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Glyphosate, néonicotinoïdes : comment l’Anses peut renforcer la crédibilité de ses expertises

Contestée sur ses expertises en matière de produits phytosanitaires, l’agence a commandé un rapport en vue de trouver le moyen de restaurer sa crédibilité. Un rapport instructif.

Application de produits phytosanitaires en agriculture
© Christian Gloria

Dans un rapport, publié le 10 mars, le conseil scientifique de l’Anses émet plusieurs recommandations visant à limiter les risques de mise en cause de ses expertises.

Un rapport qui fait couler beaucoup d’encre suite à sa mise en ligne très discrète par l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, révélée par le journal Le Monde.

 

Glyphosate, néonicotinoïdes et fongicides SDHI : trois polémiques étudiées

Afin d’améliorer son fonctionnement, le conseil scientifique de l’Agence a mandaté un groupe de travail parmi ses membres pour analyser la situation et formuler des recommandations. Pour ce faire ce groupe a auditionné de nombreuses personnalités dont la députée Delphine Batho et l’ex-député Cédric Villani, ou encore les journalistes Stéphane Foucart (Le Monde) et Fabrice Nicolino (Charlie Hebdo).

Constatant que « les expertises produites par l’Anses ont été contestées, voire violemment attaquées, directement ou par médias interposés », les auteurs du rapport ont concentré leur analyse sur trois études de cas : le glyphosate, les néonicotinoïdes et les fongicides SDHI. Pourquoi ce choix ? « Le choix a été guidé par la critique répétée des avis rendus et l’intensité des controverses et polémiques suscitées par les expertises (sur ces sujets, ndlr) ayant entamé la réputation de l’agence », soulignent les auteurs.

Cette situation pourrait, si elle n’est pas gérée attentivement, menacer la crédibilité de l’agence

« Cette situation pourrait, si elle n'est pas gérée attentivement, menacer la crédibilité de l'agence, notamment pour la gestion des dossiers pesticides et pour le transfert programmé de l'évaluation des organismes génétiquement modifiés (OGM), autre dossier très sensible ayant notamment trait à des produits réglementés », ajoute le groupe de travail, qui dit avoir relevé « trois grandes tensions touchant l'expertise scientifique ».
 

Trois types de tensions mises à jour

Après analyse des trois cas, les auteurs du rapport soulignent que les « tensions » autour de ces expertises scientifiques peuvent avoir plusieurs causes.

Dans le cas des néonicotinoïdes, la remise en cause des avis de l’agence « tient à l’intégration des connaissances scientifiques nouvelles dans le cadre réglementaire », estiment les auteurs. Dans le cas du glyphosate, les questions de la société civile tournent plutôt autour des procédures, notamment la sélection de la littérature ou la définition du principe de précaution. Enfin, les demandes de scientifiques et ONG sur le retrait SDHI, soulèvent les auteurs, se seraient vues freinées par de « forts enjeux économiques ».

 

Les recommandations pour renforcer la crédibilité de l’agence

Afin de tirer les leçons de ces trois cas, les auteurs du rapport proposent une série de recommandations parmi lesquelles :

  • Ouvrir la possibilité aux experts d’émettre « critiques et réserves » sur le cadre réglementaire dans leurs avis
  • Limiter le recours aux procédures d’urgence
  • Affiner le traitement des conflits et liens d’intérêts des experts
  • Améliorer la lisibilité de la séparation entre évaluation et gestion des risques au sein de l’Anses

 

Une évaluation socio-économique à compléter

Dans son rapport, le groupe de travail souligne aussi l’importance d’intégrer l’évaluation socio-économique dans l’analyse des risques. Cette évaluation se doit de clarifier les termes du débat et options envisageables. Ce qui « implique une compréhension élargie des alternatives, incluant non seulement celles qui consistent à remplacer un produit par un autre, mais aussi des alternatives systémiques – par exemple en agriculture, des alternatives non chimiques de l’ordre de la reconception des systèmes de production avec la modification simultanée d’un ensemble de pratiques agronomiques » peut-on lire dans le rapport.


Réduction d’usage et solutions alternatives

« Il est souhaitable que l’Anses réfléchisse à la prise en compte de l’acceptabilité des dommages, de l’observabilité, du niveau d’irréversibilité, de la disponibilité de solutions alternatives….Cela pousse, on le voit, en direction d’une expertise interdisciplinaire prenant en compte les critères socio-économiques de façon large », est-il écrit un peu plus loin.

Quant à la gestion des risques dans les situations incertaines et controversées, le rapport souligne des critiques émises dans l’application du principe de précaution par l’Agence. « Le comportement de l’agence en situation d’incertitude est très dépendant de sa perception des marges de manœuvre liées à son rapport aux tutelles et au cadre réglementaire, organisé par des textes européens. Cela peut expliquer que l’agence utilise en fait très peu la variété des mesures possibles pour agir de façon proportionnée (réduction d’usage, renforcement des mesures de prévention…), par aversion au risque de recours contre les décisions susceptibles d’induire des distorsions de concurrence », analysent les auteurs.

Retrouvez le rapport de l’Anses en intégralité

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