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Création d'atelier : « J'ai pris mon temps pour sécuriser mon élevage »

Christophe Rieunau élève des vaches allaitantes en label rouge et IGP veau d’Aveyron et du Ségala, à Sainte-Gemme dans le département du Tarn. Il a créé son élevage quasiment de toutes pièces.

En 2009, Christophe Rieunau a accompli ce à quoi il aspirait depuis l’adolescence : devenir éleveur de bovins allaitants. À 14 ans, son père lui achète quelques vaches. À 23 ans, il s’installe et se retrouve à la tête d’un cheptel de 40 mères. Le jeune homme n’est pas fils d’éleveur. Il hérite de 12 hectares, assortis d’un lac, qui étaient cultivés en céréales par son père, en marge de son activité professionnelle. « Chez nous, il existait beaucoup de petites fermes d’une dizaine d’hectares. Elles étaient historiquement exploitées par les mineurs de Carmaux, à quelques kilomètres. » Christophe s’est installé lorsqu’il a eu l’opportunité de récupérer 38 hectares supplémentaires en fermage. En attendant, fort d’un BTS PA et d’un certificat de spécialisation en mécanique agricole, il assouvissait sa passion en tant que salarié sur la ferme expérimentale Inrae de Blaye-les-Mines (Tarn), celle qui abritait le troupeau INRA 95.

Une croissance par étapes

« Quand je me suis installé, je n’avais pas vraiment de bâtiment. Les vaches étaient soit dehors, soit hébergées à droite à gauche. » En mars 2010, la première stabulation est sortie de terre, pouvant héberger 49 vaches. À partir de 2012, Christophe Rieunau a l’opportunité de prendre de nouveaux fermages. Sa SAU s’élève alors à 100 hectares. Concomitamment, il commence à agrandir le logement de son cheptel. « J’ai augmenté mes bâtiments en autoconstruction, au fil du temps. En tout, il m’a fallu dix ans pour atteindre la taille que fait mon exploitation aujourd’hui. Il faut prendre son temps pour trouver son équilibre. » Son cheptel est actuellement de 95 vaches allaitantes, en moyenne, dont l’alimentation est totalement assurée par l’assolement de l’exploitation, qui se répartit comme suit : 35 % de prairies naturelles, 35 % de prairies temporaires dont des luzernes, le reste en céréales à paille, colza et méteils, avec de la féverole. « Je suis complètement autonome grâce à une fabrique d’aliment. Je fais juste venir de l’extérieur un peu de compléments azotés que j’obtiens en échange de mon colza. »

Le choix du label

Au niveau économique, Christophe Rieunau a aussi suivi un cheminement par étapes. « Dès le début, j’ai produit des veaux du type veau sous la mère, vendus en direct ou à des bouchers à 250 kilos de carcasse (kgc) ». Simultanément à son opportunité d’agrandissement de 2012, l’éleveur décide d’entrer dans la filière label rouge et IGP veau d’Aveyron et du Ségala. « Ma ferme est en zone défavorisée, il fallait donc que je trouve un débouché avec une excellente valorisation. La vente directe prenant trop de temps, la filière label me permettait de prendre en charge la commercialisation. De plus, le centre d’allotement de mon acheteur, la SA4R, se situe à quelques kilomètres. » Hormis les 30 % conservés pour le renouvellement, tous les veaux de Christophe sont labellisés et vendus à 8 mois avec un poids moyen de 240 kgc. « Le prix tourne autour de 1 400 euros par veau. Sur l’atelier allaitant, je dégage un EBE qui varie de 700 à 750 euros par UGB. »

Un troupeau en mutation

Christophe Rieunau a monté son cheptel en partant de zéro. Celui-ci, comme le reste, a évolué au fil du temps. « J’ai démarré avec des aubracs, en croisement charolais, en partie parce qu’à l’époque on trouvait des vaches prêtes à vêler pas trop chères. Quand je me suis lancé en veau d’Aveyron et du Ségala, je me suis aperçu que ce croisement n’était pas le mieux adapté à la filière. J’ai donc investi dans des vaches limousines en croisement blond d’Aquitaine. » L’éleveur avoue qu’au départ, il n’a pas vraiment investi sur la génétique. « Je recherchais surtout des animaux réguliers, avec un bon GMQ, et des vêlages faciles. » À présent, l’élevage atteint une productivité de 1, avec un taux de perte entre 2 et 5 %, et un intervalle vêlage-vêlage de 365 jours au maximum. Conforté par de bons résultats techniques, Christophe Rieunau commence à sélectionner des limousines sans cornes, avec un taureau d’élevage et toujours un taureau blond d’Aquitaine. « Depuis deux ans, je conserve 30 % de renouvellement. La crise sanitaire ayant entraîné une baisse du prix des veaux labellisés, cela m’a incité à me lancer. De plus, mon troupeau se trouvait vieillissant. Avec la décision d’augmenter le renouvellement, la moyenne d’âge aujourd’hui va de 6 à 8 ans. La difficulté reste de trier au plus tôt les 25 génisses de renouvellement, qui ne vont pas être élevées comme les veaux destinés au label. »

