Jean-Marc Jancovici : « Il n'y a donc qu’à remettre du monde dans l'agriculture »
L’expert en énergie Jean-Marc Jancovici livre ses réflexions autour de la baisse des effectifs dans l’agriculture dans la perspective d’une réduction des énergies fossiles.
L’expert en énergie Jean-Marc Jancovici livre ses réflexions autour de la baisse des effectifs dans l’agriculture dans la perspective d’une réduction des énergies fossiles.
« Ils constituaient les 2/3 de la population active en 1800, encore 40% en 1900, et n'en représentent désormais plus que 2,5%. "Ils" (et elles, mais en minorité dans l'ensemble), ce sont les actifs occupant un emploi dans l'agriculture, que ce soit comme responsable d'exploitation ou comme salarié(e) », ainsi débute un post sur Linkedin de Jean-Marc Jancovici, expert en énergie, associé fondateur de Carbone 4 et président du Shift Project en réaction à un article des Echos titré « les agriculteurs de moins en moins nombreux, de plus en plus âgés ».
Pour l’heure, pas de problème puisque « la nourriture est suffisamment abondante, en France, pour chaque habitant du pays en gaspille plus de 100 kg par an en moyenne », poursuit-il.
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L’abondance alimentaire en France est largement due à l’énergie fossile, selon Jean-Marc Jancovici
« Mais cette abondance […] nous la devons largement à l'énergie fossile », rappelle Jean-Marc Jancovici. « Dans notre pays, ce n'est plus la force musculaire du paysan, ni même celle des animaux de trait, qui sème les céréales, laboure la terre, récolte les cultures, et les transporte. Tout cela est désormais assuré par des engins faits d'acier, dont les plus puissants équivalent à de milliers de chevaux de trait », poursuit-il.
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« Depuis l'après-guerre (1945), il faut y rajouter la synthèse de l'ammoniac (effectuée par des machines), les phosphates et potasses miniers (extraits et transportés par des machines), et les pesticides (fabriqués par des machines ; c'est de la chimie organique), qui ont aussi contribué à une multiplication par 5 des rendements à l'hectare », écrit-il.
Selon l’expert en énergie, si « les êtres humains – et parfois les superficies locales – sont presque devenus quantité négligeable », « pour des raisons de climat ou de déplétion pétrolière et gazière, tous des auxiliaires mécaniques du 20e siècle pourraient bien devenir beaucoup moins nombreux au 21e ».
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Nous pourrions nous trouver fort dépourvus au 21e siècle avec des auxiliaires mécaniques moins nombreux
« A ce moment, nous pourrions nous trouver fort dépourvus, comme dans la fable de La Fontaine, si les campagnes sont toujours désertes, avec des agriculteurs moins productifs, et des consommateurs restés éloignés (géographiquement) des lieux de production de la nourriture (rappelons qu'une ville ne produit quasiment rien, et que sans camions elle meurt de faim) » écrit Jean-Marc Jancovici.
Seule solution face à cette perspective : « « il n’y a donc qu’à » remettre du monde dans l’agriculture, pour se préparer à ce moment-là », analyse l’expert en énergie.
Comment passer, en une génération, d'un système adapté à une production de commodités échangées sur des marchés mondiaux à des productions bien plus diversifiées localement
Et de s’interroger sur la « difficulté de la planification dans ce secteur » : « comment passer, en une génération (d'ici 2050), d'un système adapté à une production de commodités échangées sur des marchés mondiaux et incapables de fournir des produits « finis » localement, à des productions bien plus diversifiées localement, qui voyagent moins, et qui viendront de parcelles moins productives pour certaines cultures ? ».
Il soulève aussi un autre défi : « comment faire accepter au consommateur final la hausse des prix en sortie d'exploitation qui ira fatalement avec une hausse de l'emploi dans le secteur ? »
« Autant de questions essentielles qui font aussi partie de "la transition" ! », souligne Jean-Marc Jancovici au moment où le gouvernement vient de présenter son pacte d’orientation pour le renouvellement des générations en agriculture.