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Un restaurant à la ferme pour valoriser bovins et Normandie

Nicolas et Elsa Onfroy, à Sainte-Marie-du-Mont dans la Manche, sont très attachés à leur région et cherchent à la mettre en valeur. Depuis 2019, ils ont relevé le challenge avec leur restaurant à la ferme où la viande bio de leurs limousines a une place de choix.

Il n’était pas concevable pour Nicolas Onfroy de laisser la ferme de ses parents, dans la famille depuis 1891, exploitée par une personne extérieure. Aussi, à leur départ en retraite, en 2014, l’ingénieur dans l’industrie décide de reprendre la ferme familiale, laitière. Il constitue alors un troupeau de limousines, conduites en agriculture biologique et crée les premiers gîtes, avec sa femme Elsa, en rénovant une bâtisse du XVIIe siècle. Ils représentent ainsi la cinquième génération des Onfroy sur cette terre d’élevages, située à Sainte-Marie-du-Mont dans la Manche, en plein cœur des sites du débarquement du 6 juin 1944.

« Avec ma femme nous avons toujours eu l’idée de développer un côté touristique en complémentarité de la ferme », souligne Nicolas Onfroy. Alors, il n’y a pas eu d’hésitation quand en 2019, l’opportunité s’est présentée de reprendre le restaurant et l’hôtel de charme créés dans l’ancienne ferme jouxtant les nouveaux bâtiments d’élevage. Ce fut également l’occasion pour Elsa Onfroy, ancienne éducatrice spécialisée, de travailler sur le domaine. Elle gère désormais à temps plein la partie touristique du domaine. En hommage à son aïeul arrivé cinq générations plus tôt, le restaurant porte son prénom, « Chez Arsène ».

Des produits locaux et frais qui dictent le menu

« Nous venions à peine de reprendre le restaurant que la pandémie a frappé. Avril 2022 est en quelque sorte notre première vraie saison. Nous sommes désormais ouverts toute l’année, uniquement le soir ainsi que le dimanche midi, pour proposer un brunch. » Le restaurant peut accueillir jusqu’à 60 couverts. La moyenne est pour l’instant de 30 à l’année.

La viande bovine issue du cheptel de Nicolas Onfroy a bien sûr une place de choix dans le restaurant. « Une assiette sur deux qui sort, c’est du bœuf. Les clients recherchent avant tout de la proximité et de la qualité. Ils sont très sensibles à la démarche bœufs élevés à l’herbe et en local. Certains apprécient de pouvoir visiter l’exploitation toute proche. J’essaie de passer discuter le plus souvent possible avec eux. Ils viennent pour la démarche », souligne Nicolas Onfroy.

Elsa et Nicolas ont fait le choix de travailler avec des produits locaux, entiers et de saison. La carte change en grande partie tous les jours, en fonction de la proposition de leurs fournisseurs qui sont des producteurs locaux (2 en porcs, 3 en légumes, 1 en ovins, 1 pêcheur et 3 en produits laitiers). « On ne propose que 3 entrées, 4 plats (1 poisson, 1 viande, 1 plat végétarien et 1 grillade) et 3-4 desserts pour garantir la fraîcheur. C’est la saison et les producteurs qui décident de ce que l’on va pouvoir proposer aux clients. C’est une manière différente de travailler en restauration. On travaille toujours en direct avec eux. Tous les lundis, j’ai pour habitude d’aller au marché voir les étals de nos maraîchers. Je peux ainsi informer le chef cuisinier des produits disponibles pour qu’il commence à réfléchir à la carte », note Elsa Onfroy.

On travaille également avec un limonadier local. Pour les vins, une carte 100 % biodynamie est proposée aux clients ainsi que du cidre local bio. La distillerie est depuis peu en bio et local.

Trouver une équipe avec les mêmes valeurs

« Notre credo c’est la qualité. On propose peu de plats mais les produits sont de qualité. C’est pourquoi, le chef cuisinier doit faire preuve d’imagination. Il s’inspire de la cuisine du monde pour créer des menus qui satisferont les clients », précise Nicolas Onfroy.

La structure emploie 16 salariés dont 10 pour le restaurant. Les débuts n’ont pas été faciles car l’équipe déjà en place n’était pas habituée à travailler ainsi mais avec un grossiste. « Celle-ci n’étant pas en phase avec nos valeurs et notre philosophie, nous avons dû en reconstituer une nouvelle. Il était important pour nous que nos salariés adhèrent à notre projet et soient capables de réexpliquer cela aux clients. »

L’objectif de Nicolas et Elsa Onfroy est de faire découvrir le territoire dans l’assiette mais également autour. « Leur passage dans notre restaurant doit être une balade dans notre territoire. » Le couple propose également des activités pour découvrir les alentours et accueille des entreprises pour des séminaires. Les petits-déjeuners avec les clients sont également l’occasion d’expliquer de transmettre tout l’intérêt de la production agricole.

