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Combien coûte la prédation des loups aux éleveurs de chèvres ?

L’Institut de l’élevage a simulé les pertes indirectes de la prédation du loup sur un élevage caprin fromager fermier. La facture est lourde et les compensations ne sont pas encore à la hauteur.

Si le Plan national d’actions 2024-2029 sur le loup prévoit une revalorisation des barèmes d’indemnisation de 25 % pour les caprins et de 33 % pour les ovins, les pertes indirectes doivent encore être revalorisées. Pour réfléchir à cette revalorisation, l’Institut de l’élevage a simulé les coûts indirects de la prédation dans différents types d’élevages ovins et caprins et notamment dans un élevage de 50 chèvres produisant des fromages fermiers en Provence-Alpes-Côte d’Azur. La baisse de production laitière induite par le stress des attaques et la baisse du taux de réforme ont impacté cet élevage pâturant les parcours une grande partie de l’année. Dans cet élevage type produisant et transformant 27 500 litres de lait chaque année, les attaques de prédateurs ont eu lieu au mois de mai et ont tué six chèvres et blessé huit et deux chèvres ont disparu.

Tout le troupeau est impacté

Les chèvres prédatées ne produiront plus de lait et doivent être remplacées par des chevrettes. Le lait des chèvres blessées ne pourra pas être valorisé le temps de leur traitement antibiotique pendant huit jours. Enfin, le stress et les perturbations induits par la prédation génèrent une diminution de la production laitière du troupeau de 30 % pour tout le reste de la campagne laitière. Avec ces hypothèses de travail et un lait valorisé en moyenne à 2,70 euros du litre, la perte financière est estimée à 245 euros par chèvre. L’impact majeur vient de la perte de lait. Si la perte laitière est limitée à 15 %, l’impact financier est estimé à 125 euros par chèvre.

Le stress bloque la production laitière des survivantes

Dans un autre scénario, une dizaine de chèvres sont prédatées à partir du mois de mai et pendant tout le reste de l’année. Avec une perte de 20 % de son cheptel, l’éleveur doit moins réformer pour remplacer les animaux prédatés. C’est la seule solution qui s’offre à lui, du fait que les attaques ont lieu bien après que l’éleveur ait sélectionné ses chevrettes de renouvellement et ait vendu celles qu’il ne comptait pas conserver. Il fait également le choix de moins faire pâturer ses animaux pour se prémunir de nouvelles attaques. Pour combler cette diminution de pâturage, un kilo de foin supplémentaire par chèvre est apporté aux animaux pendant cinq mois. La perte économique est alors estimée à 32 euros par chèvre la première année.

Des chèvres plus vieilles et moins productives

La conservation d’un certain nombre de réformes dans le troupeau contribue à un vieillissement progressif et subi du troupeau. Ainsi, la deuxième année après les attaques, une quinzaine de chevrettes doivent être élevées en plus et les réformes conservées produisent moins lait (-10 %). La perte sur la deuxième année a été calculée à 97 euros par chèvre. Sur les deux ans cette perte est alors de 129 euros par chèvre.

Dans les deux cas, si l’on considère la baisse de production laitière ou le taux de réforme, les montants actuels des indemnisations des pertes indirectes sont bien insuffisants pour compenser les pertes. Actuellement, selon le nombre de constats d’attaques, l’indemnisation pour tout le troupeau s’échelonne de 100 € à 500 €.

D’autant que, dans les simulations, l’effet cumulatif des différents scénarios et l’effet pluriannuel ne sont pas pris en compte. L’évaluation ne prend pas non plus en compte d’autres perturbations plus insidieuses comme les impacts psychosociaux ou les changements de pratiques des éleveurs.

Remerciements à Maxime Marois de l’Institut de l’élevage

Chiffres clés

La prédation tue plus de 10 000 animaux par an

10 882 animaux prédatés en 2023
1 655 animaux prédatés au 31 mars 2024
552 attaques de chèvres dont 514 mortelles en 2022 (dernières données disponibles par catégories de victimes)

Repères

209 loups à tirer en 2024

Avec une population estimée à 1 003 individus en 2023-2024, le nombre de loups a reculé de 9 % en un an en France. Le plafond de tirs a cependant été maintenu à 209 loups pour 2024 lors du Groupe national loup du 24 mai dernier. Au niveau européen, le statut de protection du loup pourrait passer d’une protection stricte à une protection simple. Mais il faut pour cela que les États membres se mettent d’accord, idéalement avant la réunion du prochain comité permanent de la Convention de Berne qui se tiendra début décembre.

La prédation impacte la santé des éleveurs

La menace grandissante du loup impacte directement le quotidien des éleveurs. Ce prédateur, bien que peu visible, exerce une pression significative non seulement sur les troupeaux mais aussi sur la santé mentale et physique des éleveurs. Un webinaire organisé fin mai par l’UMT Pastoralisme, le RMT Travail en agriculture et la MSA faisait le point sur la santé des éleveurs dans un contexte de prédation.

Une étude socioanthropologique menée par l’Inrae révèle que l’effet du loup sur la santé des éleveurs varie selon leur capacité à gérer la situation. « Certaines personnes peuvent vivre très peu d’attaques mais le vivre très mal », explique Antoine Doré de l’Inrae. Des éleveurs peuvent « tomber malades du loup » avec des cauchemars ou de la perte de sommeil en se sentant déborder tant d’un point de vue pratique et que d’un point de vue symbolique.

Un isolement social et affectif pesant

Ce sentiment de maîtrise, ou son absence, influence directement leur bien-être. Par ailleurs, la présence du loup entraîne une reconfiguration des pratiques pastorales, ajoutant une charge administrative et un stress considérable, souvent invisibilisés par les débats publics.

Les bergers et éleveurs se trouvent parfois isolés, tant physiquement que socialement, ce qui peut amplifier leur mal-être. Les tensions sont exacerbées par des relations souvent conflictuelles avec les autres usagers du territoire et les institutions. Pour faire face à cette situation, les chercheurs appellent à renforcer les réseaux de soutien et la reconnaissance des difficultés rencontrées par les éleveurs. Les associations de protection du loup peuvent parfois accentuer le sentiment d’isolement et d’incompréhension chez les éleveurs. Dans ce contexte, la MSA s’efforce de fournir un soutien adapté, bien que les relations avec les éleveurs restent parfois tendues.

Webinaire à revoir et infos sur idele.fr/rmt-travail/

Coté web

Une carte interactive de la présence du loup

L’Office français de la biodiversité (OFB) vient de publier une carte interactive des indices collectés sur la population lupine en France. Cette carte accessible sur le site loupfrance.fr livre les données disponibles à l’échelle communale.

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