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« Etat des terres agricoles en France», le premier rapport de Terre de liens
Nourri par l’expérience de terrain, ce rapport dresse un état des lieux de la situation française et lance un cri d’alarme.
Nourri par l’expérience de terrain, ce rapport dresse un état des lieux de la situation française et lance un cri d’alarme.
« Cinq millions d’hectares de terres vont changer de main d’ici dix ans, ce qui représente 20 % de la surface agricole française et cela va orienter durablement le modèle agricole français » explique Jérôme Deconinck, directeur de Terre de liens. Si les millions d’hectares bientôt libérés représentent une opportunité unique de réorienter l’agriculture hexagonale, ils constituent aussi le risque de voir s’accélérer les dynamiques de disparition des terres et des paysans. Artificialisation galopante, dégradation des sols, concentration des terres, ultra-spécialisation des fermes et non-renouvellement des générations paysannes, les attaques que subit la terre sont aujourd’hui nombreuses et connaissent un rythme effréné selon le rapport. Chaque année plus de 55 000 ha de terres sont artificialisées, soit un terrain de foot par minute ou la surface équivalente à nourrir une ville comme Le Havre qui disparaît. Avec 52 % du territoire national occupé par les terres agricoles, la France dispose de la plus grande surface agricole de l’Union Européenne mais le rapport estime que moins bien protégées que les espaces naturels et forestiers, les terres agricoles sont les premières victimes de cette artificialisation.
Des fermes trop grandes
Autre point inquiétant, aujourd’hui deux tiers des terres libérées par les agriculteurs qui partent en retraite partent à l’agrandissement de fermes voisines, réduisant ainsi drastiquement les terres disponibles pour de nouvelles installations. Pierre Fabre, administrateur, Terre de liens, dénonce la concentration des fermes : « Les grandes exploitations, d’une moyenne de 136 ha, quasi inexistantes il y a 60 ans, représentent aujourd’hui 1 ferme sur 5 et 40 % du territoire agricole. Chaque fois qu’une ferme de 53 ha est absorbée par une ou plusieurs autres fermes, c’est l’équivalent d’un emploi qui est perdu. Et encore, nous avons une large sous-estimation de la concentration des terres. Il faudrait améliorer les outils de statistiques ». Il ajoute : « Les parcelles sont de plus en plus grandes et sans arbres alors que 11 à 12 ha serait l’idéal pour préserver la biodiversité ». Selon le rapport, les fermes trop grandes ne correspondent pas aux projets des nouveaux venus en agriculture, ceux que l’on appelle les non issus du milieu agricole, pour qui l’installation relève souvent du parcours du combattant. Pour eux, les soucis ne sont pas qu’administratifs puisque le prix des terres a doublé en vingt ans et que l’actif moyen d’une ferme est de 475 000 euros.
Les territoires peinent à nourrir la population
Et c’est là que se pose le problème de la transmission. Interrogé sur leur successeur potentiel en 2010, seul un tiers des agriculteurs de 55 ans et plus déclaraient l’avoir identifié. Pourtant, le rapport explique que les organisations qui accompagnent les personnes souhaitant céder leur ferme affirment que la transmission doit être accompagnée et se passer entre cinq et dix ans en amont.
Le rapport estime que malgré une SAU de 27 millions d’hectares et son autosuffisance en matière de production alimentaire, la France utilise mal ses terres. Pour faire face à la demande, l’Hexagone importe aujourd’hui l’équivalent de 9 millions d’hectares tandis que 12 millions d’hectares sont destinés à l’exportation, soit 40 % des terres agricoles. Les territoires peinent à nourrir la population. Les 560 800 ha de terres agricoles que compte l’Île-de-France nourrissent par exemple seulement 12 % de la population. Entre 2010 et 2020, 10 232 ha de terres ont été artificialisées, principalement pour des activités économiques et aujourd’hui , dans la région, 90 % des productions alimentaires sont importés.
Terre de liens réclame une loi pour préserver les terres agricoles
Terre de liens qui souhaite un moratoire sur les nouvelles zones constructibles et l’instauration de mesures fiscales sur les terrains devenus constructibles, réclame une loi pour préserver les terres agricoles et leur usage agricole, faciliter l’accès aux terres aux porteurs de projets agricoles, favoriser des pratiques agricoles vertueuses, développer une politique ambitieuse d’installation de nouvelles générations de paysans. Pour placer ces problématiques au centre des débats, ce rapport a été envoyé aux candidats à l’élection présidentielle. Terre de liens a demandé à chacun d’entre eux de donner son avis avant le 20 mars pour une publication avant le premier tour.