Des branches de frêne dans l’auge des chèvres
Un essai réalisé à la ferme expérimentale caprine du Pradel confirme l’intérêt des arbres comme ressource fourragère. Les chèvres se sont régalées de feuilles de frêne, faisant grimper la production laitière.
À la suite de retours positifs sur l’intégration de feuilles de mûrier blanc dans la ration des chèvres, la Ferme du Pradel (Ardèche) s’est intéressée à une autre essence arborée : le frêne. Cet essai a été réalisé en septembre 2023 dans le cadre du projet Rame, piloté par Agroof et financé par la Fondation de France. Il a été conduit sur deux lots de douze chèvres : un lot « frêne » et un lot « témoin ». Contrairement à l’essai sur les mûriers, les feuilles de frêne ont été récoltées la veille et distribuées à l’auge le matin. Le soir, ce lot recevait le même foin de luzerne que le lot témoin. En complément, chaque chèvre a reçu 800 grammes par jour de concentré commercial.
Les chèvres aiment le frêne
Les refus de frêne étaient enlevés avant chaque repas de foin de luzerne, afin de mesurer la part dans la ration. Des photos des branches distribuées ont été prises avant et après pour visualiser la consommation des chèvres entre les feuilles, les jeunes rameaux et le bois. Indéniablement, les chèvres mangent majoritairement les feuilles.
La part de frêne dans la ration représentait environ 60 % de la ration fourragère, soit 1,4 kg de matière sèche (MS) en moyenne. Comme le mûrier blanc, le frêne fait partie des fourrages ligneux possédant de bonnes valeurs alimentaires. Les analyses faites en fin d’été le confirment avec 13,5 % de matière azotée totale (MAT) et près de 60 % de digestibilité enzymatique. À noter que ces valeurs peuvent varier suivant les périodes où les arbres sont pâturés. En comparatif, le foin de luzerne de première coupe distribué se situe autour de 14 % de MAT et près de 50 % de digestibilité enzymatique.
Davantage de lait avec le frêne
Les résultats des contrôles laitiers montrent une amélioration de la production laitière en faveur du lot « frêne » avec 3,35 kilos de lait par jour en moyenne contre 3 kilos pour le lot « témoin ». Cette hausse peut notamment s’expliquer par l’apport de feuilles fraîches plus fréquemment le long de la journée ; les chèvres revenant plus souvent à l’auge ont été donc plus stimulées. Le lot « frêne » a ingéré 2,4 kilos de MS (dont 1 kg de foin), alors que le lot « témoin » a ingéré 2,25 kilos de MS de foin.
Au niveau de la qualité du lait, le taux butyreux est plus faible pour le lot frêne (34 vs 35 g/kg de lait) et le taux protéique est similaire. Une baisse de l’urée a été observée pour ce lot (365 vs 525 mg/L de lait), la même tendance avait été observée pour le lot pâturant dans les mûriers (-150 mg/L par rapport au lot témoin).
Au cours de l’essai, deux transformations séparées des lots ont été réalisées afin d’évaluer l’aptitude à la transformation fromagère de ces laits en picodon. Le lait du lot « frêne » étant moins riche en matière grasse, les résultats en fromagerie montrent une baisse du rendement fromager de 1 kilo de fromage pour 100 kilos de lait. Pour finir, au moment de la dégustation à quinze jours d’affinage, aucune différence n’a pu être mise en avant sur les fromages. À première vue, le picodon issu du lait de feuilles de frêne semble ainsi bien conserver toutes les caractéristiques d’un picodon classique, comme pour celui issu des feuilles de mûrier.