Limiter l’endettement

Si Christophe Rieunau a pris son temps pour développer son élevage, c’est aussi pour raisonner ses investissements. « Je me suis installé avec un capital de 110 000 euros, dont 65 000 euros pour créer le premier bâtiment. J’aurais pu emprunter plus, la banque me suivait. » L’éleveur a démarré avec les aides à l’installation. À l’époque, le plan de développement de l’exploitation (PDE) courait sur cinq ans. « Je me suis tenu à mon PDE, je n’ai fait aucun avenant. » Il a donc attendu la fin de cette période pour continuer à investir. « Se lancer dans l’élevage quand on part de rien n’est pas chose facile. J’estime qu’il faut compter au minimum 10 000 euros de capital par UGB, en incluant le cheptel, le logement, le matériel et deux ans d’avance de trésorerie. Si on veut aussi acheter du foncier, il faut compter le double ! Moi, j’ai tout construit car je voulais absolument rester dans mon territoire. Mais je pense qu’il aurait été plus facile de reprendre ailleurs un élevage déjà en place. » Pour aider à l’agrandissement de son exploitation, Christophe Rieunau a investi dans des panneaux photovoltaïques sur les toits des bâtiments. « J’ai commencé en 2017 avec 1 000 m² de panneaux sur une partie de la stabulation. En 2022, j’avais atteint presque 2 000 m² pour une production de 700 kWh. »

Après une phase de développement de plus de 10 ans, Christophe Rieunau avoue rechercher aujourd’hui la performance technique pour optimiser son EBE et améliorer ses conditions de travail. « Sans la crise Covid et la guerre en Ukraine, mon exploitation serait déjà en phase de croisière. » Dans deux à trois ans, la ferme doit retrouver une meilleure capacité d’investissement. « Je pense investir à l’avenir sur l’optimisation du temps de travail, avec par exemple l’automatisation du raclage et du paillage. Mon objectif à long terme est de sécuriser mon entreprise pour les générations à venir. »

La tétée des veaux, une astreinte quotidienne toute l’année

En veau d’Aveyron et du Ségala, les veaux tètent matin et soir jusqu’à leur départ. Cette astreinte, Christophe Rieunau a trouvé des solutions pour l’optimiser. « L’hiver, l’alimentation et les tétées prennent en moyenne 45 minutes le matin et 30 l’après-midi, sans compter la surveillance. » La stabulation des vaches est constituée d’une aire de couchage paillée, d’une zone de raclage de 5 mètres de large, et enfin d’une stalle juste derrière le cornadis. « Je racle et je paille trois fois par semaine, pendant environ une heure et quart. Par contre le fumier n’est sorti qu’une à deux fois par an. » L’été, les vaches sont dehors. Elles rentrent le soir pour la tétée et ressortent après celle du matin. L’éleveur estime le temps passé à trois quarts d’heure par tétée, en comptant le déplacement des vaches. « Il faut compter en plus le tour quotidien des pâtures pour s’assurer que tout va bien. »

Trouver les ressources pour se faire remplacer sur la ferme

L’exploitant embauche un équivalent temps plein toute l’année, réparti entre un salarié de l’exploitation, un agent du service de remplacement et un autre salarié en groupement d’employeurs. « J’ai la chance de pouvoir compter sur des personnes qui sont habituées à venir chez moi, que mes vaches connaissent aussi bien que moi. Cela me permet de me faire remplacer même pour la tétée. » Il faut mentionner que Christophe Rieunau est vice-président de la chambre d’agriculture du Tarn, et papa de deux enfants de moins de 10 ans. « J’arrive à prendre deux semaines de vacances par an et un week-end par mois, annonce-t-il avec satisfaction. C’est en partie grâce au revenu des panneaux photovoltaïques que j’ai pu embaucher mon salarié en 2017. Chez nous, en zone défavorisée, il est compliqué de financer de l’emploi uniquement avec le revenu de l’élevage. »

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