public. Et quoi de mieux pour y parvenir que les réseaux sociaux ? Agriculteur et Instagrameur, c’est assez rare mais ça existe. La preuve. Entretien avec jerome.agriculteur.bio.logique
Pourquoi êtes-vous sur les réseaux sociaux ?
Jérôme Raingeard – « Quand je me suis installé, j’allais faire des opérations de promotion de mes produits dans les magasins bio. J’aimais aller au contact des consommateurs. Je me suis rendu compte que les gens ne savaient pas comment étaient élevées les volailles. Mais en une journée, je ne discutais qu’avec une quarantaine de personnes. Je me suis dit qu’il était plus intéressant de partager des photos et des vidéos sur les réseaux sociaux. J’ai commencé à publier sur Instagram et ça a eu plus d’impact sur les consommateurs. Fin 2019, il y a eu le Covid et il n’était plus question d’aller dans les points de vente. »
Etes-vous sur d’autres réseaux ou uniquement sur Instagram ?
J. R. – « Je suis essentiellement sur Instagram. J’aimerais bien être sur d’autres plateformes mais je n’ai pas le temps. Il faut travailler son contenu si on veut partager quelque chose de qualité. »
Instagram fait-il partie intégrante de votre métier ?
J. R. – « Totalement. Mais ce n’est pas qu’une démarche personnelle. Je parle de mon métier, rarement du groupement, mais ça sert l’ensemble de la profession. J’aime vraiment partager, expliquer comment sont élevées mes volailles, parler du bien-être animal. Il faut une communication positive sur l’agriculture en général. »
« Il faut travailler son contenu si on veut partager quelque chose de qualité ».
Combien avez-vous d’abonnés ? Qui sont-ils ? Et quelle est votre meilleure audience ?
J. R. – « Un peu plus de 3800. Ce sont en majorité des 16-30 ans, en bonne partie du milieu agricole mais pas que. J’essaie d’expliquer mon métier à tout le monde. Ensuite, j’envoie des compléments d’infos par message quand j’ai des demandes. Je réponds à tous les messages. J’ai réalisé ma meilleure audience avec une vidéo portant sur la grippe aviaire, sur les aides de l’Etat promises qui n’arrivaient pas. Elle a dû faire 100 000 vues et je l’ai partagé aussi sur TikTok. J’ai eu beaucoup de soutien et des retours positifs. »
Est-ce la vidéo dont vous êtes le plus fier ?
J. R. – « Non pas forcément. J’aime toutes les vidéos que je fais et il faut faire de la qualité à chaque fois. Celles que je préfère sont peut-être quand même celles prises au drone. »
Est-ce qu’il vous est déjà arrivé de regretter un post ?
J. R. – « Non. Tout ce que je publie est en accord avec ma façon de travailler. »
Avez-vous reçu quelquefois des messages malveillants ?
J. R. – « C’est ce que je craignais mais en fait, je n’en ai jamais eu. J’ai même des échanges avec des gens qui ne mangent pas de viande. Le fait d’être transparent, de montrer la réalité, évite ce genre de messages. J’ai quelquefois des avis de gens qui ne sont pas d’accord avec moi. Mais ça arrive rarement, je dirais pas plus d’une fois par an ces trois dernières années. Et les discussions ne sont jamais animées. »
« J’ai même des échanges avec des gens qui ne mangent pas de viande ».
Y a-t-il des contenus qui vous énervent sur les réseaux sociaux ?
J. R. – « Non. Mais je ne fais pas partie de ceux qui consomment beaucoup. Je regarde très peu les autres et je préfère simplement partager mon quotidien. »
Avez-vous suivi un modèle sur Instagram ?
J. R. – « Modèle, non. Il y a quand même un compte que je suis depuis le début. C’est celui de Sandra LPR, une éleveuse laitière qui partage vraiment bien, sans jamais faire de pub. Elle a 20 ou 30 000 abonnés. »
Quel a été votre déclic pour vous lancer et pensez-vous continuer longtemps ?
J. R. – « C’est vraiment mes expériences de communication en magasin. Je me suis dit qu’il fallait trouver le moyen d’y passer moins de temps et de toucher plus de monde. Pour la suite, c’est difficile de se projeter. Tant que j’arrive à trouver le temps, je continue, et j’aimerais faire aussi des vidéos plus complètes. Mais je ne veux pas non plus y passer tout mon temps. »
A quelle cadence postez-vous du contenu ?
J. R. – « C’est variable, en fonction du travail que j’ai. Idéalement, j’aimerais en faire 1 à 2 par semaine. Je peux rester 3 semaines sans publier. Je me contente d’une story par jour. »
« Etre transparent, montrer la réalité, pour éviter les messages malveillants ».
Combien de temps passez-vous pour animer votre compte Instagram ?
J. R. – « En moyenne, une heure quotidiennement. Le montage vidéo, c’est ce qui demande le plus de temps. Même si ça dure 30 secondes, je vais passer une heure et pour les prises de vue au drone, j’y passe encore plus de temps. »
Quels conseils donneriez-vous à un agriculteur qui veut se lancer sur les réseaux sociaux ?
J. R. – « Il faut partager ce qu’on aime et prendre du plaisir à faire des photos et des vidéos. Il ne faut pas vouloir juste être présent. »
Instagram est-il aussi un moyen de découvrir de nouvelles personnes ?
J. R. – « Oui, j’ai rencontré pas mal de personnes grâce à Instagram. Il y a une quinzaine de personnes avec qui je n’aurais pas échangé en dehors des réseaux. J’ai rencontré notamment un apiculteur qui est basé à 700 km de ma ferme. On partage les mêmes valeurs et la même façon de travailler en agriculture bio. Il m’a donné beaucoup d’informations et aujourd’hui, je suis en réflexion pour acheter des ruches. J’ai aussi dans les gens qui me suivent des éleveurs de Suisse, de Belgique, du Québec… Nous n’avons pas les mêmes problématiques, on ne travaille pas de la même façon mais c’est enrichissant. »