[Covid-19] Faute de buveurs de cidre, la filière doit se tourner vers la méthanisation
La filière cidricole se rétablissait à peine des conséquences du gel du printemps 2019 qu’elle fait désormais face aux répercussions de la crise sanitaire, le cidre ayant été boudé depuis le confinement. Mais il faut faire de la place avant la prochaine récolte : il faut détruire les pommes et valoriser le cidre. Avec l’aide de l’État, les cidriculteurs trouvent des solutions, notamment la méthanisation et la fabrication de gel hydroalcoolique.
La filière cidricole se rétablissait à peine des conséquences du gel du printemps 2019 qu’elle fait désormais face aux répercussions de la crise sanitaire, le cidre ayant été boudé depuis le confinement. Mais il faut faire de la place avant la prochaine récolte : il faut détruire les pommes et valoriser le cidre. Avec l’aide de l’État, les cidriculteurs trouvent des solutions, notamment la méthanisation et la fabrication de gel hydroalcoolique.
Après le gel de 2019, viens le Covid-19
« Au cours d'une année correcte, on récolte 30 000 tonnes. Cette année, nous n'avons récolté que 2000 tonnes ! Nous avons perdu 90% de nos récoltes », témoigne Stéphane Michel, producteur de pomme de table et à cidre à Larré, dans le Morbihan. L’année dernière, les pommiers du département de l’Orne ont subi un épisode de gel au printemps 2019. Après être passé en commission au Ministère de l’Agriculture, le dossier final d’indemnisation devait être instruit en février 2020. Mais des problèmes techniques et la crise sanitaire du Covid-19 ont perturbé son instruction. Le 13 mai 2020, le caractère de calamité agricole a été reconnue officiellement par le ministère pour les dégâts de récolte 2019 des pommes.
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Aussitôt le dossier d’indemnisation déposé, les agriculteurs spécialisés du secteur cidricole sont désormais inquiets des conséquences de la période du confinement, imposée par la pandémie du Covid-19. Celle-ci a affecté différemment les filières agricoles. Fin avril 2020, le journal l’agriculteur normand interview Arnold Puech d’Allisac, président de la FRSEA de Normandie : « Dans les produits alimentaires, il y en a un qui est particulièrement touché : c'est le cidre. Les restaurants sont fermés. Il n’y a pas d’évènements festifs. Les consommateurs sont confinés et boivent plutôt du vin et de la bière que du cidre … » Début mai 2020, le journal rencontre Thomas Pelletier, cidriculteur dans le Calvados et président de la FNPFC témoignant : « Les touristes, qui représentent un potentiel fort en Normandie, sont absents. Même en supermarché, les consommateurs ne considèrent pas le cidre comme un produit de première nécessité. Ils achètent 20, voire 30% de moins que d’habitude. L’ensemble des transformateurs est fortement impacté avec des baisses de chiffre d’affaires allant de -40 à -95 %. »
« Les marchés du cidre sont en augmentation, on s’en sort bien. Enfin, jusqu’au confinement », témoigne Géraldine Desvoye entourée des élus de la FDSEA lundi 29 juin 2020 à Philippe Court, préfet du Calvados, lors d’une visite de sa ferme. « On a perdu 73% du chiffre d’affaires en mars, 90% en avril et en mai. Ça reprend en juin, on ne fait que moins 20% », ajoute Géraldine Desvoye.
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Nécessité de détruire des pommes et du cidre pour assainir le marché
Aujourd’hui, les acteurs de la filière rencontrent plusieurs problèmes majeurs. Le premier, « on se retrouve avec d’importants stocks. Et contrairement au vin, le cidre ne se garde pas. Il doit être consommé dans l’année », explique Nicolas Poirier producteur de cidre à la distillerie du Gorvello et président de la Maison cidricole de Bretagne. Les réserves bretonnes et normandes sont trop pleines à trois mois et demi de la prochaine récolte. A la fin du confinement, Thomas Pelletier demande des mesures d’accompagnement pour passer la récolte 2020 : « Afin de faire de la place dans les cuves, nous pensons, d’une part distiller 200 000 hectolitres de cidre et d’autre part, détruire 100 000 tonnes de pommes. Pour la distillation, nous demandons une aide de 60€/hl et pour la destruction des pommes 100€/t. Cela représente un tiers de la récolte, mais c’est nécessaire pour éviter l’effondrement de la filière. »
La méthanisation, la solution au problème de stockage
Le ministre de l’Agriculture, Didier Guillaume, a répondu en partie à la demande de la filière cidricole et propose de subventionner la méthanisation de 100 000 hectolitres de cidre à hauteur de 5 millions d'euros. La distillation a été envisagée mais rapidement abandonnée. « La plupart des distilleries sont installées dans le Sud. Et leur agenda est déjà bouclé par les vignerons », explique Laurent Gillet, directeur commercial de la cidrerie Kerisac. Réunie le 29 juin 2020, l’interprofession cidricole décide finalement de valoriser l’excédent de cidre par méthanisation afin de produire des bioénergies (électricité, biocarburant). Raison de plus, « on pourra méthaniser en Bretagne et Normandie. On économise en transport et on limite grandement l’empreinte carbone », ajoute Philippe Musellec, président du SNTC. Les agriculteurs intéressés par cette transformation doivent déclarer leurs pertes et seront indemnisés 50€/hl par l’État, dans la limite maximale de 100 000 hectolitres.
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Autre petit coup de pouce, les charges sociales se voient exonérées. « Si l’entreprise a perdu 80 % de son chiffre d’affaires pendant les trois mois de crise liée au Covid-19, 100 % des charges patronales sont exonérées. Si les pertes sont entre 50 % et 80 %, l’exonération est de 50 % », précise Thomas Pelletier, cidriculteur dans le Calvados. Pendant la visite de l’atelier cidricole de Géraldine Desvoye, le préfet évoque que « 650 millions d’euros au total ont été engagés dans le Calvados pour l’activité partielle, le report des charges et le fonds de solidarité. »
Une relance de la communication sur le cidre
Début juillet, le ministère de l’Agriculture et l’ensemble des associations cidricoles se rencontrent à nouveau. « La troisième mesure que nous demandons porte sur la relance de la communication autour de nos produits. Nous aimerions 5 000 000€ pour relancer l’économie de la filière. Nous maintenons la pression auprès des parlementaires et des journalistes. Il faut parler de nous ! Une bouteille de cidre par famille et par semaine et la filière reprend des couleurs. »
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