Salon de l’agriculture 2022
[Vidéo] Et si les mathématiques sauvaient l’agriculture ?
Le polytechnicien Jérémie Wainstain, fondateur de The green data, présente dans « L’équation alimentaire », publié aux éditions France Agricole, une autre voie possible pour l’agriculture du XXIème siècle. Réussir l'a rencontré sur le salon de l'Agriculture.
Le polytechnicien Jérémie Wainstain, fondateur de The green data, présente dans « L’équation alimentaire », publié aux éditions France Agricole, une autre voie possible pour l’agriculture du XXIème siècle. Réussir l'a rencontré sur le salon de l'Agriculture.
La raréfaction des énergies fossiles et les impacts du réchauffement climatique risquent de faire ressurgir, un peu partout sur la planète, le spectre de l’insécurité alimentaire. L’auteur estime qu’il est donc grand temps que l’agriculture cesse d’être livrée à elle-même et revienne au centre de nos préoccupations et de nos ambitions. Jérémie Wainstain, fondateur de The Green Data, affirme que l’agriculture du futur devra être à la fois régénérative et collaborative « si l’on veut maintenir une activité agricole pérenne à ciel ouvert et à échelle humaine ». Pour que l’agriculture soit en mesure de se moderniser, l’auteur pense qu’elle doit s’appuyer sur la modélisation mathématique afin d’éclairer les décisions et d’accompagner ses nécessaires transformations vers un modèle régénératif, comme l’ont fait d’autres secteurs. Cela devrait impliquer la coopération des instituts techniques et des organismes de recherche, des start-ups et de grands groupes, des industriels et bien entendu des agriculteurs eux-mêmes.
Le travail de modélisation de l’agriculture sera compliqué
Et pour faire de la modélisation agricole une réalité, l’agriculture va avoir besoin de compétences qu’elle n’a pas aujourd’hui : des modélisateurs et des mathématiciens de talent. « Le travail de modélisation de l’agriculture sera compliqué, forcément collaboratif, forcément imparfait et devra partir du terrain. Il ne pourra pas non plus s’effectuer dans le cadre d’une planification d’Etat rigide, d’un cycle en V ou autre processus sur cahier des charges. A modèles vivants, démarche vivante » indique l’auteur.
Redonner le pouvoir aux agriculteurs
Alors qu’il veut redonner le pouvoir aux agriculteurs grâce à des outils numériques intelligents, Jérémie Wainstain estime que les efforts de modélisation doivent « s’orienter en priorité vers la simulation de scénarios à l’échelle des exploitations agricoles, plutôt que vers la prévision. Cela permet de déléguer à la machine la charge d’explorer les combinaisons, de produire des résultats et d’estimer les marges d’erreur en laissant à l’agriculteur la responsabilité de son plan d’action et de ses objectifs, et en ouvrant la discussion avec ses pairs et ses partenaires ». Des outils seront nécessaires et l’auteur explique notamment que « la simulation de l’activité agricole pourrait aller jusqu’à prendre la forme d’un « jumeau numérique », c’est-à-dire une reconstitution en 2D ou 3D de l’exploitation de chaque agriculteur ».
Plusieurs risques, plusieurs échelles de modélisation
Mais outre la nécessité d’outiller numériquement les agriculteurs, Jérémie Wainstain préconise un nouveau modèle économique avec des notions de coûts environnementaux et d’actifs naturel, absentes des bilans actuels. Il estime que la modélisation mathématique est le seul moyen d’accompagnement de l’agriculture dans un monde où règne complexité et incertitude. « Parmi les divers risques agricoles, ceux qui touchent l’exploitation demandent une modélisation à une échelle « micro ». Les risques physiques à l’échelle d’une filière ou d’une région se modélisent à une échelle « méso ». Enfin, les risques systémiques, couverts par des produits financiers de type Green Bonds (obligations vertes, ndlr), se modélisent à une échelle « macro ». Pour réussir le financement et la couverture des risques de la transition, ces trois échelles de modélisation des risques doivent être étroitement imbriqués » selon l’auteur.
Protéger le modèle alimentaire européen
Ce livre qui se veut réalistement optimiste ambitionne donc une nouvelle forme de gouvernance démocratique et technologique, au croisement des filières et des territoires car, pour l’auteur, c’est là que la transition se met concrètement en œuvre, en termes d’investissement, de production et d’accompagnement, tout en faisant collaborer société civile, acteurs économiques et politiques publiques. Jérémie Wainstain explique : « Comme l’ont fait avant lui tous les autres secteurs, le secteur agroalimentaire doit lui aussi « plateformiser » et modéliser ses filières pour les rendre à la fois plus efficaces et plus innovantes. En rendant interopérables ces plateformes, on pourra in fine disposer d’une vision consolidée de toutes les chaînes alimentaires, et lutter contre le réchauffement climatique à un échelon global tout en assurant la résilience alimentaire des territoires ».
Et l’auteur indique la nécessité que ces plateformes soient made in Europe pour « protéger notre modèle alimentaire européen d’une standardisation mondialisée ». Il conclut : « L’héritage d’histoires agraires multiples et contrastées ont fait de l’agriculture du Vieux Continent une agriculture de spécialités, diversifiée et qualitative, une agriculture de terroirs et d’appellations. C’est à nous de préserver cet héritage, à nous de protéger nos valeurs. Et pour ce faire, les mathématiques sont notre meilleur allié ».