« Je fais régulièrement des petites escapades »
François-Xavier Demaison, le néo-rural acteur de Normandie nue aux côtés de François Cluzet, sera dans les allées du Salon de l’agriculture. Enfin, presque ! Du calme ! Pas d’autographes. Il ne sera pas là en personne mais dans les pages du magazine Life & Farms, distribué dès ce samedi porte de Versailles, à Paris. Interview d’un citadin qui aime s'échapper à la campagne.
Il joue le rôle de l’homme de la ville qui découvre la France dans des champs avec un émerveillement caricatural dans Normandie Nue et sillonne la France avec son très acclamé one man show. Entre Paris et la Catalogne, François-Xavier Demaison a pris le temps de s’asseoir pour une interview qui rhabille.
François-Xavier Demaison, dans Normandie nue, vous jouez le rôle du citadin qui a quitté Paris pour s’installer dans un village du Perche. Il vous arrive de vous exiler à la campagne ?
Je fais régulièrement des petites escapades. Ma mère est corse, je suis donc très heureux de me retrouver Saint-Florent dans le nord de l’île, mes parents ont une jolie maison en Normandie à côté de Pont-l’Evêque. Ma fiancée est catalane, originaire d’un petit village à côté de Perpignan qui s’appelle Thuir. Je dois avouer que j’ai eu un vrai coup de cœur pour cette région que je connaissais peu. D’ailleurs, sitôt notre interview terminée, je file là-bas.
Quel est votre regard sur les agriculteurs ? Comme le dit votre personnage dans Normandie nue : « C’est la France dans son essence » ou « On devrait leur interdire de vivre à la campagne » ?
Mon personnage dans Normandie nue est une caricature et j’espère que j’en suis très loin. Personnellement, je dirais que c’est la France de laquelle nous venons tous. Je suis petit-fils de Creusois, fils de Corses. Mes cousins avaient des fermes dans la Creuse et, quand nous allions les voir, c’était les cochons, les vaches… Ce sont mes origines profondes et j’ai donc un regard extrêmement bienveillant sur ce monde-là.
Pour rester sur la Creuse, vous vous prénommez François-Xavier comme votre arrière-grand-père qui était instituteur dans ce département…
Oui, c’était un peu l’homme cultivé du village : il avait une collection de pierres, de silex, de fossiles, il collectionnait les fleurs – une culture que je qualifierais de « biologique », très orientée sciences naturelles. Certains de mes cousins étaient agriculteurs dans des petites exploitations. C’est le genre de famille où l’un devient instituteur, et puis l’autre embrasse la carrière militaire. Ce sont des gens qui ont peu à peu quitté les fermes, un peu comme de l’autre côté de ma famille : mon arrière-grand-mère était lingère, son fils a quitté son village corse pour venir s’installer à Paris. Au bout d’un moment, ma famille directe ne travaillait plus la terre mais celle plus éloignée, oui. C’est pour ça que tout ce qui a trait à l’agriculture me parle profondément.
Dans votre enfance, vous est-il arrivé de participer aux travaux des champs ?
Plus ou moins. On allait surtout donner à manger aux bêtes. J’ai des souvenirs de la Creuse où on était dans cette ferme : les tréteaux, ma cousine qui n’a pas d’âge dans son fauteuil devant la cheminée. C’était ce monde-là, très traditionnel finalement.
Malgré ces antécédents, vous êtes un citadin pur jus…
Oui j’ai grandi à Neuilly-sur-Seine, dans les Hauts-de-Seine, je suis un Parisien de la banlieue ! Ce qui est drôle dans mon personnage de Normandie nue, c’est qu’il voit la campagne comme un exotisme. Quand il saisit une tomate, il dit : « Sentez comme ça sent la tomate ! », il écoute du Beethoven devant des paysages, quand il parle des paysans, il en appelle à Victor Hugo…
La crise de l’agriculture française est au cœur de Normandie nue. Votre regard sur la France agricole a-t-il évolué depuis le tournage ?
En tout cas, ça me l’a remis d’actualité. Je suis les infos donc je sais ce qui se passe dans mon pays et autour de moi : la crise du lait, les problèmes de surproduction, la baisse des prix, etc. Tout cela crée de la souffrance chez les agriculteurs et ce qui est terrible, c’est que comme nous sommes dans un monde de l’image, on a tendance à zapper dès qu’un autre sujet est abordé, ce qui crée comme une petite musique dramatique que l’on peut chasser en appuyant sur le bouton de sa télécommande. Je suis comme la plupart des gens, je ne pense pas tous les jours au problème des agriculteurs. Normandie nue m’a refait prendre conscience de tout ça.