Dans un souci de respect de l’environnement, les déchets sont limités. Des poules valorisent par exemple les épluchures de légumes. « Dans la création des menus, on porte une attention particulière aux équilibres alimentaires et à la quantité. Il n’y a presque pas de gaspillage. »

Pour faire connaître la ferme et son restaurant, l’éleveur publie régulièrement des informations sur les réseaux.

Proximité et qualité

 

Une viande commercialisée sous la marque Utah Beach

Pour valoriser sa viande locale bio, Nicolas Onfroy a choisi de créer sa propre marque. L’exploitation se situant à quelques encablures de la plage du Débarquement d’Utah Beach, il n’est pas étonnant qu’il l’ait baptisée du même nom.

Un bovin est abattu toutes les trois semaines. Son profil idéal est une vache ayant donné naissance à un, deux voire trois veaux, bien finie. « On commercialise une trentaine de réformes par an. On sélectionne les meilleures pour les circuits courts qui représentent en moyenne 40 % de la production de gros bovins de l’exploitation. Les vaches sont abattues à des poids carcasses qui oscillent entre 430 et 480 kilos. Les autres partent à Unébio. On cherche à développer la vente auprès d’autres restaurants », précise l’éleveur.

Élargir l’offre pour atteindre l’équilibre carcasse

De juillet à novembre, les clients peuvent également déguster de la viande de veau de 5 à 7 mois d’âge. Cette viande est très appréciée. Quatre veaux sont valorisés par an. « Au début, il n’était pas facile de gérer les quantités pour la viande bovine. Autant les veaux se valorisent très bien au restaurant, autant les gens ne veulent plus manger de veaux dans les caissettes. »

L’éleveur a dû apprendre à valoriser une carcasse. Pour atteindre l’équilibre carcasse, les différents morceaux sont répartis dans son restaurant, dans deux autres sur Paris et en colis. « Nous avons aussi appris à élargir l’offre (bœuf fumé, terrine, saucisse sèche…). Tout est valorisé, jusqu’aux os. On essaye de répartir les morceaux de manière équilibrée. »

Produire de la viande dans un système vertueux

Pour Nicolas Onfroy, la valorisation de l’herbe s’inscrit dans un système vertueux de production des bovins.

Malgré des vêlages groupés sur trois mois au printemps (février, mars, avril), Nicolas Onfroy, à la tête d’un troupeau de limousines de 90 mères en agriculture biologique, arrive globalement à étaler les sorties des réformes sur l’année. « J’ai un système basé sur l’herbe. Les femelles en production disposent l’été de l’herbe des prairies naturelles situées dans le Parc naturel des marais du Cotentin et du Bessin et, l’hiver, d’enrubannage d’herbe (avant vêlage) avec du foin (après vêlage) », explique l’éleveur.

En 2019, Nicolas Onfroy a eu l’opportunité de récupérer 50 hectares de terres labourables. Il y cultive ainsi de l’orge brassicole et du blé panifiable, pour avoir de la farine et fournir en pain son restaurant mais aussi disposer de paille pour la stabulation des bovins. « Pour favoriser le grain de viande, l’engraissement s’effectue avec un aliment sec sur une durée d’environ trois à quatre mois. Selon les années, je produis sur les parcelles une association orge/pois ou triticale/pois, distribuée avec du foin pour la finition. »

Produire une viande neutre en carbone

L’exploitant s’est engagé en 2016 dans le projet Life Beef Carbon. « Il était important pour moi de produire de la viande sur un système vertueux pour l’environnement. Selon les années et la durée de la période hivernale, j’arrive à produire une viande neutre en carbone. Mon système tout herbe sur un parcellaire à 70 % en zone de marais, riche en haies (15 976 mètres linéaires) et en ruisseaux, offre une compensation importante des émissions brutes de GES générées par l’élevage (83 %). » Pour capter davantage de carbone, les haies sont valorisées énergétiquement et 1 600 m2 de panneaux photovoltaïques ont été installés sur la stabulation des mères. De plus, la centrale photovoltaïque produit de l’énergie à 2,7 grammes de CO2 par kWh et par an, là où la moyenne française est à 27 grammes. Tous les ans, un plan d’analyses des anciennes haies est réalisé pour faire le choix de les regarnir ou de les réimplanter.

Un taureau angus est arrivé sur l’exploitation en 2020 pour maximiser la valorisation de l’herbe. « Dans l’idéal, j’aimerais conduire deux troupeaux équilibrés en pure race et produire quelques croisés angus x limousin pour la boucherie. » Cette année, dix génisses angus ont été achetées. Elles seront conduites en vêlages 2 ans. « J’attends de voir le rendu en persillé. Mon objectif est de finir les animaux à l’herbe et de vendre les céréales produites. »

Chiffres clés

 

  • 90 mères limousines et quelques croisées angus

  • 36 mois, âge au 1er vêlage

  • 180 ha dont 20 de céréales (orge brassicole, blé panifiable, mélange orge/pois et pois/triticale pour les bovins) et le reste en prairies permanentes

  • 1,5 UTH (dont 1 salarié à plein temps)

  • 1 écurie de trotteurs

 

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