Farniente
Août. Difficile de ne pas penser aux vacances en cette période estivale. A chacun ses envies, à chacun son plaisir. Villes, mer, montagne, campagne… Doigts de pieds en éventail ou à fond sur l’accélérateur. Rester chez soi ou partir, l’important est que les cellules grises voyagent. Un petit livre dans le sac ou au fond du hamac. Pour cultiver l’oisiveté au rythme de la fin des moissons, nous allons vous proposer tout au long de ce mois une idée de lecture, de découverte…
Pour commencer, laissons-nous porter par la douceur de la poésie.
Eloge de la paresse en empruntant ces quelques mots à Jean de la Fontaine, rendant hommage à Jean le Paresseux.
Quant à son temps, bien le sut disposer :
Deux parts en fit, dont il souloit passer
L’une à dormir et l’autre à ne rien faire.
Ou deux siècles plus tard, une invitation à la pleine contemplation proposée par Théophile Gauthier.
Far-niente
Quand je n’ai rien à faire, et qu’à peine un nuage
Dans les champs bleus du ciel, flocon de laine, nage,
J’aime à m’écouter vivre, et, libre de soucis,
Loin des chemins poudreux, à demeurer assis
Sur un moelleux tapis de fougère et de mousse,
Au bord des bois touffus où la chaleur s’émousse.
Là, pour tuer le temps, j’observe la fourmi
Qui, pensant au retour de l’hiver ennemi,
Pour son grenier dérobe un grain d’orge à la gerbe,
Le puceron qui grimpe et se pend au brin d’herbe,
La chenille traînant ses anneaux veloutés,
La limace baveuse aux sillons argentés,
Et le frais papillon qui de fleurs en fleurs vole.
Ensuite je regarde, amusement frivole,
La lumière brisant dans chacun de mes cils,
Palissade opposée à ses rayons subtils,
Les sept couleurs du prisme, ou le duvet qui flotte
En l’air, comme sur l’onde un vaisseau sans pilote ;
Et lorsque je suis las je me laisse endormir,
Au murmure de l’eau qu’un caillou fait gémir,
Ou j’écoute chanter près de moi la fauvette,
Et là-haut dans l’azur gazouiller l’alouette.
Théophile Gautier, Premières Poésies