D’ailleurs, certains personnages du film sont des agriculteurs du Perche…
Oui, Philippe Le Guay (le réalisateur de Normandie nue – NDLR) a mélangé des acteurs professionnels et des gens du cru. Ce qui est amusant, c’est qu’on ne sait pas vraiment qui sont les meilleurs interprètes. Il y a des moments extraordinaires comme ce paysan qui chante : « Ils ne savent plus parler aux chevaux, ils ne savent plus compter les étoiles », une chanson de François Budet sur la déconnexion avec la nature. Du coup, on parlait de plein de choses le soir, notamment du bio. On a pris le temps de faire connaissance, voilà.
Imaginons qu’en ces temps d’ouverture à la société civile et vu votre passé de fiscaliste, vous deveniez ministre de l’Agriculture. Quelle première mesure prendriez-vous en faveur des agriculteurs ?
J’ignore ce qu’il faudrait faire concrètement… (Il réfléchit longuement.) Il y a peut-être une réflexion à avoir sur leur statut, mais je ne voudrais pas dire de conneries non plus. En tout cas, j’accepterais le poste seulement si j’avais la certitude de mener à bien des projets salvateurs et pas pour essayer de gérer au mieux une situation dramatique comme un technocrate le ferait.
Vos choix nutritifs sont-ils dictés par exemple par la provenance de vos aliments ?
Oui, de plus en plus, notamment parce que c’est moi qui m’occupe de faire les courses. Ma philosophie, c’est de m’éloigner le plus possible des produits transformés et de me rapprocher des producteurs, notamment grâce à des labels comme « C’est qui le patron » ?, des marques de producteurs qui insistent sur la consommation durable et la traçabilité. Et puis j’essaie de manger de plus en plus local. Lorsque je vais dans le Sud, je mange catalan, je bois catalan, même si ce n’est pas très léger mais comme je suis extrêmement gourmand… C’est de la charcuterie, du fromage, des recettes catalanes comme l’allioli, une contraction de « all i oli », ce qui dit tout du produit, l’escudella, une soupe à base de viande de porc et de légumes. Je suis très fan aussi des vins du Roussillon du côté de Collioure, des Aspres, avec des domaines comme Lafage ou Terrassous, des gros jus plein de soleil formidables ! Quand je suis en Normandie, pareil : c’est le bonheur de goûter à l’incroyable variété de fromages, le livarot, le pont l’evêque, le neufchâtel… La France a une telle culture de la nourriture qu’il faut en profiter et manger local chaque fois qu’on a la chance de se balader. Pour résumer, je n’ai plus envie d’aller dans les grandes surfaces, même si je sais que je suis privilégié et que c’est un luxe que je peux me payer.
Diriez-vous que la France des villes et la France des champs sont en train de se réconcilier ou du moins de se rapprocher ?
En tout cas, je l’espère et que le cinéma contribue à attirer l’attention, comme ici avec cette histoire de village qui veut attirer l’attention des médias pour ne pas sombrer dans l’oubli. Il faut que nous soyons de plus en plus solidaires avec notre monde agricole qui nous nourrit depuis des siècles. Pour les gens comme moi, la campagne est souvent liée à des souvenirs d’enfance, à des valeurs qu’on nous a transmises, comme le travail, le courage, l’écoute de la nature…
Vous êtes un homme de rupture puisque vous êtes passé de la fiscalité à la comédie. La prochaine rupture, c’est vivre à la campagne ?
Je ne sais pas, on verra. Pour l’instant, je suis très heureux avec ce que je fais et là où je vis. J’ai le théâtre de l’Œuvre, dont je suis le directeur, à faire tourner à Paris, je suis en tournée avec mon spectacle où, justement, je parle et découvre pas mal des régions. Ensuite, il y a aussi l’envie de lever un peu le pied et pourquoi pas de le faire dans la région de ma chérie au pays catalan. J’y pense de plus en plus sérieusement pour rechercher le calme et écrire.
Lors de votre spectacle qui traverse la France, avez-vous le temps de vous poser pour goûter justement au style de vie des régions ?
Malheureusement, le schéma est toujours un peu le même : balances-spectacle-dîner-avion le lendemain. En revanche, quand je suis avec ma fille, je prends le temps de me poser. Par exemple, je vais avec elle jouer près de Toulouse et je vais en profiter pour aller y voir des cousins. En fait, ma tournée devient aussi un prétexte pour renouer avec les gens de ma famille qui vivent à la campagne.
S’il fallait résumer tout cela ?
Je suis un citadin qui aime bien la campagne.