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EGALIM. « Beaucoup de choses coincent pour que les agriculteurs approvisionnent directement les cantines »

La loi Egalim a favorisé les circuits de proximité, selon Hermine Chombart de Lauwe, déléguée générale du Conseil national pour la résilience alimentaire (CNRA).

Hermie Chombart de Lauwe est déléguée générale du Conseil national pour la résilience alimentaire.
Hermie Chombart de Lauwe, déléguée générale du Conseil national pour la résilience alimentaire.
© CNRA

La loi Egalim a-t-elle favorisé l’opportunité de vendre en circuits courts pour les agriculteurs ? Hermine Chombart de Lauwe, déléguée générale du Conseil national pour la Résilience alimentaire (CNRA), répond à nos questions. Créée en 2020 cette association constitue une tête de réseau réunissant les acteurs publics et privés engagés dans la démarche de résilience alimentaire. Elle regroupe une centaine d’acteurs au sein de six collèges et prépare avec l’Afnor un guide de bonnes pratiques pour la résilience alimentaire.
 

Pensez-vous que la loi Egalim et les objectifs qualitatifs fixés à la restauration ont pu stimuler la vente en circuits courts pour les agriculteurs ?

Hermine Chombart de Lauwe : En étant à la tête du Conseil national pour la Résilience alimentaire, je suis au contact de collectivités territoriales, de chargés de missions PAT, du ministère de l’Agriculture, de France PAT, et à mon sens, oui, la loi Egalim a pu stimuler la vente sur les circuits de proximité, mais je ne suis pas capable de le chiffrer. Il est aussi difficile de dire si cela est dû à l’influence d’Egalim, aux projets alimentaires territoriaux (PAT) ou au Covid. Attention, je distingue les circuits de proximité (vente rapprochée géographiquement) et les circuits courts (sans intermédiaire). Je ne suis pas sûre qu’Egalim ait eu un impact sur l’intermédiation, au contraire. En revanche, Egalim a sûrement eu un impact sur les circuits de proximité, mais pas énorme. Il n’y a pas eu d’enquête là-dessus, ce serait intéressant que le ministère de l’Agriculture se penche sur le sujet.

Il n’y a pas eu d’enquête, ce serait intéressant que le ministère de l’Agriculture se penche sur le sujet

 

Quid des PAT mis en place en parallèle ?

Les projets alimentaires territoriaux (PAT) ont été lancés en 2014 et en grande majorité à l’initiative des collectivités. Les collectivités s’en sont emparées en y voyant un moyen de respecter Egalim en restauration collective (notamment dans les Ehpad, crèches, restaurants scolaires mais aussi cantines des collèges). Mais même s’ils ont été lancés depuis 10 ans, ils ne sont pas si avancés que ça.

On dénombre aujourd’hui 450 PAT, dont moins de 100 labellisés au niveau 2

On dénombre ainsi aujourd’hui 450 PAT, dont moins de 100 labellisés au niveau 2, c’est-à-dire ayant présenté une stratégie alimentaire. Nous sommes très loin du compte. Une nouvelle enveloppe a été octroyée de 20 millions d’euros pour les PAT afin que les chargés de mission puissent continuer à être embauchés, cela va dans le bon sens, mais c’est peu comparé aux 80 millions d’euros qui étaient demandés pour leur mise en place opérationnelle.

 

Qu’est-ce qui coince pour que les cantines puissent s’approvisionner en produits locaux directement auprès des agriculteurs ? 

Beaucoup de choses coincent. Premièrement c’est une histoire de lots. C’est difficile pour un agriculteur de répondre aux quantités demandées par la restauration collective, l’adéquation entre l’offre et la demande est compliquée. C’est aussi un souci de saisonnalité : comment répondre à des cantines qui veulent des tomates toute l’année ? Il y a aussi un problème de ressources humaines.

Une cantine qui sert 3 000 repas par jours ne va pas commander des lentilles brutes mais des lentilles cuisinées prêtes à cuire

Une cantine qui sert 3000 repas par jours ne va pas commander des lentilles brutes mais des lentilles cuisinées prêtes à cuire. De même, elle va commander des pommes de terre épluchées ou des œufs écalés. A chacun son métier. L’agriculteur produit, ce n’est pas son métier de transformer. 

Mais chaque problème a sa solution, il y a beaucoup d’exemples de cantines et de chefs qui arrivent à s’approvisionner en local sur le long terme.

 

La Loi Egalim n’a-t-elle pas plus favorisé l’achat de bio étranger que de produits locaux agricoles ?

A priori non. Les PAT ont plutôt développé le bio et local. Les importations n’ont pas augmenté. Les derniers chiffres parlent de 29% d’importation mais les trois quarts représentent des produits tropicaux.

 

Y’a-t-il un moyen dans le cadre de la révision d’Egalim d’envisager une réforme du code des marchés publics pour tenter de renforcer l’approvisionnement local ?

Cela me semble compliqué d’aborder ce sujet très important au sein d’Egalim mais on peut espérer que la révision de la loi puisse pousser à la réforme des marchés publics.

La mise en place de contrat entre l’agriculteur et le premier acheteur via Egalim a-t-elle freiné la vente en circuits courts auprès de certaines petites surfaces selon vous ?

On n’a pas de chiffres et il faudrait regarder filière par filière. Pour autant, dans les grandes et moyennes surfaces, les circuits de proximité ne représentent qu’une part très faible des approvisionnements (de l’ordre de 2 à 3%)

Pensez-vous qu’Egalim a contribué à renforcer le nombre de maillons dans la chaîne d’approvisionnement de la restauration collective ?

Imposer de nouvelles règles crée toujours de la complexité. Il faut se réinventer. Je pense qu’aujourd’hui, si pas mal de structures tombent, comme des légumeries, c’est qu’elles n’avaient pas de modèle économique durable. 

Promouvoir un circuit de proximité ne doit pas empêcher de se reposer sur des grossistes qui connaissent bien leur métier.

On voit des profils de reconversions comme un banquier qui se reconvertit dans le maraîchage et pense pouvoir approvisionner la cantine du coin et faire les marchés, mais au bout de trois ans il n’en peut plus, a oublié de compter le coût de la logistique (camionnette à réparer ou à remplacer) et met la clé sous la porte. Au CNRA, on prône la capacité à faire le lien entre circuits courts et circuits longs de proximité. Promouvoir un circuit de proximité ne doit pas empêcher de se reposer sur des grossistes qui connaissent bien leur métier

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